Un article de Thierry LE PEUT
publié dans Arrêt sur Séries n°4 (mars 2001 - aujourd'hui épuisé)

 

 

We can  rebuild her

Nous pouvons  la reconstruire

 

Le moment : huit ans avant l’arrivée des Visiteurs sur notre planète. Le lieu : Los Angeles, Californie. L’homme : Kenneth Johnson. Sa mission : donner une compagne à Steve Austin et faire plus fort, plus populaire, plus consensuel. En un mot : créer la meilleure !

 

C’est amusant comme le hasard nous fait de l’oeil parfois : au moment où nous allions commencer cet article, TF1 diffusait une bande-annonce pour sa soirée des NRJ Music Awards 2001, parodiant le générique de L’Homme qui valait trois milliards. Quelle meilleure preuve que l’esprit des séries bioniques qui anima la télévision des mid-70’s est toujours alive and kicking, comme disent les anglo-saxons : bien vivant et présent dans les esprits !

Pourtant, le mythe a commencé tout doucement et il s’en est même fallu de peu qu’il ne connaisse pas l’ampleur qui en fit un concept phare des années 70. En 1975, en effet, après trois téléfilms et une saison et demie sur l’antenne d’ABC, L’Homme qui valait trois milliards semble en perte de vitesse, un comble pour un héros doté de jambes bioniques, capable de courir plus vite qu’une antilope ! Classée onzième en 1974, la série ne figure plus dans le top 20 l’année suivante. ABC s’inquiète et somme les producteurs de redresser la barre. « Notre président, Frank Price, m’a appelé un jour », déclara Harve Bennett, producteur exécutif, au magazine TV Guide, « et m’a dit : ‘Trop de gens pensent que c’est juste un programme pour enfants avec rien de plus qu’un type qui court et qui saute beaucoup.Pour attirer un public adulte et humaniser Steve, faisons-lui avoir une relation avec une fille qui compte pour lui. Dans le courant de l’histoire elle a un accident et ne peut être sauvée que par la greffe d’un bras et de jambes bioniques, comme lui, mais après un certain temps ça ne marche pas et il la perd. Personne dans les chaumières ne pourra y rester insensible.‘ »

C’est alors qu’entre en scène un scénariste encore inconnu à l’époque : Kenneth Johnson. « Un ami proche du College, le scénariste Steven Bochco, m’a présenté à Harve Bennett », racontera plus tard Johnson. « L’Homme qui valait trois milliards était dans une mauvaise passe. Ils avaient un besoin urgent de nouveaux scripts. Harve et moi nous sommes bien entendus et l’une de nos idées était La Fiancée de Frankenstein. Je lui ai dit : ‘Est-ce que ce ne serait pas une bonne idée de donner à Steve Austin une compagne ?’ Harve a souri et m’a déclaré : ‘Tu sais, Frank Price et moi avons parlé de la même chose. Tu veux l’écrire ?‘ »

 

Une semaine plus tard, Johnson revient avec un script intitulé Mme Steve Austin qui fait l’unanimité. Fred Silverman, le directeur des programmes d’ABC, estime juste que le script est trop dense et en commande une réécriture adaptée à un téléfilm de deux heures qui deviendra La femme bionique, un épisode en deux parties programmé dans le courant de la deuxième saison de L’Homme qui valait trois milliards. Contrairement à Frank Price, Johnson ne voulait pas faire mourir sa création mais l’abandonnait au terme des deux heures dans un caisson cryogénique, son corps ayant rejeté les membres bioniques et entraîné des complications sans issue. Mais Price et Silverman, qui craignaient semble-t-il de voir proliférer les créatures bioniques et ne voulaient pas engager Steve Austin au-delà d’un épisode double, eurent finalement gain de cause et Jaime Sommers, tel était son nom (inspiré paraît-il à Johnson par une skieuse nautique qu’il avait rencontrée), fut sacrifiée au terme de l’aventure.

Restait à trouver une actrice pour incarner la dulcinée tragique de Steve Austin. Ironiquement, le choix des producteurs se porta sur une jeune comédienne alors sous contrat avec Universal mais dont la firme n’avait pas l’intention de renouveler le contrat, une certaine Lindsay Wagner âgée de vingt-six ans et qui venait d’apparaître au cinéma dans Two People et Paper Chase. Les critiques étaient bonnes et l’actrice désirait poursuivre une carrière cinématographique, aussi n’était-elle pas très emballée par un rôle dans une série, même pour deux épisodes. Harve Bennett, lui, voyait en elle l’actrice idéale, dotée de cette vulnérabilité qui rendrait Jaime Sommers éminemment sympathique. Et surtout, comme elle était sous contrat, elle ne coûterait pas cher ! Wagner fut donc enrôlée, l’actrice ayant voulu faire à sa petite soeur de quatorze ans un joli cadeau en apparaissant dans sa série fétiche, et c’est en plein tournage que Bennett apprit que son contrat venait d’expirer et qu’elle n’était pas réengagée par Universal. Il fallut prolonger son contrat de cinq ou six jours pour lui permettre de finir le tournage !

 

Lindsay Wagner et Lee Majors : un couple qui affole les audiences !

 

le retour de la femme bionique

Lors de la diffusion de cet épisode en deux parties, les 16 et 23 mai 1975, les résultats d’audience crevèrent le plafond. Dès le départ Jaime fut un hit qui rendit à ABC sa confiance en la série. La chaîne reçut une tonne de courriers positifs et de réclamations : Jaime Sommers ne devait pas mourir. C’était tout simplement inutile, inhumain, impensable. Aussitôt Price et Silverman se retournent vers Johnson et s’écrient : « Mais pourquoi l’avoir tuée ? Il ne fallait pas la tuer ! » Et le scénariste se vit commander une suite pour la rentrée suivante. La paternité du retour de Jaime n’est pas clairement établie : c’est Lionel E. Siegel, producteur et scénariste de L’Homme qui valait trois milliards, qui en aurait lancé l’idée et tracé les grandes lignes, Johnson se chargeant d’en faire un script. Martin Caidin, l’auteur du roman Cyborg dont la série s’inspirait à l’origine, raconta quant à lui que les producteurs lui avaient téléphoné affolés, ne sachant comment expliquer la « résurrection » du personnage après l’avoir sacrifié sans vergogne. C’est lui qui aurait alors proposé la cryogénie et permis à Jaime de faire son comeback avec une justification scientifique. L’Histoire ne perdra pas de temps à faire le tri et finalement peu importe : dès la rentrée 1975, Jaime croisait de nouveau la vie de Steve Austin dans Le Retour de la femme bionique, de nouveau écrit par Kenneth Johnson. Une fois encore, les résultats furent fantastiques et ABC autant qu’Universal conçurent le projet de donner à Jaime sa propre série, histoire de rentabiliser l’impact de la femme bionique.

Alan Oppenheimer (le Dr Rudy Wells), Richard Anderson (Oscar) et Lee Majors (Steve Austin) entourent Lindsay Wagner (Jaime)

Déjà, cependant, la résurrection du personnage achevait de remettre sur les rails L’Homme qui valait trois milliards qui réintégrait le top 10 lors de la saison 1975-1976. Lee Majors, alias Steve Austin, ne cache pas, à l’époque, sa crainte qu’une série dérivée centrée sur le personnage de Jaime ne nuise à la popularité de sa propre série, mais il obtiendra finalement d’Universal une part sur les bénéfices du nouveau programme. L’acteur avait probablement une autre raison d’être inquiet : car en acceptant de reprendre son rôle de Jaime d’abord dans un nouvel épisode double de L’Homme qui valait trois milliards puis dans une série autonome Lindsay Wagner réalisa la meilleure affaire de sa carrière, sur un plan strictement financier. Lorsqu’Universal la contacte, en effet, la comédienne n’est plus sous contrat et travaille sur un long-métrage de cinéma, Second Wind. Elle n’est pas chaude pour revenir sur le passé mais les producteurs insistent : car si la firme n’était pas convaincue, au départ, du potentiel de l’actrice, le public, lui, réclame à grands cris celle qu’il a désormais adoptée. D’autres noms sont étudiés, notamment Sally Field et Stefanie Powers (la première se consolera en faisant carrière au cinéma, la seconde en devenant la très populaire Jennifer Hart dans Pour l’amour du risque, trois ans plus tard), mais il est clair que le projet ne sera jamais aussi viable qu’avec Wagner dans le rôle titre.

L’agent de Wagner, Ron Samuels, réclama pour le retour de sa protégée un salaire mirobolant sans commune mesure avec la popularité réelle de la comédienne, encore au début de sa carrière. A la surprise générale, Universal accepte et lui concède également une part sur les bénéfices réalisés par la commercialisation de divers produits dérivés, comme une série de poupées à l’effigie de son personnage. Plus la promesse d’un premier rôle dans un film Universal par an : un tremplin rêvé pour la carrière ciné à laquelle se destine l’actrice. Celle-ci, pourtant, se sentira prisonnière du rôle qui ne lui offre pas assez d’opportunités de jouer. « Par la suite, son comportement n’a pas été des meilleurs pendant cette première année et demie », confia le scénariste et producteur James Parriott. « Elle nous aimait, travaillait dur et faisait du bon travail mais elle éprouvait un ressentiment sous-jacent du fait de devoir incarner Super Jaimie. »

Pour lui rendre le travail plus agréable, les scénaristes n’hésitent pas à façonner Jaime à son image. Selon Ralph Sariego, un autre producteur de la série, « elle voulait davantage une série dramatique qu’une série d’action-adventure ». Courir après les méchants, même à grande vitesse, et leur botter le train à coups de membres bioniques ne lui procurait guère de satisfaction, au contraire de Lee Majors qui se moquait pas mal du traitement réservé à son personnage pouvu que la série continue de plaire au public. Nullement espionne à l’origine, Jaime Sommers était d’abord un personnage vulnérable, touchant. Championne de tennis, elle n’existait que par sa relation avec Steve Austin, son amour de jeunesse, avec qui elle avait grandi chez ses parents adoptifs après la mort de ses propres parents dans un accident de voiture. Déjà, Lindsay Wagner soulignait l’ironie de ces prémisses en avouant qu’elle était certainement la personne la moins athlétique du monde : « Une fois dans ma vie j’ai joué au tennis pendant une demi-heure et j’ai souffert pendant trois jours. Je pouvais à peine marcher. » Elle ne suivra par la suite aucun entraînement particulier pour incarner la femme bionique, s’en remettant la plupart du temps à sa doublure Rita Eggleston.

Du coup, Jaime Sommers est, un peu comme Lindsay Wagner, une sorte d’« héroïne malgré elle ». Ramenée à la vie par le secours de la science bionique, elle insiste pour payer sa dette en exécutant des missions spéciales pour le compte de l’OSI (Office of Scientific Intelligence), dirigé par Oscar Goldman, mais sa couverture est à l’image de son caractère : à partir de l’épisode pilote de la série, « Welcome Home, Jaime », elle travaille comme institutrice sur une base militaire. L’alliance de la force et de la douceur, une arme secrète mise au service des autres, en l’occurrence d’une classe de gamins récalcitrants qui ont déjà fait craquer plusieurs enseignants ! Dans cet épisode inaugural, la première « mission » de Jaime est de gagner la confiance des enfants : à l’instar de Michelle Pfeiffer dans Esprits rebelles, bien des années plus tard, elle se sert pour cela de ses dons particuliers, épatant la galerie en déchirant à mains nues un annuaire téléphonique tandis qu’elle affirme être pour « la méthode douce », ou surprenant quelques mots chuchotés à l’oreille d’un élève à l’autre bout de la classe. Plus que sa force, pourtant (rappelons, mais uniquement pour les profanes, que Jaime Sommers possède deux jambes et un bras bioniques, ainsi qu’une oreille, remplaçant l’oeil de lynx de Steve Austin par une ouïe extraordinaire), c’est sa sensibilité qui fait l’originalité du personnage.

 

Richard Anderson (Oscar Goldman) heureux de veiller sur Lindsay Wagner (Jaime Sommers)

 

« Nous avons accompli des choses énormes avec Lindsay que nous n’avions pas faites avec Lee Majors », déclarait Harve Bennett. « Le personnage de Lee était tranquille et réservé. Mais ici nous avions un personnage de femme bionique, capable de pleurer et de nous communiquer ses sentiments. Nous étions donc en mesure de communiquer beaucoup plus de sentiments dans la série. Lindsay chante même la chanson Feeling dans un épisode. Elle jouait le rôle d’une chanteuse de night-club (sa couverture d’agent secret) et Lindsay chantait magnifiquement bien. Ce sont des choses que nous pouvions faire avec Lindsay mais qui étaient impossibles sur L’Homme qui valait trois milliards. » Plus encore que Steve Austin, Jaime fait souvent figure d’ange-gardien, sa présence servant de catalyseur à la révélation des personnages secondaires : une sorte de Sam Beckett au féminin (Beckett chantera d’ailleurs aussi Feeling dans un épisode de Code Quantum. Ça ne s’invente pas !).

Richard Anderson, qui durant les trois années que dura Super Jaimie incarna dans les deux séries le toujours tranquille Oscar Goldman, évoquait l’attitude très personnelle de Lindsay Wagner à l’égard de la violence, qu’elle essaya toujours de réduire au minimum dans la série. Et Larry Stewart, un autre producteur-scénariste, insistait sur la volonté de la comédienne de « rendre son personnage plus féminin ». « Dans un épisode que j’ai réalisé, elle devait chasser les méchants dans un puits de mine et leur jeter des chariots d’or », raconta le producteur aux journalistes. « Lindsay avait horreur de ce genre de choses. Il y a eu un autre épisode où elle pourchassait les méchants lors d’un rodéo. Lindsay en a eu assez de l’histoire et est partie. » Stewart dut alors réécrire l’histoire et mit davantage en avant une « histoire d’amour sur fond de rodéo » ! Des « ajustements » que ne facilitaient pas toujours les « exécutifs », ABC harcelant les producteurs pour réclamer tantôt « plus de super-héros » tantôt plus de sensibilité.

 

Jaime s'entraîne sous le regard vigilant du Dr Rudy Wells (Martin E. Brooks)

 

the johnson touch

La présence de Kenneth Johnson, qui quitta L’Homme qui valait trois milliards pour se consacrer entièrement à Super Jaimie dès le printemps 1976, a certainement fait beaucoup pour maintenir la série dans la voie du réalisme. On l’a déjà souligné pour L’Incroyable Hulk et pour V, le producteur-scénariste met constamment un point d’honneur à respecter une certaine vérité dans la définition des personnages et les histoires racontées. Ici, le réalisme n’est pas forcément flagrant dans le concept initial (une ex-championne de tennis, dont l’accident a fait la Une de tous les journaux, devenant espionne en se faisant passer pour une modeste institutrice...), mais il réside dans le choix de conserver à Jaime une simplicité qui faisait défaut à son homologue masculin, un côté « Madame Tout le Monde » qui rapproche le personnage du public. De ce point de vue, même si Steve Austin continua d’apparaître de temps en temps dans les épisodes (et inversement), il était important de bien marquer la séparation des deux personnages en ne rendant pas tous ses souvenirs à Jaime. Dans « Welcome Home, Jaime », elle découvre les liens qui l’ont unie à Steve mais ne parvient pas à retrouver les sentiments jadis éprouvés. S’ils restent amis, leur amour est mort à jamais et Jaime peut partir de son côté sans être irrémédiablement attachée à la série-mère. Aux nombreux fans qui n’ont jamais compris comment elle avait pu oublier cet amour Lindsay Wagner répondait d’ailleurs avec humour qu’elle l’avait oublié parce que... la production le voulait ainsi !

Jaime et Steve, un amour rendu impossible... pour que chacun soit libre de vivre ses aventures de son côté

Philip DeGuere, qui travailla sur la série lors de la première saison avant de partir produire Les Têtes Brûlées avec Stephen J. Cannell, estimait que le succès de la série s’expliquait en grande partie par le choix de l’approche « anti-héros ». Jaime « se comportait comme une femme et se servait discrètement de ses pouvoirs bioniques. » Dans le premier épisode, par exemple, elle utilise ses pouvoirs pour remettre en état la petite maison qui deviendra son foyer. « La sagesse conventionnelle de cette époque », ajoutait DeGuere, « voulait que le public n’adopte pas un personnage féminin fort et agressif. Lindsay a très bien réussi dans ce rôle. » Dans un registre particulier qui était celui de la série d’action, Wagner a en effet imposé un personnage de femme aussi crédible, à l’intérieur des codes propres au concept bionique, que la femme flic incarnée à la même époque par Angie Dickinson dans Sergent Anderson. « J’aime cette série parce qu’elle donne aux filles quelqu’un à respecter », avançait l’actrice. « Super Jaimie n’est pas une combattante, mais elle va toujours jusqu’au bout de ce qu’elle fait. »

Kenneth Johnson veillait par ailleurs à ce que les scénaristes respectent un minimum de vraisemblance. « Nous avions des règles bioniques à observer », disait-il. « Les scénaristes pouvaient entrer et dire : ‘J’ai une idée où Lindsay soulève un camion.’ Je leur répondais : ‘Non, Lindsay ne peut pas soulever de camion.’ Le scénariste me regardait déconcerté et disait : ‘Qu’est-ce que ça veut dire ? Elle est bionique !’ et je rétorquais : ‘mais elle ne peut pas soulever un camion. Elle peut retourner une voiture mais les camions sont trop lourds pour elle. Elle peut sauter et atteindre le deuxième étage d’un bâtiment mais pas le troisième.’ Nous devions conserver une certaine crédibilité. Dans le cas contraire, les téléspectateurs auraient levé les mains au ciel et dit : ‘C’est complètement idiot.’ Cela s’est produit pour de nombreuses séries de science-fiction. Une fois les règles établies, vous devez jouer en fonction de ces règles. »

Un autre atout de Super Jaimie, dont Johnson revendiquait également la responsabilité, était son humour. Moins « héroïque » que Steve Austin, Jaime savait faire preuve d’une certaine ironie quant à ses pouvoirs bioniques. Elle n’hésite pas à les utiliser dans sa vie de tous les jours, ne serait-ce que pour ouvrir une boîte de conserve ! Les multiples personnalités qu’endosse le personnage, en plus d’offrir à Lindsay Wagner des rôles variés à jouer, même si c’est toujours dans des limites assez superficielles, sont une autre facette de cet humour : tantôt nonne, tantôt catcheuse, chanteuse ou femme du monde, Jaime change de personnalité comme Sam Beckett (encore lui ?) change de corps et cet aspect frégolesque est parfois réjouissant.

 

 

ADIEU JAIMIE ?

En 1977, pourtant, malgré des scores d’audience très satisfaisants, ABC décide de ne pas commander de nouveaux épisodes. Propulsée en cinquième position des séries les plus regardées dès sa première saison, devançant même L’Homme qui valait trois milliards, Super Jaimie finissait quatorzième au terme de sa deuxième année et ABC préféra l’interrompre avant que le public ne l’abandonne. Universal pourtant ne renonça pas et vendit la série à NBC pour une année supplémentaire. Johnson, cependant, était parti adapter L’Incroyable Hulk, toujours pour Universal, et son départ semble avoir ouvert la porte à une fantaisie qu’il avait jusque là contenue. La série quitta définitivement le top 20 et ne survécut pas à sa troisième saison. « La série a bénéficié d’un sursis en allant sur NBC », nota Harve Bennett, « mais en la déplaçant sur cette chaîne nous avons perdu les apparences de protection de Steve Austin sur Super Jaimie et de Jaime sur L’Homme qui valait trois milliards. Nous ne pouvions faire cela que lorsque les deux séries étaient diffusées sur ABC. » Si Oscar Goldman demeurait la passerelle entre les deux programmes, un cas rare de partage d’un personnage entre deux chaînes, les crossovers étaient désormais exclus. Jaime se vit adjoindre deux nouveaux « partenaires » : un chien bionique, Max, et un agent du nom de Chris Williams, sorte d’ersatz de Steve Austin interprété par Christopher Stone.

Au terme de l’aventure, Lindsay Wagner commanda, dit-on, au scénariste Steven E. De Souza un épisode de conclusion qui mettait en quelque sorte en scène sa propre position par rapport à la série : Jaime, fatiguée de jouer les espionnes, décide de raccrocher mais le Gouvernement ne l’entend pas ainsi et envoie des hommes à sa poursuite. Leur mission : faire enfermer Jaime pour éviter que les secrets qu’elle détient ne passent en de mauvaises mains. Un petit côté Le Prisonnier, ça ne peut pas faire de mal, après tout...

L’histoire pourtant ne s’arrête pas là. Comme les autres agents, James West et Artemus Gordon, Max la Menace, Jim Phelps..., Jaime et Steve n’auront pas la chance de jouir d’une retraite tranquille. En 1988, Richard Anderson en effet contacte les deux comédiens pour leur proposer de reprendre les rôles qui ont fait leur gloire. Lee Majors, depuis, a poursuivi sa carrière en devenant chasseur de primes pour les besoins de L’Homme qui tombe à pic et Lindsay Wagner s’est surtout illustrée dans des téléfilms dramatiques mais tous deux sont restés marqués par leurs rôles d’agents bioniques. Si Wagner est toujours réticente à l’idée de jouer les super femmes, elle accepte pourtant, par amitié pour Anderson. Trois téléfilms seront tournés entre 1988 et 1994 : Le Retour de L’Homme qui valait trois milliards et de Super Jaimie, Bionic Showdown en 1989 et Bionic Ever After en 1994. A l’époque, Universal évoque la possibilité de lancer une nouvelle série avec de nouveaux personnages, mais le niveau des téléfilms n’est en rien comparable avec celui des séries originelles et le projet est oublié. En revanche, les fidèles de Steve Austin et Jaime Sommers ont la joie de voir enfin unis leurs tourtereaux bioniques : un mariage qui renoue avec les origines, sans doute, mais en sacrifiant le tragique au convenu !

 

Les années 1980 voient le retour des héros bioniques, toujours sous la protection paternelle d'Oscar Goldman : Lee Majors, Richard Anderson, Lindsay Wagner

 

Cet article n’aurait pu être écrit sans les documents que nous a procurés, de manière désintéressée, Denis Gardette : The Six Million Dollar Man and the Bionic Woman de Joel H. Cohen, Scholastic Book Services, 1976 et des photocopies dont, malheureusement, nous n’avons pas la source.

Merci aussi à A l'image des séries dont les recherches iconographiques ont permis partiellement l'illustration de cette page. 

 

Tag(s) : #Dossiers, #Dossiers 1970s
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