Arrêt sur épisode : un épisode à la loupe

par Thierry Le Peut

 

 

 

 

Episode 1 :

Meridian (ABC, 30 septembre 1958, 25’53’’)

Ecrit par Stirling Silliphant. Réalisé par Jerry Hopper

 

 

Les mots en gras ci-dessous sont les propos du narrateur de la série.

En gris, leur traduction française. 

 

0’ à 0’48’’

 

 

 

 

Ladies and gentlemen, you’re about to see The Naked City. I’m Bert Leonard, the producer. As you see, we’re flying over an island, a city, a particular city, and this is the story of a number of people, and the story also of the city itself. It was not photographed in a studio. Quite the contrary. The actors played out their roles in the streets, in the apartment houses, in the skyscrapers of New York itself. These are the buildings and their naked stone, the people without make-up. There’s a pulse to a city and it never stops beating.

Mesdames et messieurs, vous êtes sur le point de voir La Cité Sans Voile. Je suis Bert Leonard, le producteur. Comme vous le voyez, nous survolons une île, une cité, une cité particulière, et ceci est l'histoire d'une foule de gens, et l'histoire aussi de la cité elle-même. Cela n'a pas été tourné en studio. Bien au contraire. Les acteurs ont joué leurs rôles dans les rues, dans les immeubles d'habitation, dans les gratte-ciel de New York elle-même. Voici les immeubles et leur pierre nue, les gens sans fard. Une ville a un pouls et il ne s'arrête jamais de battre.

 

Tout commence par la voix off du producteur Herbert (« Bert ») Leonard qui introduit les spectateurs à la série sur des plans de la ville. Une introduction en douceur qui situe le lieu et l’ambiance. La voix s’adresse directement aux spectateurs, créant d’emblée un lien entre celui qui regarde et la réalité de la production : il ne s’agit pas de faire entrer le spectateur dans un univers fictif mais de mettre en exergue le lieu réel, en présentant l’action qui va suivre comme la réalité de ce lieu plutôt que comme une fiction. Le premier regard est porté depuis le ciel, le producteur comme le spectateur surplombent la ville et y entrent progressivement : plan général, « une île », puis « une cité », enfin « une cité particulière » à mesure que les images font descendre le spectateur au niveau des immeubles, le font entrer dans la ville.

Le lieu réel et le programme qui la met en scène sont volontairement confondus : « Mesdames et messieurs, vous vous apprêtez à voir La Cité Sans Voile » est ambivalent ; ce que vous allez voir, c’est à la fois la série The Naked City et la cité elle-même, « nue », sans voile, telle qu’elle est en réalité. Cette ambivalence est reprise à la fin de l’épisode : « There are eight million stories in The Naked City. This has been one of them » (Il y a huit millions d’histoires dans la cité sans voile. Ceci était l’une d’entre elles » - 8 millions est le nombre d’habitants de New York en 1958, approximativement 7.800.000) ; « The Naked City » est à la fois la cité elle-même et la série que l’on regarde. Italiques ? majuscules ? ou aucune marque distinctive ?

« Ceci est l’histoire… » introduit les gens, « une foule de gens », mais conserve à « la cité elle-même » une place éminente, égale à celle des gens. La phrase est à rapprocher de la conclusion de l’épisode : « Do people make the city or does the city make its people ? » Le producteur pose la question en voix off sur des images du Lt Dan Muldoon qui, rentrant chez lui le soir, observe le vol des oiseaux et porte un dernier regard à la ville.

Gens et ville sont de nouveau mêlés quand le producteur explique que la série « n’a pas été filmée en studio, bien au contraire », les « acteurs » sont évoqués ensuite et le mot est ambigu puisqu’il semble désigner les habitants réels, que l’on voit à l’image, mais qu’il désigne aussi les acteurs professionnels, qui jouent un rôle mais qui le jouent « dans les rues, dans les immeubles d’appartements, dans les gratte-ciel de New York elle-même » : c’est donc le cadre, le lieu réel, qui est ici le facteur du réalisme de la série. De nouveau, la phrase suivante met sur le même plan le lieu et les gens : « Voici les immeubles et leur pierre nue, les gens sans fard », « make-up » désignant à la fois le maquillage des acteurs et tout ce qui peut altérer la réalité de ce qui est montré. « Voici… » met le spectateur au contact direct de cette réalité nue : les gens qu’il va voir sont aussi vrais que les immeubles de pierre, ils apparaîtront dans leur vérité, capturée telle quelle par la caméra.

Enfin, la dernière phrase fait de la ville un être vivant : « Une ville a un pouls et il ne s’arrête jamais de battre. » La vie en continu, la vie inaltérable, qu’il s’agit de capter dans sa réalité, sans fard, sans intermédiaire autre que la caméra.

C’est aussi le sens de la présence du producteur en tant qu’hôte : la série se donne elle-même pour ce qu’elle est, un programme télévisé, produit et filmé, mais, précisément, le fait de l’assumer et de le mettre en avant est aussi un gage de réalisme, il atteste la volonté de montrer les choses telles qu’elles sont en réalité, sans dissimuler.

Naked City n’est pas une exception dans son époque : il suffit de songer à La Quatrième dimension, où le véritable auteur de la série, Rod Serling, apparaît chaque semaine dans le décor même de la série pour présenter l’histoire comme une fiction, certes, mais une fiction à laquelle Serling, l’homme réel, se retrouve intégré de fait.

 

0’49’’

 

 

 

 

Well, let’s begin our story this way. A cold february night has worked its way toward dawn. Now, it is six o’clock. This is the face of New York when it awakens.

Bien, commençons notre histoire ainsi : une froide nuit de février a tracé son chemin jusqu'à l'aube. Maintenant, il est six heures. Ceci est le visage de New York au réveil.

 

« Bien, commençons notre histoire ainsi… » Le ton oral, l’adresse au spectateur, le « notre histoire » instaurant une connivence participent de l’effet de réel. Le producteur ici se fait conteur, et comme tout bon conteur il a à cœur d’aider son auditoire à entrer dans l’histoire. C’est en conteur qu’il commence par poser le cadre, en évoquant le moment (« une nuit de février ») mais aussi une sensation (« une froide nuit de février ») ; en conteur qu’il utilise un langage imagé, « littéraire » : « une froide nuit de février a tracé son chemin jusqu’à l’aube » ; en conteur aussi qu’il rend le moment présent (« Maintenant, il est six heures ») et qu’il commente ce que le spectateur a actuellement sous les yeux (« Ceci est le visage de New York à son réveil »).

 

1’07’’

 

 

 

 

Can’t sleep nights ? Lie awaken, toss, stomach tied in knots ? Arturo Gutteraz, age 15, birth place San Juan, Porto Rico. Accomplishments ? None, except knowing how to turn in a bed with six brothers and sisters without awakening them.

Impossible de dormir la nuit ? Etre étendu éveillé, se retourner, l'estomac noué ? Arturo Gutteraz, 15 ans, lieu de naissance San Juan, Porto Rico. Accomplissements ? Aucun, en dehors de savoir comment se tourner dans un lit avec six frères et soeurs sans les réveiller. 

 

1’31’’

A warehouse is a lonely place. A watchman waits out the long hours listening for all kinds of sounds, mostly for the sound of the six o’clock relief.

There are many ways to come by a gun. Buy one and obtain the necessary permit, join the Army or (mot incertain pour assommer, agresser) a watchman on his way home to sleep. 

It’s five minutes to seven, now. Time to face the new day. Arturo Gutteraz is not a bad boy, he’s a poor boy, a hungry boy, possibly even an impatient boy. But mostly he’s a divided boy, like this morning’s breakfast : one quarter of milk divided seven ways.

It’s seven now, and a force has been set in motion. A cause (mot incertain) looking for an effect. Two boys and a gun heading downtown.

Un entrepôt est un lieu solitaire. Un veilleur de nuit voit passer les longues heures en tendant l'oreille à toutes sortes de bruits, spécialement au bruit de la relève de six heures. 

Il existe de nombreuses manières de se procurer une arme. En acheter une et obtenir le permis indispensable, s'engager dans l'Armée ou agresser un veilleur de nuit tandis qu'il rentre chez lui pour dormir. 

Il est sept heures moins cinq, à présent. L'heure d'affronter le jour nouveau. Arturo Gutteraz n'est pas un mauvais garçon, c'est un garçon pauvre, un garçon qui a faim, peut-être même un garçon impatient. Mais avant tout c'est un garçon déchiré, comme le petit déjeuner de ce matin : un quart de lait divisé en sept portions. 

Il est sept heures, maintenant, et une force a été mise en mouvement. Une cause en quête d'un effet. Deux garçons et une arme en route pour le centre-ville.

 

L’accompagnement du spectateur et son immersion dans la ville et dans la série se poursuivent en entrant dans l’intimité des personnages. Ici, les « gens » reçoivent un visage, une identité ; ce ne sont plus les habitants réels et « sans fard » que la caméra montrait un instant plus tôt, ce sont maintenant des acteurs incarnant un rôle ; mais ces personnages conservent une valeur générale, donc réaliste : le jeune Portoricain montré dans l’intimité d’un petit appartement qu’il partage avec ses deux parents et ses six frères et sœurs, le veilleur de nuit content de quitter son travail quand l’aube l’en libère, et heureux à l’idée de rentrer chez lui pour, enfin, dormir.

Le cadre posé, les personnages placés dans le contexte, l’histoire proprement dite peut être lancée. L’agression du veilleur de nuit donne au jeune garçon l’arme dont il a besoin pour entraîner le jeune Portoricain dans le cambriolage qui motivera l’intervention des policiers. Le rappel de l’heure augmente l’effet de réel : c’est la chronique d’une journée particulière et en même temps ordinaire que fait le conteur.

 

4’38’’

 

 

 

 

It’s also seven o’clock on Long Island in the two bedroom trackhouse (mot incertain) where patrolman, or should I say detective third grade, James Halloran of the New York City Police Department lives with his wife and five year old daughter.

Il est sept heures aussi à Long Island, dans la maison à deux chambres où le policier, ou devrais-je dire le detective de troisième échelon, James Halloran de la Police de New York vit avec sa femme et sa fille de cinq ans.

 

Le policier est présenté après la ville et les auteurs du délit en préparation. C’est le jeune policier qui est présenté d’abord, à l’aube de sa prise de service dans le grade nouvellement acquis de detective. Il apparaît dans son intimité, sous la douche (par un effet de fondu enchaîné entre le camion de la voirie nettoyant la rue à grande eau et le pommeau de douche), dans l’appartement qu’il occupe avec sa femme et sa petite fille, présentées dans cet ordre. La cellule familiale est simple et attachante : Madame tend un verre de jus d’orange à Monsieur tandis qu’il est sous la douche, échange avec lui quelques mots sur un ton léger, puis lui fait une surprise en lui offrant un cadeau inattendu : un nouveau chapeau pour remplacer l’ancien, défraîchi, et parfaire ainsi la nouvelle tenue civile du detective (« plainclothes »). Les époux s’embrassent et leur petite fille se mêle au bonheur conjugal et familial affiché. Enfin, Monsieur sort pour se rendre à son travail en se réjouissant déjà du retour à la maison, où l’attendront les deux femmes de sa vie.

Le policier est donc un homme comme tout le monde, parfaitement intégré à la société. La promotion au grade de detective fait de Halloran le « candide » qui va introduire le spectateur dans l’univers policier ; spectateur et policier vont ainsi découvrir ensemble de quoi est faite la vie d’un detective de New York City. Le bonheur de la cellule familiale bien installée contraste, aussi, avec la misère et la dureté de la rue, mise en scène dans la séquence précédente. Le policier ne fait pas partie du même monde que les criminels, même s’il habite la même ville.

 

7’15’’

 

 

 

 

How lonesome you can get among people, standing face to face with them and yet further away than if they were on the planet Jupiter, and yet how close, how crowded…

Comme on peut être seul au milieu des gens, debout face à eux et pourtant plus éloigné que s'ils étaient sur la planète Jupiter, et pourtant si proche, au milieu de tant de gens...

 

Arturo et Lefty se déplacent par le métro aérien au milieu des gens qui se rendent au travail. Chacun porte avec lui sa propre ligne d’existence, parallèle aux autres mais ne se croisant pas (le regard envieux d’Arturo sur une jeune femme qui, elle, est perdue dans ses pensées) ou se croisant le temps d’un regard provocateur ou hostile (Lefty et un homme).

Le montage alterné rappelle que les jeunes New-Yorkais et le policier partagent la même trame temporelle. Il introduit aussi un effet de suspense : un crime se prépare, inéluctable, et l’effet est d’autant plus prégnant que le jeune detective suit sa propre logique, inconscient du crime à venir, de même que les passagers du métro aérien sont indifférents aux vies qu’ils côtoient le temps d’un trajet.

La narration crée aussi une tonalité : tragique cohabitation de gens aux destins si différents, qui s’ignorent, tragique présence de la misère et du désespoir au milieu de l’indifférence générale.

 

7’35’’

 

 

 

 

The 65th Precinct Station is located in Midtown, Manhattan. A shavy building on a shavy street. Now, after fourteen months as a patrolman, James Halloran will report to his squad commander for assignment as a detective.

Le commissariat du 65e District est situé à Midtown, Manhattan. Un immeuble décrépit dans une rue décrépite. A présent, après quatorze mois à patrouiller dans la rue, James Halloran va se présenter devant son chef d'unité pour être affecté en qualité de detective

 

Le jeune detective nous introduit dans le commissariat qui deviendra un lieu familier des épisodes à venir. Ambiance toujours : « shavy, décrépit », comme la rue qui l’abrite. Ce n’est pas le foyer chaleureux et rassurant que le detective vient de quitter mais un lieu plus en accord avec les personnes et les événements du métier de policier. Le narrateur accompagne Halloran jusqu’à la porte du squad commander puis il s’efface, comme il l’a fait plus tôt pour laisser se dérouler la rencontre entre Arturo et Lefty, puis dans l’appartement de Halloran.

Le squad commander Donahue puis le Lt Dan Muldoon apparaissent comme des hommes bienveillants, qui voient arriver le jeune detective avec sympathie. Donahue introduit le Lt Muldoon avant son apparition : inutile de le présenter à Halloran car la réputation du personnage l’a précédé ; « Dan is a legend », dit Donahue avec parcimonie, avant de délivrer la recommandation de l’homme d’expérience au débutant introduit dans le cénacle : « You stick to him. If even a little of what he’s got rubs off on you, you’lle be a credit to the force, Halloran, and to yourself as a man. So good luck. » La poignée de main qu’initie ensuite Halloran en remerciant le chef sanctionne la transmission de l’aîné au cadet et montre que le jeune homme est humble et respectueux, en même temps que simple et direct. La courte scène, réduite au minimum symbolique, se termine par une plaisanterie bienveillante de Donahue sur le beau chapeau tout neuf de Halloran.

La scène suivante se passe dans un lieu dont le caractère insolite vaut caractérisation du Lt Dan Muldoon : le toit du commissariat ; mais c’est aussi un moyen de mettre en avant la ville, la scène d’extérieur valant acte de réalisme. Au contraire de Donahue, homme de bureau, Muldoon appartient à la ville, son terrain d’action est la rue, et sur le toit il affirme symboliquement sa position dominante.

C’est donc là que Halloran trouve son nouveau partenaire, occupé à nourrir des pigeons en cage. La prise de contact est de nouveau directe et simple : échange de noms, puis l’aîné confie d’emblée une mission à son cadet, remplir un seau d’eau pour les oiseaux. En s’exécutant, Halloran montre sa soumission à l’aîné, sa bonne volonté et de nouveau la simplicité de son caractère. Muldoon, en l’observant, se révèle un mentor attentif et bienveillant, un brin malicieux peut-être, un rien nostalgique peut-être aussi : qui sait si ce jeune detective plein de bonnes intentions et de naïveté ne lui rappelle pas l’homme qu’il fut jadis ?

La conversation qui suit nous donne des indications sur les deux hommes. Muldoon est veuf, il s’occupe des pigeons en hommage à son épouse décédée qui aimait ces animaux ; Halloran, lui, a été soldat en Corée, une expérience qui lui paraît déjà lointaine et qui amène une comparaison entre le soldat et le policier : le premier n’est pas censé avoir de sentiments, au contraire du policier. « I think we’ve got to have feelings », dit Halloran avec conviction, comme on récite un credo. S’ensuit un long regard partagé qui scelle un accord tacite entre les deux hommes, entériné par la proposition que fait ensuite Muldoon : d’apprendre à son jeune partenaire comment on nourrit les pigeons. 

 

12’06’’

 

 

 

 

As a former delivery boy in the Midtown area, Lefty knows the ins and outs of Columbus Circle. For example that shop across the street. Little man inside is too cheap to hire help ; all by himself in there ; goes to lunch early, at eleven. In another sixty seconds, the shop people would step to the door and pull down the blind to show he’s closed. Like this.

En tant qu'ancien livreur dans la zone de Midtown, Lefty connaît les habitudes de Columbus Circle. Par exemple cette boutique de l'autre côté de la rue. Le petit homme à l'intérieur est trop pauvre pour engager un employé ; il est tout seul là-dedans ; il part déjeuner tôt, à onze heures. Encore soixante secondes et le boutiquier allait se diriger vers la porte et baisser le rideau pour signaler qu'il est fermé. Comme cela. 

 

Les présentations étant faites, le récit reprend ses droits. En se chargeant de donner les informations utiles à la compréhension de la scène, le narrateur dégage les acteurs de tout exposé, ce qui permet à la caméra de les observer, spécialement Arturo qui dévore des yeux le hot-dog qu’une dame bien en chair est en train d’engloutir avec appétit. Contraste entre la femme bien nourrie et le fils d’immigré qui ne mange pas à sa faim, rappel silencieux (mais appuyé) de ce qui le pousse à commettre un délit. Lefty, pendant ce temps, observe froidement la boutique qu’ils vont attaquer dans un instant, et les informations délivrées par la voix du narrateur correspondent à ses pensées.

Les deux garçons traversent ensuite la rue, entrent dans la boutique, dont Lefty baisse le rideau, comme l’aurait fait le propriétaire un instant plus tard. Le crime s’accomplit. La dureté de Lefty est attestée par l’absence d’hésitation lorsqu’il s’avance vers le vieil homme inoffensif qui tient la boutique, et l'assomme, puis lorsqu’il utilise l’arme qu’il a volée au veilleur de nuit pour tirer sur un policier à travers la vitrine. Arturo, en revanche, reste en retrait ; il observe mais ne participe pas, et lorsque d’autres policiers dans la rue donnent l’alerte il s’enfuit avec Lefty.

Le récit se suffit à lui-même et le narrateur n’intervient pas lorsque les jeunes gens s’enfuient dans Columbus Circle et se réfugient dans un centre commercial pour échapper aux policiers qui, à leur vue, les prennent en chasse.

 

14’36’’ à 14’56’’

Le narrateur reprend la parole pour commenter le départ des policiers du 65th Precinct : Muldoon et Halloran montent dans une voiture qui les emmène à Columbus Circle.

 

FADE OUT (fin de l’acte I)

 

FADE IN (acte II)

 

 

 

 

 

Les dix minutes suivantes se passent de narration, le discours s’efface devant l’action. Les suspects se sont retranchés dans une boutique avec des otages, les policiers les encerclent, Muldoon s’adresse à eux à l’aide d’un mégaphone et confirme un caractère paternaliste déjà constaté dans son rapport à Halloran : « Think how your mothers will feel with that disgrace on their pour souls », dit-il aux jeunes délinquants après avoir dessiné le sombre avenir qui les attend s’ils ne se rendent pas et s’ils tuent quelqu’un (Sing Sing, la chaise électrique). La fermeté du discours s’accommode très bien d’une touche pathétique. Quelques péripéties (Lefty tire sur un policier et le blesse, Arturo laisse s’enfuir la vendeuse effrayée, Lefty le frappe et se sert du commerçant comme d’un bouclier, Halloran a l’idée d’utiliser le système d’arrosage anti-incendie pour créer une surprise à la faveur de laquelle Lefty est arrêté), le dénouement, la reconnaissance par Muldoon de l’aide apportée par Arturo et la promesse qu’il en sera tenu compte lors du jugement, une ultime plaisanterie sur le beau chapeau de Halloran (maintenant trempé), à portée morale : comme ce chapeau, le caractère d’un homme se fortifie à travers les épreuves. En repartant, Muldoon se retourne vers son jeune partenaire : « Vous venez ? », sourire, les deux hommes s’en vont ensemble, filmés de dos. Le cadet est définitivement adopté par l’âiné.

 

24’05’’

 

 

 

 

It is six in the evening, now, twelve hours since our story began, and this is the look of the city at day’s end.

A question : do people make the city or does the city make its people ?

To one man and his family this day has been kind, the sunset is bright and promising.

To the mother of Arturo Gutteraz and to the father, the sunset is dark and foreboding. Their boy has played out a part of his destiny from dawn to dusk. A lifetime brought to its meridian in half a day. Where it will lead him now depends on tomorrow and the tomorrow after that.

There are eight million stories in The Naked City. This has been one of them.

Il est six heures du soir, à présent, douze heures depuis que notre histoire a commencé, et voici à quoi ressemble la cité à la fin de la journée. 

Une question : est-ce que ce sont les gens qui font la ville, ou la ville qui façonne ses habitants ? 

Pour un homme et sa famille ce jour a été clément, le crépuscule est brillant et chargé de promesses.

Pour la mère d'Arturo Gutteraz et pour son père, le crépuscule est sombre et lourd de présages. Leur garçon a joué une partie de sa destinée entre l'aube et le crépuscule. Une vie portée à son méridien en une demi-journée. Ce qui lui adviendra maintenant dépend de du lendemain, et du lendemain qui suivra. 

Il y a huit millions d'histoires dans La Cité Sans Voile. Ceci était l'une d'entre elles. 

 

Conclusion en plusieurs tableaux : la ville se prépare à une nouvelle nuit, Muldoon rentre chez lui (seul, avec un regard sur la cité – le vol des oiseaux au-dessus des toits), Halloran également (Madame et Mademoiselle l’accueillent dans la joie et l’amour), tandis que les parents d’Arturo montent dans une voiture de police qui les emmène sous le regard des badauds (tristes figures au réalisme prononcé qu’on dira volontiers naturaliste).

La ville est le cadre imperturbable au sein duquel se déroule la ritournelle du crime et de son châtiment. De six heures du matin à six heures du soir, un tour de cadran a été accompli, dans lequel s’est déroulée cette ritournelle ; la précision et l’ordonnance du destin. La question que pose le narrateur sur l’image de Muldoon rentrant chez lui et observant la ville réaffirme le lien entre la cité et les hommes d’une manière philosophique : aucune réponse n’est donnée, à chacun de se faire son idée.

Le retour de Halloran chez lui et le départ des Gutteraz en voiture de police reprennent le procédé du contraste déjà exploité dans l’épisode et souligné par la narration qui reprend les mêmes formules avec des qualifications contradictoires : crépuscule chargé de promesses d’un côté, crépuscule lourd de présages de l’autre.

Le narrateur adopte un ton tragique appuyé : « Une vie portée à son méridien en une demi-journée » mais l’évocation du lendemain, et du lendemain qui suivra, rappelle que la vie continue.

Enfin, la phrase de conclusion, que l’on retrouvera à la fin des épisodes suivants, rappelle que la ville sans voile est un vivier d’histoires virtuellement inépuisable, entre réflexion philosophique sur la condition humaine au sein de la cité et promesse de longévité pour la série qui s’ouvre avec cet épisode. Lequel n’a raconté que l’une des histoires possibles. Revenez donc pour les 7.999.999 qui restent encore à raconter.

 

25’26’’ à 25’53’’

END CREDITS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tag(s) : #Arrêt sur épisode
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