Mannix est cité plusieurs fois dans Once Upon a Time... in Hollywood, le dixième film de Quentin Tarantino. Rien d'étonnant à cela : lancée en 1967, elle a tenu l'antenne jusqu'en 1975 et fait de Mike Connors une star internationale. Surtout, le détective incarné par le comédien d'origine arménienne (nom d'état civil : Krekor Ohanian) est devenu l'une des figures iconiques du privé à la télévision, fournissant même l'inspiration du Jim Rockford créé par Stephen J. Cannell en 1974 : Cannell voulait créer une sorte d'anti-Mannix en confiant à James Garner le rôle d'un détective qui, comme Mannix, portait des costumes mais dont les enquêtes imposaient un style résolument différent ! La musique du générique, signée Lalo Schifrin, est devenue aussi culte que le personnage et on ne s'étonne pas que Tarantino ait choisi d'en faire résonner les notes en montrant quelques images du générique, celles où les lettres du nom du détective s'affichent une à une sur l'écran éclaté en plusieurs plans du héros.
Le film de Tarantino se déroule en 1969 et commence le 8 février. Le soir de la première journée contée dans le film, Brad Pitt rentre dans sa roulotte et, tout en servant la pâtée de sa chienne, met la télé sur CBS, qui diffuse ce 8 février 1969 le 18e épisode de la deuxième saison de Mannix. On voit sur la télé noir et blanc quelques images du générique puis quelques plans du début de l'épisode : Gail Fisher (alias la secrétaire Peggy Fair) parlant avec son patron (Mike Connors, nonchalamment assis derrière son bureau) de son petit ami trompettiste de jazz qui a brusquement disparu. La chose n'inquiète pas plus que cela le détective mais il accepte de faire sa petite enquête. On n'en saura pas plus mais la musique de la série trouve sa place dans l'ambiance musicale de l'époque.
L'épisode en question s'intitule "Death in a Minor Key", en français "Mort sur un mode mineur". Il met en scène un comédien noir connu, Yaphet Kotto (l'un des ouvriers de Alien le 8e passager, le Méchant de Vivre et laisser mourir face à James Roger Moore Bond mais aussi l'un des comédiens de Across 110th Street, Truck Turner et Friday Foster dans les années 1970), dans le rôle d'un musicien injustement condamné pour un crime et dont seul Mannix essaie de prouver l'innocence. L'épisode baigne dans l'atmosphère de racisme et de discrimination que l'on retrouve dans un certain nombre d'épisodes de la série et contre laquelle le détective se bat. L'autre comédien majeur est Anthony Zerbe, un acteur vu dans quantité de séries et films depuis la fin des années 1960, génial partenaire de David Janssen dans Harry O où il campe un policier délicieusement ironique. Zerbe, souvent employé comme méchant, volontiers psychopathe, incarne ici un policier du Sud des Etats-Unis, soupçonné de racisme et de corruption mais qui défend son honnêteté face aux accusations du bon détective venu troubler la tranquillité de sa petite ville.
"Death in a Minor Key" est le premier scénario d'Ed Adamson pour la série ; il en signera six autres.
2.18 (42) Death in a Minor Key (Mort sur un mode mineur)
CBS, 8 février 1969
Ecrit par Ed Adamson
Réalisé par Stuart Hagmann
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Peggy est dans la boîte The Furnace à écouter son ami le trompettiste Gabe Johnson qui se produit devant les clients. Soudain, son regard croise celui d’un client. Ils se reconnaissent. Interrompant sa performance, Gabe sort un instant. Mais il ne revient pas. Peggy confie son inquiétude à Mannix ; elle est sûre que Gabe a fui pour une raison sérieuse : il a abandonné sur place sa trompette, à laquelle il tient comme à sa vie ! Joe accepte de faire quelques recherches. Il attend patiemment au Furnace que Gabe vienne récupérer son instrument, ce qu’il fait en effet ; Gabe avoue au détective qu’il a fait de la prison dans le Sud, à Marysville, mais il a payé sa dette, et il demande à Mannix de ne pas le suivre. De retour au bureau, Mannix en parle avec Peggy, lorsque celle-ci remarque un homme, dehors, qui les observe à travers la porte. Mannix se glisse furtivement jusqu’à l’homme, qui décline sans résistance son identité : il est le chef de la police de Marysville, Walt Finlay ; c’est lui que Gabe a reconnu au Furnace. Il veut retrouver le trompettiste, qui n’a pas purgé sa peine pour un délit de fuite. Un crime dont il n’a pas parlé à Mannix. Le détective le retrouve à nouveau ; Gabe dit n’être pas coupable du délit de fuite mais il refuse de se rendre car il sait que personne à Marysville ne le croira. Mannix ne peut empêcher Finlay de l’arrêter et de l’emmener à Marysville. En revanche, personne ne peut l’empêcher, lui, de s’y rendre également pour enquêter. Et Peggy lui a déjà réservé un vol !
A Marysville, Mannix n’accorde aucune confiance à Finlay, qu’il soupçonne de vouloir garder Gabe en prison sans chercher plus loin. Il rencontre la victime du délit de fuite, Boylan, invalide depuis l’accident et qui ne change pas une virgule à sa déposition : il affirme que Gabe est le coupable, même si, comprend le détective, il a difficilement pu voir la voiture et encore moins le conducteur. Mannix constate très vite qu’il est suivi par un homme portant chapeau blanc dans une belle Mercedes de collection et reproche au chef de la police de le faire suivre, ce que nie Finlay. Ce dernier arrange, contre toute attente, une entrevue avec Gabe qui refusait de voir Mannix.
En confrontant l’homme au chapeau blanc, Mannix apprend qu’il s’agit d’un autre privé, Charlie Willis, engagé par une femme qu’il ne connaît pas et à laquelle il fait un rapport chaque jour par téléphone. En remontant le numéro, Mannix trouve la femme : Phyllis Judson Garth, épouse d’un entrepreneur local. Elle avoue vite qu’elle agit pour son mari, Roger : c’est lui qui a renversé Boylan dix ans plus tôt, et il ne veut pas que l’enquête du détective vienne aujourd’hui l’inquiéter. Mannix se rend à l’usine de Garth, qui essaie de le tuer avant d’être abattu, mais pas par Mannix. Ce dernier raconte son histoire à Finlay mais a la surprise d’entendre Phyllis Garth prétendre qu’elle ne lui a jamais parlé et ne l’a même jamais vu ! Quant au privé Willis, il n’existe tout simplement pas !
Mannix réussit pourtant à retrouver la voiture si reconnaissable de Willis : elle appartient à Hal Gardner, qui n’est autre que Willis. Mannix retrouve celui-ci chez lui en compagnie de Phyllis Garth. Tous deux ont conspiré pour tuer Garth en utilisant Mannix : c’est Phyllis en effet qui conduisait la voiture qui a heurté Boylan, et Garth la faisait chanter depuis lors. La venue de Mannix a donné à Phyllis et à son amant Gardner l’occasion rêvée pour se débarrasser du mari gênant. Le détective contrarie pourtant l’issue de leur complot en les faisant arrêter tous deux. Et il doit bien reconnaître que Finlay n’était pour rien dans l’affaire ! Gabe, en tous les cas, sort de prison et retrouve sa trompette et les clubs de jazz…
Avec Anthony Zerbe (Chief Walt Finlay), Yaphet Kotto (Gabe Johnson / Gabriel Dillon), Evans Evans (Phyllis Judson Garth), Edmund Gilbert (Hal Gardner / Charles Willis), Conlan Carter (Randall), Lee Weaver (Dave) et Robert Miller Driscoll (Prison Official), Nancy Burnett (Librarian), Johnny Silver (Barney), Jon Lormer (Harvey Boylan), Ann Loos (Clara Boylan).
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« Après tout, ce n’est… » dit Mrs Garth à Mannix. « … qu’un Noir », termine le détective en lisant sa pensée, « juste un autre homme de couleur. » Lui ou un autre, quelle importance qu’il paye pour un crime qu’il n’a pas commis ?
L’épisode baigne dans cette atmosphère de racisme et de discrimination ; le témoin, Boylan, qui est également la victime du délit de fuite, « le seul légume qui parle », se décrit-il avec amertume à Mannix en faisant référence à son état végétatif depuis l’incident, a vu Gabe ce soir-là s’introduire furtivement dans un immeuble et, suspicieux, a noté le numéro de sa voiture, aussi n’a-t-il aucun doute sur l’auto qui l’a heurté quelques instants plus tard, ni sur son conducteur, bien qu’avec la lumière des phares dans les yeux il n’ait pu raisonnablement voir la voiture et encore moins le conducteur, comme le lui fait remarquer le détective. C’est sa haine du Noir – « Nègre, Noir, ou quel que soit le nom qu’on veuille leur donner aujourd’hui… » - qui a forgé sa conviction et qui, des années plus tard, s’exprime encore.
Le chef de la police, lui, est plus ambigu. Neutre lors de sa première apparition dans le bar, il apparaît antipathique lors de sa rencontre, ensuite, avec Mannix et Peggy. A Marysville, dans son fief, il invite Mannix à se montrer moins soupçonneux et stigmatise l’image du policier du Sud que le détective transporte visiblement dans sa tête. « Nous changeons », plaide-t-il », et il y en a même qui approuvent ces changements. » Par la suite, Mannix n’en continue pas moins de le soupçonner, surpris toutefois lorsque Finlay lui arrange une entrevue avec Gabe, qui pourtant refusait de le voir. Il l’accuse même franchement d’être responsable du coup monté contre lui par Phyllis Garth et un faux privé, Willis, parce qu’il ne veut pas voir rouvrir une enquête qu’il a menée lui-même dix ans plus tôt et qui a conduit à la condamnation de Gabe. Mais le dénouement prouve à Mannix qu’il avait tout faux : Finlay arrête les vrais coupables et réserve même au détective une surprise… en lui présentant le policier qui a surveillé Mannix durant tout son séjour à Marysville : Dave, le chauffeur de taxi… noir ! Conclusion laconique du chef de la police : « Comme je vous l’ai dit , nous changeons ! » Au temps pour les préjugés.
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