Un article de Thierry Le Peut

publié dans Arrêt sur Séries n°15, décembre 2003

 

 

L’univers fantasmé de Cosmos,

à la rencontre de ces drôles de planètes qui ressemblent tant à la nôtre

Une rêverie dans les paysages de Cosmos

 

Cosmos 1999, un mythe télévisuel ?

La production de Cosmos

 

 

Dans son livre Homère et Dallas, Florence Dupont risque un parallèle audacieux entre le poème grec et le feuilleton-fleuve, comprenez le soap à la manière de Dallas, oeuvre-maîtresse du mélodrame télévisuel américain, qui exerce une fascination sur l’intellectuelle qu’est Florence Dupont. Parallèle de structure autant que de réception, Dallas assumant à son époque une fonction majeure des chants homériques qui était de fédérer un large public. Comme l’aède antique, le poète-musicien-chanteur qui allait récitant ses vers de cour en cour, et qu’Homère lui-même nous montre objet de toutes les attentions de la part des banqueteurs, la série – car Dallas est une série bien plus qu’un « feuilleton-fleuve » - repose sur un canevas puissant, une superstructure de motifs récurrents sur laquelle se greffent des épisodes et des variations potentiellement inépuisables. Chaque scénariste, chaque réalisateur brodent sur ces motifs, dans lesquels ils puisent à pleines mains pour garder au produit son identité, ses signes de fabrique. A l’image du poète de ces temps anciens, qui disposait lui aussi d’un catalogue d’images et de formules réutilisées au fil de la narration : les épithètes homériques, reprises de loin en loin pour caractériser lieux et personnages, comme « l’Aurore aux doigts de roses » dans son « berceau de brume » et le « noir vaisseau » sur lequel voyagent les compagnons, ne sont que les illustrations les plus évidentes d’une structure d’ensemble destinée à faciliter le travail de mémoire et de construction du façonneur d’images.

 

On osera rapprocher de ce modèle le travail des artistes de Cosmos 1999, eux qui, dans les studios de Pinewood et de Bray, s’employaient à donner aux mêmes matériaux et aux mêmes objets des formes diverses destinées à illustrer l’odyssée moderne des compagnons de Koenig. On sait que les mêmes vaisseaux ont pu servir plusieurs fois au cours de la série, les nefs de « Ruses de guerre » (1.17) se retrouvant à flotter dans tel cimetière de l’espace du « Domaine du dragon » (1.23). De même le trône tentaculaire d’Arra dans « Collision inévitable » (1.13) finit-il par servir à l’Archon des Dorcons dans le dernier épisode de la série, bien des mois plus tard. Ce qui vaut pour les objets vaut pour les décors : on retrouve ainsi avec régularité le couloir de « La métamorphose » (2.1) au fil de la deuxième saison, preuve incomparable que les multiples espèces extraterrestres de la série ont eu recours aux services du même Grand Architecte – peut-être celui de l’Univers.

 

Et il en va ainsi, bien sûr, des planètes que visitent nos modernes errants : construites avec des matériaux identiques et filmées selon les mêmes angles, elles composent au fil des aventures une galerie à la fois plurielle et uniforme de mondes fantasmés, où se lisent, en-deçà des visions de scénaristes, des nécessités concrètes liées au mode même de production de la série.

 

***

 

Les tournages en extérieurs, dans les bois jouxtant les studios de Pinewood, ne seront qu’exceptionnels lors de la première saison : on n’aura guère qu’une occasion de voir les acteurs évoluer dans un cadre et une lumière réels, à la faveur du « Grand cercle » (1.15). Mais le recours plus fréquent aux extérieurs lors du tournage de la seconde saison ne modifie en rien le rapport de la série aux « mondes étranges » que visitent ses héros, au contraire : une étroite parenté rapproche les représentations qui sont offertes de ces mondes au gré des aventures. Une parenté qui tient essentiellement aux impératifs de production de la série : la nécessité de dresser et de filmer vite des décors interchangeables imposait la réutilisation d’éléments nombreux et l’uniformisation des prises de vues. La présence d’Aigles dans les plans révélant la surface des planètes induisait un processus de tournage renouvelé pour chaque visualisation nouvelle. Le recours aux maquettes, à l’exclusion d’effets spéciaux plus élaborés et plus coûteux, rarissimes dans la série, s’explique de même par l’obligation de réaliser les effets directement sur la pellicule, pour un gain de temps essentiel à l’économie de la série.

 

13. « Une autre Terre » : le Jardin d’Eden recréé par un démiurge vindicatif

 

Cet aspect technique incontournable aboutit à une représentation imaginativement limitée de l’univers exploré par les Alphans, quand bien même la recherche d’une planète habitable par les humains, donc relativement proche de la Terre, apporte une justification conceptuelle à cette limitation. Les dialogues appuient fréquemment cette justification en soulignant la ressemblance de tel et tel monde avec la planète-mère des Alphans. Les scénaristes utilisent en outre cet impératif en faisant de certains mondes des répliques délibérées de la Terre, en rapport souvent avec les mythes de la Création : le décor de « Une autre Terre » (2.9) [13] 1 ou de « Le Testament d’Arcadie » (1.24) [16] , comme celui d’« Une question de vie ou de mort » (1.2) [15] , est ainsi rattaché explicite-ment à la nature terrestre.

 

La technique rejoint de fait le propos de la série, et celui de la science-fiction en tant que proche parente de la littérature de voyage : aussi loin que le porte son odyssée, l’homme se trouve toujours confronté à une image de lui-même.

 

16. « Le Testament d’Arcadie » : Arkadia, une terre désolée où la vie n’attend que de nouvelles graines pour renaître

15. « Une question de vie ou de mort » : un autre Jardin d’Eden, peuplé un instant de modernes Adam et Eve

 

 

Lignes et courbes sur un océan de symboles

 

 

3. « La planète du diable », à la végétation luxuriante

14. « Tout ce qui reluit » : surface aride hérissée de pics

17. « Les directives de Luton » : planète végétale où l’homme n’aura que le temps de poser le pied

 

Des principes simples de composition caractérisent les (re)créations de ces répliques fantasmées de la Terre, perceptibles, au-delà des éléments techniques, dans les rares représentations peintes que l’on rencontre dans « Le dernier adversaire » (1.18) [9] ou dans « Le maillon » (1.7) [8] . La surface relativement plane de la Lune ouvre constamment sur cet ailleurs sidéral où apparaît, d’étape en étape, un nouvel astre visitable. Par sa couleur même, elle s’oppose à son environnement, et tout naturellement les mondes potentiellement habitables s’opposent à elle : à des degrés divers, ces mondes se distinguent par une insistance verticale qui cherche à contredire cette persistance horizontale de la surface lunaire. Naturelle ou artificielle, la verticalité s’attache aux arbres, au relief ou aux constructions érigées par telle ou telle forme de vie. Rares sont toutefois les plans où l’horizontal s’oppose abruptement aux verticales : de l’un aux autres, des courbes adoucissent les paysages et composent des tableaux équilibrés rehaussés de couleurs tantôt douces tantôt violentes, selon l’impression première qu’inspirent ces décors. Au monde sec et rude de « Tout ce qui reluit » (2.4) [14] s’opposent ainsi la végétation luxuriante et la douceur engageante de « La planète du diable » (2.21) [3] et de « Les directives de Luton » (2.8) [17] , qui ne seront cependant pas forcément les mondes les plus accueillants. De même la promesse d’un Eden s’accompagne d’un déluge de couleurs vives caractéristiques de l’esthétique disco qui trahit l’appartenance de la série à son époque, dans « Une question de vie ou de mort » (1.2) [15] , alors que l’Enfer prend la forme de surfaces arides et monotones, émaillées de volcans comme dans « La métamorphose » (2.1) [11] ou recouvertes de glace dans « Un autre royaume de la mort » (1.14). [2]

 

8. « Le maillon » : la surface de Zenno

9. « Le dernier adversaire » : la planète Betha, habitée par des femmes

2. « Un autre royaume de la mort » : Ultima Thule, la planète de glace

 

La ligne courbe, arrondie parfois jusqu’au cercle, suggère fréquemment dans l’esthétique de la série la richesse ou la clémence du monde exploré. Dans « Autre temps, autre lieu » (1.6) [1] , les courbes amples des collines au creux desquelles s’est installée la communauté des rescapés d’une Alpha alternative souligne l’aspect nourricier d’une terre accueillante où la vie pourra proliférer à nouveau : le nom même de l’endroit, Santa Maria, renvoie à la prégnance maternelle de nombreuses civilisations primitives, marquée en outre par les tons jaunes et bruns de la terre comme du ciel, chauds et protecteurs. S’enfonçant au-dessous de la ligne d’horizon, le relief élégant de cette autre Terre trace des plis, déplis et replis au sein desquels la vie trouve à se nicher. De même les dômes de Zenno, dans « Le maillon » (1.7) [8] , suggèrent une civilisation opulente et ordonnée, tout en laissant supposer, toutefois, un certain secret, un repli vers l’intérieur annonciateurs d’embarras ultérieurs. Les sphères innombrables du Piri, en revanche, juchées sur leurs pieds tantôt droits tantôt baroques, donnent dans « Le Gardien du Piri » (1.8) une impression de légèreté aérienne, renforcée par l’Œil du Gardien, mais dissimulent une surface plus aride, toute d’arêtes et de droites, à l’image du secret que dissimule la séduisante Gardienne du lieu [4, 5]. Au contraire, les sphères dressées dans « Les Chrysalides A B » (2.11) au-dessus d’un sol aussi sec et nu que celui de la Lune sont plutôt un signal encourageant, qui agit comme contrepoint de l’environnement présumé hostile redouté par les Alphans [6]. Le même signe, les sphères blanches mobiles, est repris par la suite avec un sens différent, entre menace réminiscente du Prisonnier et légèreté synonyme de bienveillance [7].

 

1. « Autre temps, autre lieu » : la vallée de Santa Maria où se sont installés les Alphans

4 et 5. « Le Gardien du Piri » : John Koenig au milieu d’un monde sphérique aux allures de polystyrène expansé

6 et 7. « Les Chrysalides A B » : toujours des sphères, gardiennes d’une intelligence mystérieuse

 

Les explorateurs de Koenig sont ballottés sur cet océan de symboles qui travaillent à nuancer des tableaux que l’on croyait tout à l’heure si semblables. Véhicule et symbole elle-même de l’ambiguïté de cette odyssée au coeur des étoiles, la Lune participe de cette lecture des lignes au sein de la série : vue à sa propre surface, elle est inamicale, mais aperçue du sol d’un autre monde elle apparaît soudain dans sa sphéricité rassurante, asile de nouveau possible lorsque les Alphans sont chassés d’un nouveau sol après avoir cru s’y installer. Asile honni, elle redevient Paradis lorsque l’Eden d’« Une question de vie ou de mort » (1.2) est irrémédiablement détruit, et le regard que portent sur elle les survivants de « Autre temps, autre lieu » (1.6) est un regard plein de nostalgie, de regret d’un monde perdu.

 

 

Les secrets des cavernes et les profondeurs de l’âme

 

 

Une autre opposition récurrente dans la série est celle qui dresse systématiquement l’extérieur contre l’intérieur. Une fois de plus, c’est là une opposition inhérente au concept de Cosmos : la malédiction des Alphans est d’être confinés, littéralement enterrés sous la surface lunaire, condamnés à désirer un extérieur qui est la négation de toute vie humaine. Au point que pour les détourner un instant de leur quête d’un autre monde les êtres intelligents de « Le dernier crépuscule » (1.11) dotent-ils la Lune d’une atmosphère, autorisant les exilés à vivre à l’air libre sur un astre qui en est dépourvu par nature : ils pensent ainsi protéger leur propre monde d’une invasion indésirable. De fait, les cavernes abondent dans la série, comme autant de rappels douloureux de la situation des exilés, et assument le plus souvent la part d’ombre des mondes visités.

 

La part civilisée de Psychon dans « La métamorphose » (2.1) et de Vega dans « Humain, ne serait-ce qu’un moment » (2.3) est niée par le secret dissimulé au tréfonds de ces planètes : des portes épaisses séparent les couloirs bien ouvrés des murs caverneux où se terre la vie rejetée par ces civilisations honteuses. Ce sont les hommes rejetés par les machines dans Vega, et contraints de cacher leurs visages derrière des masques sans expression ; ce sont les innocents réduits en esclavage dans les profondeurs de Psychon, condamnés à extraire le minerai précieux après avoir été dépossédés de leur force vive. L’accès à ces lieux interdits, symboles ô combien évidents d’un refoulement coupable, coïncide dans les scénarii avec une révélation qui précède la résolution, souvent douloureuse. Ainsi Maya découvre-t-elle la vraie nature de son père, quelques instants avant de le perdre pour toujours ; ainsi Helena et Tony découvrent-ils la vérité sur leurs hôtes étranges de Vega. De même les blanches cavernes d’Ultima Thule dans « Un autre royaume de la mort » (1.14) recèlent-elles des recoins cachés où l’amphitryon de ces lieux faussement candides dissimule les aspects inavouables de son rêve de salut par la science. C’est dans le secret des cavernes, aussi, que les Alphans renouent avec les passions primaires de leurs ancêtres, et de leur nature, dans « Le grand cercle » (1.15) et dans l’escapade de « En route vers l’infini » (2.5). C’est dans une caverne creusée à l’intérieur d’un astéroïde, encore, que les habitants de Progron ont emprisonné la part la plus haïssable de leur civilisation, l’expédiant dans l’espace comme les anciens bannissaient de leurs villes le bouc émissaire chargé des péchés de la cité tout entière, dans « Au bout de l’éternité » (1.16). Dans « Le secret de la caverne » (2.13), toujours, que Koenig est supplanté par son double belliqueux. On passera sous silence les mystères également inquiétants que recèlent « Les catacombes de la Lune » (2.12), parfois dépositaires des turpitudes d’un monde disparu, dans « La planète Archanon » (2.7). Mais on n’évitera pas, en revanche, de mentionner les bas-fonds de la ville-astéroïde des Dariens, qui repoussent dans l’ombre de leurs propres « cavernes » les implications inavouables de leur rêve d’eugénisme.

 

Une fois de plus, ce qui est lié d’abord à l’économie de la série rencontre ici avec succès la problématique même de Cosmos, indissociable des théories de la psychologie et de l’intérêt avoué des scénaristes – du moins ceux de la première saison – pour les thèmes religieux et mystiques.

 

« Un autre royaume de la mort » : la blancheur engourdissante d'Ultima Thulé 

 

 

De la Terre à la Lune

 

 

C’est de ce mystère fondamental que se nourrit également le mythe, et l’on sait combien celui-ci, depuis Platon, est lié à l’image de la caverne ! La métaphore platonicienne s’inscrit d’ailleurs pleinement dans une logique de science-fiction, et dans celle particulièrement de Cosmos : à l’instar des êtres enchaînés dans la caverne de Platon, qui prennent pour réalité les ombres d’objets placés derrière eux et qu’ils ne voient pas, les Alphans perçoivent une multitude de phénomènes dont ils ignorent les causes et méprennent souvent la signification. Lorsqu’il leur est donné d’approcher la source véritable de ces phénomènes, c’est souvent pour constater que sa nature et ses desseins leur échappent. Tromperie et illusions jalonnent ainsi leur périple, à l’image de ces mondes où il est dangereux de prendre pour argent comptant ce que livrent les sens.

 

Le mythe est partout présent dans les paysages que traversent les compagnons. Il va de pair avec la thématique des origines : puisqu’il s’agit pour les Alphans de trouver une Terre Promise où faire renaître l’humanité chassée de son paradis, rien n’était plus naturel que de retourner aux sources de l’humanité que nous connaissons, et de puiser dans les récits bibliques. La vallée de « Autre temps, autre lieu » (1.6) évoque ainsi les promesses d’abondance du Seigneur à Moïse quand il lui donne pour mission de mener les Hébreux au pays des Chananéens, « une terre où coulent des ruisseaux de lait et de miel ». Certes, la Terre des rescapés d’Alpha est encore aride mais elle porte les promesses d’une autre vie, comme le sol desséché d’Arkadia n’attend qu’un nouvel ensemencement pour recommencer le cycle de la vie dans « Le testament d’Arcadie » (1.24). Devant les paysages parfois enchanteurs qui s’offrent à eux, les Alphans rejouent parfois l’émerveillement des Hébreux à l’approche de la Terre Promise. Egarés dans le désert, comme Paul dans « Le dernier crépuscule » (1.11), ils rencontrent encore les Ecritures en découvrant une manne providentielle. Les paysages à la riche végétation, d’autant plus fréquents que les tournages en extérieurs deviennent plus nombreux dans la seconde saison, sont opposés à l’aperçu de la Terre que livre « En route vers l’infini » (2.5), comme un rappel du « péché » originel qui a chassé les Alphans de leur paradis terrestre : sur la Terre, la civilisation semble avoir fait disparaître la végétation et seules les constructions humaines poussent désormais sur une terre sèche, livrée aux cataclysmes [12] . Le rapport de l’homme au végétal est d’ailleurs symboliquement traité sur le mode belliqueux dans « Les directives de Luton » (2.8), où une espèce végétale voue Koenig et Maya à un châtiment exemplaire pour avoir cassé une plante. La surface désolée de Psychon, dans « La métamorphose » (2.1) [11] , est ainsi comme une projection réfléchie de l’action de l’homme sur sa propre planète.

 

12. « En route vers l’infini » : la Terre telle que les Alphans ne la retrouveront jamais, tout juste aperçue à travers le temps et l’espace

11. « La métamorphose » : sur Psychon, tout n’est que volcans et fumées

 

On en vient tout naturellement au décor le plus désolé qui soit dans la série, celui auquel les Alphans sont irrémédiablement condamnés et qui les renvoie à la vie souterraine des primitifs : la Lune, cet astre des poètes, devenu par un caprice du destin l’unique asile des humains chassés du Paradis. Les plans du sol lunaire sont légion dans la série, dont ils constituent les épithètes homériques, rappels constants de la condition des Alphans et de l’ambiguïté du progrès qui a mené là l’humanité. « Sur le sol rude et gris des Alphans », chanterait peut-être Homère, inscrivant ces mots dans les phylactères de Cosmos. Cruelle ironie du destin que d’avoir rendu les humains propriétaires de ce caillou qui, dans le ciel de la Terre, les faisait rêver ! En fait de point de départ d’une glorieuse conquête de l’espace, la Lune rappelle surtout aux Alphans la fragilité de leur existence au sein d’un univers dont le vide nie leur droit à la vie. Ce sol nu et glacé recèle quelques richesses et quelques mystères, on s’en rend compte dans « Les catacombes de la Lune » (2.12) et « La planète Archanon » (2.7), mais constitue surtout un danger. C’est de son sein que surgira la malédiction des Alphans, placée là par la main de l’homme. Même dotée d’une atmosphère dans « Le dernier crépuscule » (1.11), la Lune reste une terre dangereuse où il est facile de se perdre, voire de perdre la raison comme il arrive à Paul et aux malheureux compagnons piégés par une tempête. Les sorties sur le sol lunaire sont aussi risquées que les sauts dans l’espace et la vie même y est ralentie, ce qui n’empêche pas la violence des chocs en cas de chute ou de coup. Conçue à l’origine comme une plateforme de lancement, la surface de la Lune s’ouvre constamment sur un ailleurs rêvé et agit comme un repoussoir, une aspiration à ce qu’elle n’est pas. Lorsqu’elle attire, c’est pour tuer, et nombre d’Aigles s’écraseront sur ce sol au cours de la série [23] . Et c’est là que reposeront, après leur mort, les corps de Koenig et Carter aux commandes de leur oiseau déchu, dans la réalité alternative de « Autre temps, autre lieu » (1.6). La Lune est un astre mort qui, suprême paradoxe, constitue pour les Alphans à la fois un foyer et une promesse d’extinction.

 

23. « Le maillon » : les crashes d’Aigles seront un incident fréquent dans l’odyssée des Alphans

 

Il en va des paysages de Cosmos comme de ceux de L’Odyssée d’Homère : quelques notations suffisent à suggérer un lieu qui recèle poétiquement bien plus que la somme de ses composantes. Homère évoque quelques arbres, une image de caverne environnée de végétation, un port où deux bras de roche s’avancent à la rencontre des navires, quelques broussailles sur un bord de mer, et cela suffit, la plupart du temps, à installer un décor. Ainsi font les artistes de Cosmos, posant eux aussi leurs arbres, leurs rochers, leurs broussailles pour composer des tableaux ouverts sur une rêverie infinie. Car ces constructions en miniature où l’artifice est patent sont souvent plus convaincantes et suggestives que les extérieurs redondants des premiers épisodes de Stargate SG-1, où les forêts canadiennes se substitueront aux bois de Pinewood.

 

10. « Les exilés » : la surface de Golos, tout juste entrevue

 

 

Note

 

1. Les nombres entre crochets renvoient aux illustrations des pages centrales dont voici les légendes :

1. « Autre temps, autre lieu » : la vallée de Santa Maria où se sont installés les Alphans.

2. « Un autre royaume de la mort » : Ultima Thule, la planète de glace.

3. « La planète du diable », à la végétation luxuriante.

4 et 5. « Le Gardien du Piri » : John Koenig au milieu d’un monde sphérique aux allures de polystyrène expansé.

6 et 7. « Les Chrysalides A B » : toujours des sphères, gardiennes d’une intelligence mystérieuse.

8. « Le maillon » : la surface de Zenno.

9. « Le dernier adversaire » : la planète Betha, habitée par des femmes.

10. « Les exilés » : la surface de Golos, tout juste entrevue.

11. « La métamorphose » : sur Psychon, tout n’est que volcans et fumées.

12. « En route vers l’infini » : la Terre telle que les Alphans ne la retrouveront jamais, tout juste aperçue à travers le temps et l’espace.

13. « Une autre Terre » : le Jardin d’Eden recréé par un démiurge vindicatif.

14. « Tout ce qui reluit » : surface aride hérissée de pics.

15. « Une question de vie ou de mort » : un autre Jardin d’Eden, peuplé un instant de modernes Adam et Eve.

16. « Le Testament d’Arcadie » : Arkadia, une terre désolée où la vie n’attend que de nouvelles graines pour renaître.

17. « Les directives de Luton » : planète végétale où l’homme n’aura que le temps de poser le pied.

18. « Une question de vie ou de mort » : l’arrivée sur Terra Nova.

19. « Tout ce qui reluit » : la douceur d’un sol immaculé sur fond de ciel incandescent (désolé, nous n’avons pas la couleur).

20. « Autre temps, autre lieu » : une autre Terre, ou celle que les Alphans ont perdue ?

21. « Le grand cercle » : au creux des forêts se déchaînent les instincts primaires.

22. « L’anneau de la Lune » : le scaphandre est de rigueur pour les sorties sur la surface lunaire.

23. « Le maillon » : les crashes d’Aigles seront un incident fréquent dans l’odyssée des Alphans.

 

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