Dossier réalisé par Thierry Le Peut
(paru dans Arrêt sur Séries n°31, printemps 2008)
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En 1861, pour fuir le conflit fratricide qui s’apprêtait à dresser les Américains du Sud contre les Américains du Nord, la famille Macahan quitta l’Etat de Virginie pour se lancer, comme des milliers d’autres Américains, sur les pistes de l’Ouest. Alors commença pour ces descendants d’immigrants l’aventure que l’Histoire retiendrait sous le nom de « Conquête de l’Ouest ». Celle-ci était la conséquence de l’ouverture des frontières de l’Ouest du continent nord-américain par la cession en 1803 de la Louisiane française, vaste portion de territoire qui barrait les Etats-Unis à l’Ouest, du Golfe du Mexique jusqu’au Canada. Les Macahan devinrent alors des pionniers, traversant les épreuves de la piste de l’Oregon et s’établissant finalement au bord de la Platte River, au pied des Montagnes Rocheuses qui marquaient la frontière avec le dernier tiers du continent, appelé lui aussi à devenir américain. C’est cette vie de pionniers que raconte La Conquête de l’Ouest, suivant les Macahan, de 1861 à 1869, de leur premier homestead, petit lopin de terre accordé aux colons, à leur ranch du Wyoming, pays des chevaux. Se situant quelque part entre la série et la mini-série, la grande saga des Macahan est une illustration de la saga plus vaste de la conquête de l’Ouest, d’une époque où les grands espaces étaient libres, non encore parcourus de barbelés, où à force de volonté et de travail chacun pouvait s’établir et prospérer, où s’ouvraient, sitôt après la Guerre de Sécession, les nombreuses pistes du bétail reliant le Texas devenu américain aux Grandes Plaines du nord. Mais, au-delà de ce mythe que la force des images glorifie, c’était aussi l’époque où l’affrontement des Blancs et des Indiens atteignait son apogée, où s’apprêtait à être consommée l’extermination d’un peuple entier au nom de la « destinée manifeste » du peuple américain : la colonisation totale des terres de l’Ouest. La Conquête de l’Ouest conte une partie de cette histoire au moyen d’images magnifiques et de personnages issus de la grande tradition du western, campés par des comédiens indissociables du genre.
La Conquête de l’Ouest ( How the West Was Won ) apparaît officiellement sur ABC le 6 février 1977. Mais le programme fait suite à un téléfilm diffusé un an plus tôt, le 19 janvier 1976, qui établissait ses personnages et son univers. Il est donc tout à fait contemporain de Sur la piste des Cheyennes, que NBC diffuse entre mai et décembre 1976. Le rapprochement est intéressant parce que les deux programmes choisissent deux voies différentes, deux manières de mettre en scène l’Ouest. Sur la piste des Cheyennes se signale par une volonté de réalisme intégrant une violence parfois extrême – bien qu’atténuée par les limites qu’impose la télévision – et un souci de démythifier l’image traditionnelle de l’Ouest : les soldats massacrent les Indiens, les hommes blancs se tuent entre eux, la loi peut être dévoyée, les villes sont sales, bref la vie dans l’Ouest n’a rien d’une partie de plaisir au sein de grands espaces magnifiques. Le ton général de la série est plutôt désabusé. Cette volonté de réalisme, La Conquête de l’Ouest la revendique aussi mais dans une tonalité toute différente : la violence y est bien présente, la justice aussi expéditive par moments, les soldats n’ont pas toujours à être fiers de la façon dont sont traités les Indiens et les hommes blancs, également, se tuent entre eux ; mais malgré ces « à côté » la vie dans l’Ouest comporte bien des aspects enviables. La tonalité, cette fois, est largement apologétique. Alors que Sur la piste des Cheyennes interroge l’Ouest, souvent sans ménagement, pour lui faire révéler ses tares, La Conquête de l’Ouest s’y installe comme on s’assied des heures durant dans un fauteuil qu’on aime bien, pour y lire des histoires pleines de panache, de rebondissements et de senteurs du « bon vieux temps ». Chacun des deux programmes possède un narrateur : discret, celui de Sur la piste des Cheyennes introduit le générique de la série en usant d’un ton neutre, présentant les frères Beaudine et l’objet de leur quête, posant le cadre spatial et temporel sans le commenter ; celui de La Conquête de l’Ouest, qui ouvre et parfois referme les chapitres de l’histoire, est volontiers emphatique et délaisse le particulier au profit du général : il ravive, images à l’appui, des circonstances historiques et des archétypes, le pionnier, le gunfighter, le Mountain man…
LES ARCHETYPES DE L’OUEST
L’usage de ces archétypes, et plus largement la manière de construire les personnages, distingue les deux programmes. Les archétypes sont présents dans les deux et probablement inévitables. Le jeune homme élevé pour moitié par les Blancs et pour moitié par les Indiens est l’archétype principal de Sur la piste des Cheyennes, couplé à celui de l’étudiant venu de l’Est et totalement ignorant des réalités de l’Ouest. Le couple central de la série est ainsi constitué d’un « candide » et d’un « guide », association idéale en quelque sorte qui permet à la fois la découverte et l’explication et suscite la confrontation des points de vue.
La Conquête de l’Ouest s’appuie également sur un archétype : Zebulon Macahan, géant de près de deux mètres, incarnation héroïque, taillée dans le roc, du Mountain man dont le temps est déjà révolu et qui, pour cela, fait déjà figure dans le temps de la série de légende vivante. La série rappelle constamment son ancrage dans un passé déjà idéalisé, celui des premiers contacts avec les territoires « vierges » et avec les Indiens, auprès desquels le nom de Zeb Macahan suscite le respect. Ce nom est immédiatement reconnu par plusieurs nations indiennes et insinue la crainte dans l’esprit des hommes blancs : dans la troisième partie de la mini-série de 1977, l’Arapaho est désolé d’avoir inquiété, par ignorance, la famille de Zeb Macahan ; dans la mini-série de 1978, un médecin et un marshal évoquent les récits qui courent sur Zeb, dont la devise est aussi connue que la geste : « Ne jamais abandonner, ne jamais mentir », et le téléfilm de 1976 ajoutait « Ne jamais s’excuser » ; dans les téléfilms de 1979, encore, le seul nom du mountain man fait trembler des pirates de la rivière et l’un d’eux confie qu’il n’a aucune envie d’avoir un tel homme sur ses traces. Zeb Macahan, c’est John Wayne sur petit écran : James Arness, le comédien qui l’incarne, travailla d’abord avec le Duke qui l’aida à obtenir le rôle du marshal Matt Dillon dans la série Gunsmoke, diffusée de 1955 à 1975 sans interruption, étendant sur lui une protection exceptionnelle en introduisant en personne le premier épisode du show. Le marshal Dillon est lui-même devenu une figure mythique aux Etats-Unis et c’est bien autour de l’acteur James Arness que fut construite La Conquête de l’Ouest. La volonté d’archétype est donc évidente mais ce qui importe ici c’est qu’elle s’étend à l’ensemble du programme, dont le narrateur met en exergue le caractère d’illustration exemplaire de la « saga » de l’Ouest. On a souvent écrit que le programme s’inscrivait dans la filiation du film La Conquête de l’Ouest, constitué en 1962 de sketchs réalisés par Henry Hathaway, John Ford et George Marshall ; de fait, le premier « épisode » du film, mis en scène par Hathaway, comporte un personnage prénommé Zebulon, patriarche d’une famille en route vers l’Ouest. Et la reprise du titre du film suffit à créer cette filiation, d’autant que la série met en scène elle aussi des « tableaux » représentatifs de la période évoquée. Mais une filiation plus évidente encore rattache Zeb Macahan à l’Oncle Zeb (Calloway, celui-ci) du film de Howard Hawks The Big Sky (La Captive aux yeux clairs) : même tunique de daim à franges, même dureté, même goût pour le whisky, même connaissance des usages indiens, et jusqu’à l’expression « Uncle Zeb » que prononcent à l’envi le neveu de Calloway dans le film et les neveux et nièces de Macahan dans la série.
Zebulon Macahan
Autour de Zebulon Macahan, La Conquête de l’Ouest développe un autre archétype : celui de la famille de pionniers unie contre les duretés de la vie dans l’Ouest, du voyage jusqu’à l’installation. Le téléfilm de 1976 ne s’intitule pas encore La Conquête de l’Ouest mais The Macahans car c’est la famille qui est au cœur de l’histoire, même si le personnage de Zebulon est pensé comme la figure tutélaire. Ensuite, chaque épisode de la « saga » s’ouvre par un générique où le titre est immédiatement suivi de la mention « starring the Family Macahan » (« mettant en vedette la Famille Macahan »), comme si celle-ci était une entité à part entière, méritant d’être mentionnée avant même les noms des comédiens qui l’incarnent. C’est que le programme présente en effet cette famille comme un élément organique aussi irréductible que Zeb Macahan lui-même. Les Macahan de Virginie sont au départ indépendants de Zeb : celui-ci a renoncé à la vie sédentaire pour se jeter dans la solitude des grands espaces, laissant son frère Timothy fonder une famille constituée de sa femme Kate et de leurs quatre enfants Luke, Josh, Laura et Jessie.1 Mais très vite le personnage de Tim est écarté et la famille se rassemble autour de Zeb. Elle devient alors ce qu’elle restera tout au long de la « saga » : une entité immuable, dont le noyau se déplacera légèrement dans l’espace, du Nebraska dans le téléfilm originel au Wyoming dans ceux de 1979, dont les membres aussi seront constamment séparés mais qui toujours, in fine, se trouve réunie. Le panneau placé au-dessus de l’orgue familial est le symbole de cette entité, placé ainsi en exergue de la série elle-même : « Home is where the heart is ». C’est simple, c’est clair, c’est le cœur même de la série. La mort de la mère entre les deux mini-séries de 1977 et 1978 et son remplacement par la tante venue de Chicago n’est qu’un épiphénomène, un aléa de la distribution, qui n’affecte en rien le fondement du programme.
Le primat familial de La Conquête de l’Ouest est une différence fondamentale avec Sur la piste des Cheyennes. Les frères Beaudine sont à eux seuls une famille, sans attaches, sans foyer, projetés dans une errance qui est leur raison d’être : la constitution d’une famille n’est envisageable pour eux qu’après la réunion avec leur sœur Patricia, réunion sans cesse ajournée puisque la quête est l’objet de la série. Leur statut d’errants fait d’eux des observateurs sans cesse en mouvement. En cela ils se rattachent à une tradition vivace du western qui est celle du héros sans ancrage, allant d’un lieu à l’autre sans jamais se fixer. La Prisonnière du désert, le film de John Ford avec lequel la série présente quelques similitudes (la plus évidente étant la recherche d’une Blanche enlevée par les Indiens), oppose cette errance du héros à la stabilité du foyer, à jamais inaccessible à John Wayne qui, à la fin du film, s’éloigne de l’encadrement de porte dans lequel on l’a vu se profiler au début du métrage. La même opposition existe, au début de The Macahans, entre Zeb et la famille de son frère ; mais Zeb parvient, lui, à trouver sa place au sein du foyer. Sans cesse il le quitte pour retourner au monde « sauvage », où l’appelle l’aventure, mais toujours il y revient. La même remarque vaut pour son neveu Luke : contraint de fuir sans arrêt parce que recherché pour des crimes qu’il n’a pas commis, il ne cesse de s’éloigner mais revient toujours. La dynamique de la « saga » des Macahan réside dans ces va-et-vient de certains personnages contrastant avec la stabilité du noyau familial qui reste, au sein ou au terme des épreuves, le havre dans lequel on panse les blessures, l’endroit où l’on se régénère.
Le choix de cet ancrage familial et du personnage de Zeb Macahan illustre à la fois la dette de La Conquête de l’Ouest envers Gunsmoke et la distance que le producteur et l’acteur impliqués dans les deux séries ont voulu prendre avec la première. La Conquête de l’Ouest en effet est née de la réunion de John Mantley et de James Arness : le premier avait produit Gunsmoke durant dix ans et le second y avait incarné le marshal Dillon durant vingt ans. Contant la geste du marshal Matt Dillon chargé de faire respecter la loi à Dodge City, ville mythique où le légendaire Wyatt Earp fit lui aussi régner la loi, Gunsmoke avait pour noyau central un groupe de quatre personnes si unies que rien ne put jamais les monter les unes contre les autres : le marshal et son assistant, Miss Kitty, la tenancière du saloon, et Doc. Circonscrite à une ville, la série mettait logiquement en scène toute une galerie de personnages épisodiques représentant autant de dangers ou de « distractions » venus de l’extérieur. Le marshal Dillon y était un personnage de cœur, sensible et courageux, condamné à la solitude par son statut de héros mais attaché à Miss Kitty autant qu’elle lui était dévouée. La Conquête de l’Ouest fut conçue autour de l’aura que ce rôle avait acquise à James Arness. Mais John Mantley souhaitait également donner naissance à un programme plus ample, non pas circonscrit aux limites d’une ville mais ouvert sur les grands espaces. Il voulait que ce programme soit plus réaliste que Gunsmoke, qu’il véhicule des valeurs traditionnelles comme le courage et la détermination mais qu’il mette aussi la lumière sur une réalité qui n’était pas au cœur de Gunsmoke. Le choix du personnage de Mountain man qu’est Zebulon Macahan procéda de cette volonté : alors que Dillon représentait la loi indispensable à une communauté civilisée, Macahan se dresse comme une individualité, un homme pétri de valeurs que ne partageait pas forcément le marshal Dillon. Dans Gunsmoke, le mountain man représentait l’un des dangers de l’extérieur, dont l’individualisme forcené doublé d’un esprit querelleur et rétif menaçait la cohésion de la communauté. Le rôle du marshal était de remettre dans le droit chemin cet électron libre ou de l’expulser de la ville. Zeb Macahan serait donc un homme de ce type. Mieux, il en serait l’archétype : puissant, fort en gueule, buriné, affranchi de toute autorité instituée, dévoué à un mode de vie où la valeur d’un homme se mesure avant tout à ses principes. Malgré tout, le noyau familial inhérent à Gunsmoke devait rester une pierre angulaire de La Conquête de l’Ouest, l’assurance pour le public d’un repère stable, le garant aussi d’une vision traditionnelle des relations humaines. C’est au point de rencontre de ces deux courants que s’établit le programme, dont l’une des réussites est de rendre sympathiques les deux tableaux, celui de l’individu taillé dans le roc et celui du noyau familial indissoluble, dans lequel on retrouve l’idée d’une communauté stable menacée par les dangers venus de l’extérieur.
Les membres de la famille Macahan, pris individuellement, n’échappent pas davantage à l’archétype que Zebulon et la famille en tant qu’entité. Dans le téléfilm originel, Luke (encore appelé Seth, comme l’un des fils d’Adam dans La Bible) est un jeune fermier impatient de vivre des aventures, comme l’est Luke Skywalker dans Star Wars.2 Il est alors projeté dans la tourmente de la guerre de Sécession qui le marque à jamais ; c’est un schéma souvent utilisé pour décrire la guerre fratricide qui déchira la nation américaine entre 1861 et 1865. Sorti de cet enfer, il devient un fugitif, contraint de fuir sans repos à cause d’un malentendu qui perdurera durant toute la « saga », au terme de laquelle il deviendra, comme le notent Horace Newcomb et Robert S. Alley, « l’incarnation d’un Matt Dillon plus jeune, prêt à assumer ses responsabilités et à les faire respecter par les autres ».3 Tout au long de ce parcours, Luke reste fidèle à des principes en partie inculqués par son oncle Zeb. C’est lui aussi un homme d’honneur, incapable de laisser commettre une injustice sous ses yeux et de se plier aux règles édictées par les autres dès lors qu’elles sont en contradiction avec ses propres principes. En dépit des épreuves qu’il traverse, et en partie grâce à elles, Luke en sa qualité d’aîné est perçu par ses jeunes frère et sœurs comme un élément fédérateur, jouissant d’emblée d’une autorité de droit qui s’affirme peu à peu dans son caractère. C’est ce qui fait de lui l’héritier de Zeb, formé par les épreuves qui correspondent à son époque. Auprès de lui, son jeune frère Josh (d’abord appelé Jed) paraît insignifiant ; il sera progressivement mis en situation d’affirmer lui aussi son caractère mais demeure néanmoins l’exemple du brave fermier dont l’apprentissage se fait dans les pas de ses aînés. La même remarque vaut pour les deux sœurs, Laura et Jessie : si chacune bénéficie au fil de la « saga » d’expériences propres, jamais elles ne s’affranchissent du noyau familial, dont elles constituent des éléments fondamentalement invariables. Ce sont les jeunes filles de la campagne, que la venue d’un bel étranger rend brusquement coquettes et qui s’abandonnent en général à leurs émotions ; fréquemment, elles sont victimes d’un événement dramatique ou d’une agression extérieure qui nécessite l’intervention des autres membres de la famille, le plus souvent l’un des hommes. La répartition des rôles selon les sexes reste, dans la série, traditionnelle.
Luke Macahan
Au sommet de la pyramide familiale se tiennent les parents : du père, Timothy, il y a peu à dire car il disparaît dès la moitié du téléfilm originel ; c’est par son absence qu’il permet aux autres de se définir : à Luke/Seth qui en partant à sa recherche fait l’expérience de la guerre et se voit marqué du sceau d’infamie qui le transforme en errant, comme à sa femme Kate contrainte de diriger seule la famille, d’accomplir les durs travaux de la ferme et de faire face aux dangers qui menacent le noyau familial. La scène finale du téléfilm est l’image symbolique de la vie de cette femme pionnière : poussant le soc tiré par les bœufs dans terre de sa petite ferme, elle trace et parcourt inlassablement les sillons dont dépend la survie de sa famille. Veuve, son destin est de le rester : après sa mort, sa sœur Molly vient prendre sa place et si les duretés de la vie dans l’Ouest semblent atténuées pour elle, au moins pour ce qu’en montre la série, le rôle qui lui est dévolu est sensiblement le même. Le veuvage perpétue l’absence du chef de famille, à laquelle supplée Zeb.
Enfin, l’archétype reste le traitement dominant appliqué à l’ensemble des personnages épisodiques. Ceux-ci sont nombreux et leur apparition définit en général des arcs narratifs qui s’imbriquent pour tisser la trame d’ensemble de la « saga ». Tous ces personnages vont et viennent en fonction des besoins de l’action et ils sont caractérisés de manière toujours simple. Dutton, dans le téléfilm originel, est l’antithèse de Zeb Macahan : un mountain man qui, au lieu de s’adapter à une époque qui le considère désormais comme un élément révolu, réagit en se rebellant contre elle, par le meurtre et le cynisme. Martin Grey, dans la mini-série de 1977, est un ancien officier que la fin de la guerre a transformé en chasseur de primes, d’abord au service de l’armée qui le charge de traquer les déserteurs, ensuite à son propre compte ; dénué de compassion et d’emblée antipathique, il n’est défini que par sa fonction qui fait de lui un opposant des Macahan, puisqu’il traque Luke. Dans la mini-série de 1978, le Grand Duc et son neveu Sergei sont également unidimensionnels : ils apportent avec eux une tourmente que seul Zeb Macahan pourra apaiser. Et la même remarque vaut pour la plupart des personnages qui s’inscrivent au générique des différentes époques de la « saga » : l’Indien brave mais impuissant devant l’irrésistible poussée des Blancs (Satangkai), l’officier fort en gueule qui remplit sa mission tout en désapprouvant la manière dont ses supérieurs gèrent la crise (Stonecipher), le jeune pistolero victime de ses mauvais choix (Curt Grayson), l’ancienne fiancée revenue d’entre les morts et porteuse d’un secret (Beth Harrison), le conducteur de chuck-wagon gouailleur et bon vivant (Tap Henry), le bon juge et le mauvais marshal (Rensen et Russell), l’homme dévoré par la haine et la soif de vengeance (Stillman), le gunfighter taciturne et redoutable (Frank Grayson), le grand propriétaire incapable d’admettre la venue de nouveaux colons sur « ses » terres (Henry Coe), le jeune officier passant directement de l’Académie à l’Ouest bien réel (le Lt. Ayeless)… Ces personnages sont d’ailleurs parfois interchangeables, précisément parce qu’ils existent en tant que clichés empruntés à la vaste mythologie du western : Deek Peasley dans la mini-série de 1978 est la réplique de Dutton dans le téléfilm originel, et tous deux remplissent une fonction analogue à celle de Martin Grey dans la mini-série de 1977.
Même des personnages plus développés, que l’on voit ressurgir d’une époque à l’autre, sacrifient aux archétypes traditionnels : le shérif Orville Gant, dans la mini-série de 1978, répond au type du shérif paterne, compétent et juste, tandis qu’à son retour dans le téléfilm « Hillary » en 1979 il revêt la panoplie du lawman implacable, le regard d’acier, le manteau long et l’arme au côté ; sa fille Hillary, personnage qui ne manque pas de vie, est une digne représentante d’un archétype qui dépasse largement les limites du western, celui de la « mégère apprivoisée ». Mais ces exemples montrent que, tout en étant des archétypes, les personnages de La Conquête de l’Ouest ne sont pas forcément fades : au contraire, le pittoresque fait partie de leur nature et, comme dans la plupart des « grands westerns » du cinéma, il accompagne plus volontiers les personnages sympathiques que les autres. Le choix des acteurs est de ce point de vue essentiel : le cuisinier Tap Henry existe à travers les traits de Slim Pickens, habitué aux rôles de shérif, de conducteur de diligence, faire-valoir de nombreux westerns et Major « King Kong » du Dr Folamour de Stanley Kubrick ; le mountain man Cully Madigan, dans la mini-série de 1977, a les traits de Jack Elam que l’amateur de westerns avait croisé auparavant dans L’Homme de l’Ouest, Règlement de comptes à O.K. Corral, Rio Lobo, autant de films où il jouait les seconds couteaux en plus de multiples apparitions dans les westerns télévisés. D’autres acteurs, comme Mel Ferrer, Morgan Woodward, Brian Keith, sont des noms déjà solidement ancrés dans la mythologie du western et leur seule présence au générique suffit à donner à La Conquête de l’Ouest une forme de caution, un air d’authenticité.
Le même emploi de comédiens reconnaissables caractérise Sur la piste des Cheyennes, à un degré même plus élevé. Plusieurs des acteurs invités de la série ont tenu des rôles de premier plan dans des séries antérieures : Pernell Roberts dans Bonanza, Leif Erickson et Cameron Mitchell dans Le Grand Chaparral, Ty Hardin dans Bronco, Neville Brand dans Laredo et même Amanda Blake dans Gunsmoke. De même, les épisodes reposent souvent sur des archétypes de l’Ouest : le mountain man, le chasseurs de bisons, le Texas Ranger, le marshal d’une cité en expansion, la tenancière, l’ouvrier chinois, le cow-boy. Mais le traitement de ces archétypes diffère de celui choisi par La Conquête de l’Ouest et cette différence repose sur la différence de tonalité des deux séries. Sur la piste des Cheyennes utilise les archétypes pour mettre l’Ouest en question : elle commence par montrer un marshal compétent dans l’exercice du maintien de l’ordre puis le met en difficulté pour mieux mettre en perspective le rôle qui est le sien, en l’affrontant non à un ennemi extérieur mais à ses propres contradictions (« Ville ouverte ») ; à l’inverse, elle présente un Texas Ranger sous un éclairage polémique avant d’amener les héros (et sans doute le public) à partager son point de vue, cherchant avant tout à mettre en question la notion même de justice (« Shanklin ») ; de même, la tenancière d’un établissement de plaisir est au cœur d’un combat a priori bien éloigné des préoccupations qu’on est tenté de lui attribuer et finit pendue sans procès pour avoir publié des lettres assassines visant un éleveur de la région (« Day of outrage »). La série ne cherche donc pas tant à reproduire les schémas traditionnels qu’à les utiliser pour surprendre son public et le faire réfléchir à ce qu’a pu être l’Ouest, au-delà des clichés habituels. Cet aspect réflexif n’est pas fondamental dans La Conquête de l’Ouest. Le spectateur y est appelé avant tout à prendre part à l’aventure, à se laisser porter par elle, et les archétypes sont là pour lui donner un sentiment de familiarité. On est finalement rarement surpris par les histoires que la série raconte, alors que les scénarii de Sur la piste des Cheyennes jouent fréquemment sur la surprise, le malentendu, en révélant une réalité qui n’est pas forcément celle que les héros pensaient avoir perçue, et le public avec eux. Le ton magistral du narrateur contribue à persuader le spectateur de La Conquête de l’Ouest qu’il s’apprête à regarder une page d’Histoire, à en être le témoin et non à la mettre en question ou à l’utiliser pour réfléchir sur sa propre époque. C’est aussi le sens des images figées de chaque fin d’acte4 : en virant au sepia granuleux, elles ressemblent à des illustrations anciennes et renforcent l’impression d’authenticité. La fiction se présente ainsi comme un livre d’images auxquelles on aurait donné vie.
UN FORMAT HYBRIDE
Cette différence de tonalité a pour corollaire une différence de format. Si celui de Sur la piste des Cheyennes est classique (excepté le téléfilm pilote et le téléfilm d’ouverture de la saison, chaque épisode a une durée standard de 47 minutes environ), celui de La Conquête de l’Ouest l’est moins. En fait, le programme n’a jamais été conçu comme une série. A l’origine téléfilm unitaire, il a été décliné ensuite sous forme de trois téléfilms de 90 minutes chacun, ce que les Américains appellent mini-series et que l’on traduit tel quel, en français, par mini-série, bien que le terme « feuilleton » corresponde chez nous à cette forme de fiction. L’audience fut si satisfaisante – la mini-série conquit 50% de parts de marché et se plaça de fait en deuxième place des audiences de mini-séries, juste après Racines – que la chaîne en commanda une suite. Cette troisième livraison fut conçue par John Mantley comme un ensemble de vingt heures découpé en dix téléfilms de deux heures (en tenant compte des publicités, soit en vérité 90 minutes par téléfilm pour un total de près de treize heures). Mais ABC modifia ce découpage et exigea des épisodes de 50 minutes encadrés par des téléfilms de 135 minutes : au final, la saison 1978 est donc de nouveau une mini-série mais son ampleur en fait une opération bien plus ambitieuse que la première. Au cours de ses quatorze épisodes, La Conquête de l’Ouest superpose les arcs narratifs d’une manière alors inusitée, déroulant une action continue durant treize heures d’antenne. Le résultat, pourtant, ne fut pas satisfaisant pour John Mantley : plusieurs lignes narratives s’entrecroisent dans l’ensemble des épisodes ; le procédé ayant été pensé pour fonctionner sur 90 minutes aboutit à une certaine confusion lorsqu’une partie des épisodes se trouvèrent réduits à une durée de 50 à peine. Une partie du public, déroutée, renonça à suivre la totalité de l’aventure. Les épisodes de trois heures, en revanche, réalisèrent d’excellentes audiences, grâce auxquelles le programme se retrouva finalement douzième dans la Top List de cette saison. La leçon allait être retenue pour la saison suivante : à son retour en 1979, La Conquête de l’Ouest était devenue une série de téléfilms unitaires de 90 minutes. Chaque épisode bouclait une histoire indépendante construite autour d’une partie seulement des protagonistes de la « saga », parfois un seul. Au final, toutefois, c’est le format mini-série qui s’impose le plus facilement dans la mémoire car cette période, recouvrant les saisons 1977 et 1978 du programme, est clairement la plus faste et la plus ambitieuse.
Or, ce format n’est pas sans effet sur la perception du programme, et sur la tonalité d’ensemble qu’il adopte. Dans le format classique de 50 minutes, chaque épisode de Sur la piste des Cheyennes se présente comme une parabole dont il est aisé de tirer une morale. C’est sur ce principe que fonctionnent la plupart des séries, pour ne pas dire toutes, à l’époque. Chaque récit peut alors être considéré comme un micro-récit au sein d’une fiction potentiellement illimitée : la quête initiale qui motive les déplacements des frères Beaudine est par nature destinée à être ajournée sine die, tant que la série durera. Le principe est donc le même, avec tous les aménagements d’usage, que celui d’un roman comme Jacques le Fataliste de Diderot : l’histoire d’ensemble est sans cesse interrompue par des récits secondaires qui finissent par devenir la véritable raison d’être de l’aventure, tandis que l’objectif initial est sans cesse reporté. De ce point de vue, la série de quête est comme un chemin qui ne mène nulle part ; son véritable intérêt réside dans les haltes qui ponctuent le mouvement d’ensemble. Si l’on prend le proverbe chinois : « Quand le doigt montre la lune, l’imbécile regarde le doigt », l’imbécile, pour le coup, a raison : car la lune n’est qu’un point d’ancrage qui n’est nullement destiné à être atteint, en tout cas dans un avenir proche. Mais la nature d’un téléfilm, et plus encore d’une mini-série, est différente : ici, la direction indiquée au départ n’est pas destinée à être oubliée mais doit être atteinte à la fin du périple. Le téléfilm originel comme la première mini-série de La Conquête de l’Ouest reprennent d’ailleurs la même construction : la séquence d’ouverture prépare le dénouement ; quelles que soient les digressions par lesquelles s’aventure ensuite le récit, il ne sera achevé que lorsqu’il aura rejoint le point d’ancrage désigné à son début. Dans le téléfilm, la séquence où Zeb Macahan remet le mountain man Dutton à l’armée a pour pendant celle où, à la fin du téléfilm, il affronte de nouveau Dutton, cette fois de manière définitive. Entre les deux s’est développée toute l’histoire de la migration des Macahan vers l’Ouest et de la quête de son père par Luke/Seth. Dans la mini-série de 1977, c’est l’arrivée du chasseur de primes Martin Grey qui lance le récit en obligeant Luke à quitter le havre des Macahan, puis Zeb à suivre ses traces ; la boucle ainsi ouverte ne sera bouclée qu’avec la confrontation finale des Macahan avec Grey. Entre les deux, les personnages auront vécu diverses aventures en des lieux différents. Les apparitions ou évocations de Dutton et de Grey auront ponctué ces aventures de manière à ne pas laisser oublier le fil directeur et à entretenir le suspense. Cette construction sert à nouveau de base à la mini-série plus ambitieuse de 1978, à ceci près que les pistes narratives ouvertes dans le premier épisode n’attendent pas le dernier pour être résolues mais le sont au cours du voyage, des rebondissements relançant le récit après chaque dénouement. La première conséquence de cette construction est l’éclatement du récit entre plusieurs lignes narratives qui s’entrecroisent continuellement, certaines se poursuivant tandis que d’autres arrivent à leur conclusion. Le format ne se prête donc pas à la parabole, qui souffre mal l’interruption. Un tel éclatement du récit fait davantage appel à la concentration et à l’adhésion du public qu’à sa réflexion. Ce qui est mis en avant n’est pas une démonstration mais le sens du romanesque.
William Kirby Cullen
En principe, la mini-série et le téléfilm font évoluer leurs personnages en les menant d’un état à un autre. C’est ce que fait le téléfilm The Macahans : Zeb, Luke/Seth et Kate accomplissent chacun une boucle, un « arc », qui les rend différents de ce qu’ils étaient au début. Zeb, en affrontant Dutton, entérine la disparition d’une époque qui a fait de lui une légende : le temps des mountain men est désormais révolu et c’est en l’acceptant que Zeb se montre capable de survivre, alors que Dutton ne l’est pas. Luke/Seth, en faisant l’expérience de la guerre et de la perte de son père, passe de l’adolescence à l’âge adulte. Quant à Kate, en quittant la Virginie pour l’Ouest et en perdant son mari, elle change totalement de mode de vie et se découvre une capacité de résistance qu’elle ne se connaissait pas.
Dès la mini-série de 1977, toutefois, ce principe d’évolution n’est plus respecté. A partir de cette saison, et c’est également vrai pour la suivante, l’aventure vaut pour elle-même et ne fait pas évoluer les personnages de manière significative. A la fin de la saison, les protagonistes sont fidèles à ce qu’ils étaient au début : Kate a été courtisée par un homme mais il est parti, Luke a fui la ferme, vécu plusieurs aventures puis est revenu à son point de départ, quant à Zeb il a également effectué un périple ponctué de rebondissements avant de revenir lui aussi à son point de départ. La conclusion de la mini-série montre les Macahan quittant leur petite ferme pour reprendre la route vers l’Oregon, interrompue lors du téléfilm originel : or, ce départ est annoncé dès le début et rendu impossible par les événements qui occupent l’ensemble de la mini-série. Ces événements ne sont donc rien d’autre qu’une digression. Tels seront aussi ceux de la saison suivante, à une échelle plus grande encore ; au terme des treize heures de la mini-série de 1978, la conclusion sera identique à celle de l’année précédente : le départ de la famille pour l’Oregon. On pourrait dire que le récit tourne à vide. Il est plus intéressant de constater que, tout en adoptant le format de la mini-série, La Conquête de l’Ouest épouse un principe fondamental des séries de son époque, à l’exception des plus évolutives comme La Petite maison dans la prairie : chaque histoire est une boucle qui ramène les héros à leur point de départ. Une fois définis, les caractères évoluent peu, ce qui permet de préserver les fondements du concept originel : ici, celui d’une famille unie que les épreuves ne parviennent qu’à souder davantage encore. L’évolution la plus notable est en définitive le changement de lieu, et encore : les Macahan ont beau reprendre la route à la fin des saisons 1977 et 1978, le cadre dans lequel on les retrouve reste très semblable. Le homestead du téléfilm originel et de la première mini-série devient une ferme puis un ranch mais le décor en lui-même n’a que peu changé.
Luke et Molly
Au final, La Conquête de l’Ouest présente donc un format hybride, entre série et mini-série au sens strict. Cette caractéristique en fait un programme original dans le paysage télévisuel de son époque – et encore aujourd’hui. Le terme « saga », que nous avons plusieurs fois utilisé entre guillemets, est finalement celui qui lui convient le mieux : un vaste récit contant les aventures de héros sur fond d’événements historiques, mêlant volontiers l’emphase de l’épopée à la richesse réaliste de la chronique et faisant une large part à l’élément familial. Les génériques mêmes de la série insistent sur sa dimension épique : le générique de fin des saisons 1978 et 1979 est composé d’images révélant les détails de plusieurs peintures de Charles M. Russell, l’un des nombreux artistes ayant fixé pour la postérité les images de la conquête de l’Ouest ; quant au générique d’ouverture de chacun des épisodes de l’ensemble de la saga, il ne figure aucun personnage mais déroule en plusieurs « tableaux » le décor naturel splendide dans lequel s’inscrit l’aventure. Cette invitation au voyage qui sert d’introduction à chaque épisode met aussi en exergue l’un des aspects auxquels tenait le plus John Mantley : les tournages en extérieurs, nombreux tout au long des quatre saisons de la saga, sont l’un des facteurs essentiels de son réalisme, en rupture avec le cadre restreint dans lequel se déroulèrent durant vingt ans les exploits du marshal Dillon. Cette ouverture est donc aussi une profession de foi : voilà le cadre, toujours existant, dans lequel nous allons faire revivre les acteurs de l’Histoire. Asseyez-vous, contemplez et, surtout, laissez-vous porter. Le cadre naturel de l’aventure est l’un des attraits majeurs de la saga, servant à l’identifier de la même manière que Monument Valley est associée au cinéma de John Ford. Le générique joue sensiblement le même rôle que les photographies rapportées de l’Ouest, dans la seconde moitié du XIXème siècle, par les nombreuses missions d’exploration commanditées par différents ministères américains ; les plans sont d’ailleurs filmés de manière à induire l’idée de découverte dans l’esprit du spectateur : non seulement les images s’inscrivent toutes dans un travelling continu – d’abord vers la gauche pour le téléfilm originel et la première mini-série puis vers la droite à partir de 1978 – mais ce travelling reproduit plusieurs fois la dynamique de la découverte en balayant une colline pour brusquement révéler une vallée : le premier plan envahit le champ pour révéler peu à peu un panorama plus vaste. Le procédé évoque – entre autres exemples – cette séquence du film Au-delà du Missouri (William A. Wellman, 1951) où les explorateurs, après un long et pénible voyage, découvrent soudain au pied du sommet auquel ils sont parvenus une vallée luxuriante et paraissant inviolée. Ajoutez à cela la grande diversité des plans – vastes forêts vertes, jaune-orangé et rouges, canyons bruns et jaunes, grands lacs et cours d’eau, montagnes enneigées, plaines à bisons – et vous obtenez un livre d’images absolument magnifiques, splendide préambule à l’aventure. Un autre élément remarquable qui rappelle encore les photographies d’époque, c’est l’absence d’humains dans ces paysages, livrant la nature dans une virginité mythique, telle qu’elle apparaissait sans doute aux pionniers qui se lançaient dans la conquête. C’est peut-être là, cette virginité intemporelle du paysage, l’archétype suprême de la saga des Macahan.
Notes
1. Nous utilisons les noms définitifs, utilisés à partir de la mini-série de 1977 : Luke s’appelait en fait Seth dans le téléfilm antérieur et Josh s’appelait Jed.
2. Qu’on ne nous fasse pas dire que c’est à cause du héros de George Lucas que les producteurs ont changé Seth en Luke : le personnage porte ce prénom dès la mini-série de février 1977 alors que Star Wars ne fut projeté en salles qu’à partir du 1er mai de la même année. L’homonymie est contingente, en revanche les deux personnages sont fondés sur le même archétype, que l’on retrouve dans Perceval ou le conte du Graal de Chrétien de Troyes : le jeune garçon encore ignorant du monde et qui piaffe d’impatience au seuil de l’aventure.
3. Horace NEWCOMB et Robert S. ALLEY, The Producer’s Medium : Concersations with Creators of American TV, Oxford University Press, 1983, p. 101.
4. Chaque fiction diffusée sur les chaînes commerciales est découpée en plusieurs actes (quatre pour une fiction d’une heure), entre lesquels est insérée la publicité. L’écriture télévisuelle s’accorde à cette logique commerciale en donnant à chaque acte une cohérence et en le refermant sur un moment de tension dramatique. C’est le plus souvent un fondu au noir qui marque la séparation des actes mais certains programmes optent pour un effet visuel qui accroît l’impact dramatique de ces suspensions ponctuelles. Dans Les Mystères de l’Ouest, par exemple, l’image de fin d’acte est figée, vire elle aussi au sepia puis s’inscrit dans l’un des cartouches d’un plan issu du générique d’ouverture de la série ; à la fin de l’épisode, les quatre cartouches vides ont été remplis, signe que la fiction a atteint son dénouement.