Un article de Brigitte Maroillat
publié dans Arrêt sur Séries n° 15 (décembre 2003)
partie 1 - partie 2
retour à la saison 1
Crédits photos : ITV Studios Global Entertainment - les illustrations de ce dossier ont été collectées sur le Net mais il faut rendre à César ce qui est à César : beaucoup d'entre elles, de fait, proviennent du site space1999.net, une mine impressionnante mise en forme par Martin Willey ; qu'hommage lui soit rendu en préambule à cette lecture.
Après le départ de Sylvia Anderson, épouse de Gerry et talentueuse conceptrice dont les brillantes idées ont beaucoup apporté à la mise en scène, aux décors et aux costumes de la série, débarque le producteur américain Fred Freiberger dont les méthodes très personnelles s’opposent en tout point à la créativité débordante de Mme Anderson.
Après s’être fait projeter quelques épisodes de la première saison, il se met en tête de simplifier la série qu’il trouve horriblement complexe avec des personnages déshumanisés qui, selon lui, parlent trop et surtout de sujets métaphysiques et philosophiques auxquels le téléspectateur moyen ne peut rien comprendre. A la lumière de cette appréciation quelque peu sommaire et très naïve, il s’emploie à américaniser le show à travers des scripts plus légers qui ne cherchent pas (c’est le moins que l’on puisse dire), à intellectualiser l’épopée cosmique mais à divertir le public.
Ceux qui ont découvert la série avec la première saison détestent la deuxième saison. Inversement, ceux qui ont vu cette deuxième saison avant la première estiment que la suite des aventures des Alphans ne manque pas de charme, justement en raison de son caractère léger et kitsch.
L’intérêt de la présente étude sur la deuxième saison est de mettre en lumière les raisons pour lesquelles les uns la détestent et les autres l’adorent, ce qui prouve qu’au-delà de son aspect cartoonesque, un tantinet ridicule, ladite saison présente aussi quelques éléments attractifs à travers des épisodes qu méritent d’être vus.
1. UN CARTOON KITSCH
Quand les admirateurs de la première heure ont découvert la deuxième saison de Cosmos 1999, ce fut comme « un coup de tonnerre dans un ciel serein », pour paraphraser ce cher Sigmund Freud. Ils ne parvenaient pas à réaliser que ce qu’ils avaient devant les yeux était la suite de la série qu’ils avaient tant appréciée. Où étaient donc passées la profondeur philosophique et la richesse artistique de la première saison ? Que restait-il de l’insatiable curiosité du Professeur Bergman et des discussions animées et passionnantes entre John et Helena. Tous ces éléments essentiels qui ont fait la légende de Cosmos 1999 ne semblaient jamais avoir existé tant les personnages de cette seconde saison étaient des plus caricaturaux perdus au milieu d'histoires insipides.
Cette réaction négative n’a pas été propre aux fans, les acteurs ayant eux aussi senti, en cours de tournage, que la qualité de la série s’effritait de manière très préoccupante sous l’impulsion des idées fantasques de Freiberger. Dans une émission spéciale consacrée à Cosmos 1999, diffusée le 13 septembre 1999 par Série Club, Martin Landau confiait à Stéphane Evanno à quel point il avait été inquiet de voir la série péricliter sans qu’il puisse enrayer cette déchéance en dépit des discussions musclées qu’il provoquait avec Freiberger pour lui faire entendre raison : « Je ne suis pas un fan de la deuxième saison. Je pense que Freiberger a nui à la qualité de la série comme il a nui à Star Trek en la transformant en dessin animé, croisement grossier entre Flash Gordon, Wonder Woman et Mr Magoo. Les personnages n’étaient plus que l’ombre d’eux mêmes, perdus dans des scénarii sans intérêt. » Un jugement certes sévère mais qui s’explique parfaitement, comme nous allons le voir.
Ce qui a certainement le plus choqué les fans de la première heure est certainement la disparition de plusieurs personnages de la distribution originelle. Première victime de ce remaniement de casting : le Professeur Victor Bergman, après que Freiberger ait décrété ne pas savoir “ quoi faire de ce vieux bonhomme ennuyeux à mourir ”, ce qui souligne à quel point il n’avait rien compris à l’importance du sage et facétieux homme de science, figure emblématique de toute l’intelligence et la richesse de Cosmos 1999. En perdant Bergman, la série a perdu son âme et la disparition de ce personnage est d’autant plus rageante qu’elle n’est nullement expliquée, comme s’il était possible de rayer d’un trait de plume une personnalité aussi marquante, ce qui illustre, une nouvelle fois, le peu de considération que Freiberger portait au public de la série. Il n’y a pas eu davantage d’explication à la suppression d’autres personnages importants de la première saison tels que Paul Morrow et David Kano qui étaient des figures appréciées des habitués de la série, mais jugées sans intérêt par le nouveau maître d’œuvre de Cosmos 1999.
Faisant table rase du passé et ne tenant aucun compte des incohérences créées par ses modifications, Freiberger a ensuite transformé les personnages qu’il a conservés de la première saison en pâles caricatures d’eux-mêmes. Ainsi Sandra Benes et le Dr Bob Mathias, le fidèle assistant d’Helena Russell, ne sont plus que des ombres passant d’un épisode à l’autre de manière quasi anonyme. En ce qui les concerne, la critique qu’on leur faisait jadis d’être des personnages sans épaisseur, est, avec cette nouvelle mouture de Cosmos 1999, parfaitement justifiée, à tel point d’ailleurs qu’ils disparaîtront rapidement pour laisser leur place à des protagonistes, pour certains intéressants, pour d’autres très anecdotiques. Ainsi Sandra sera remplacée dans ses fonctions par la Japonaise Yasko puis par l’Africaine Alibe, deux agents des communications des plus éphémères. Quant au Dr Bob Mathias, il se verra remplacé successivement par deux jeunes assistants médicaux : l’hispanique Raoul Nunez et surtout Ben Vincent qui aura l’honneur de collaborer activement avec le Dr Russell dans une dizaine d’épisodes. Des nouveaux personnages introduits par Freiberger, celui-ci est sans nul doute le plus intéressant en ce qu’il partage avec Helena un grand professionnalisme et un sens aigu du dévouement qui lui permettent de l’assister efficacement dans la mise au point d’un cœur artificiel dans “ Les catacombes de la lune ”. Il est, en outre, le seul à ne pas se laisser détourner de ses devoirs de médecin par les aliens hideux au pouvoir hypnotique et ayant pris forme humaine et amicale dans “ Un message d’espoir ” . Restant vigilant, il continue à surveiller, sur un écran de contrôle, le Commandant Koenig en soin intensif au Centre médical, et peut ainsi le sauver d’une mort certaine lorsqu’un Alphan hypnotisé par les Visiteurs tente de l’étrangler.
Fred Freiberger, Keith Wilson et Ray Austin dans les décors de la série
Ceux qui ont fait le plus les frais des idées fantasques de Freiberger sont sans nul doute John et Helena : sous prétexte d’humaniser leurs relations, il les a transformés en amants passionnés, ce qui va à l’encontre de tout ce qui faisait l’intérêt des rapports riches en non-dits de ces deux personnages dans la première saison. Désormais, Helena est une amoureuse transie en adoration devant John Koenig alors qu’il est loin d’avoir l’attitude irréprochable d’un Commandant digne de ce nom. Si en effet, le John du passé privilégiait le dialogue avec les formes de vie extra-terrestres tout en restant vigilent, celui de l’air “ Freibergérienne ” a un esprit belliqueux, n’hésitant pas à faire de l’attaque préventive sa stratégie de prédilection. Ce changement de comportement trouve sa plus belle illustration dans “ Les exilés ” où John tire, sans sommation, sur Kantar qu’il vient de recueillir sur Alpha, uniquement pour s’assurer que les armes Alphanes sont bien efficaces contre cette race d’extra-terrestres !! Ce comportement agressif est à mille lieues de la personnalité du John Koenig de la première saison. On comprend, dès lors, pourquoi Martin Landau, dans l’émission précédemment citée, accuse Freiberger d’avoir trahi son personnage : « Je connaissais bien le Commandant Koenig, je le comprenais. Dans la deuxième année, il a fait des choses qu’il n’aurait jamais dû faire. Je me suis battu contre ça. On avait des réunions lors desquelles j’avais de terribles confrontations avec Freiberger. Parfois je gagnais ces batailles, et on réécrivait le texte, parfois je les perdais et j’étais alors obligé de servir une histoire à laquelle je ne croyais pas. » Les batailles gagnées par Martin Landau pour sauvegarder la cohérence de son personnage ne sont pas légion, mais elles se remarquent tout de même dans des épisodes comme “ Les chrysalides A B ” et “ L’élément lambda ” où John Koenig retrouve un tant soit peu d’épaisseur, ces histoires mettant en avant son bons sens, son sang froid, son esprit pacifique et sa douleur à faire face aux fantômes de son passé.
Quant à Helena Russell, elle est présentée, dans la plupart des épisodes de cette deuxième saison, plus comme une femme au physique avantageux que comme une scientifique de valeur. Pour s’en convaincre, il suffit de voir “ Humain ne serait-ce qu’un moment ” où, vêtue d’une robe hyper sexy, elle se livre à une danse érotique du plus mauvais goût avec l’androïde Zaar. Elle laisse cependant entre parenthèses la femme glamour et amoureuse pour redevenir un brillant médecin et une femme de tête dans “ La planète Archanon ” et surtout dans “ Les catacombes de la lune ” où elle tente avec une belle pugnacité, digne de l'Helena de la première saison, de mettre au point un cœur artificiel pour sauver Michèle Osgood.
En dehors des quelques épisodes précités où ils sont un peu plus à leur avantage, les personnages de John et d’Helena ont beaucoup perdu de leur intérêt de par leur relations ridiculement fleur bleue, à la limite de la mièvrerie, comme l’illustre à merveille le grotesque épisode “ Le cerveau ordinateur ” et bien d’autres d’ailleurs, où les effusions amoureuses entre les deux personnages ne manquent pas, se traduisant à l’écran par des étreintes passionnées et des baisers fougueux. On est, dès lors, bien loin des relations tout en nuances et en retenue qui faisaient le charme du tandem Helena / John dans la première saison.
Il n’y a guère finalement que le personnage d’Alan Carter qui ait tiré avantage du grand chambardement imposé par Freiberger. Dans la première saison, il se tenait dans l’ombre de Koenig et de Bergman, mais la disparition de ce dernier dans la deuxième saison lui donne l’occasion d’être propulsé au devant de la scène dans divers épisodes comme “ La planète Archanon ”, “ En route pour l’infini et “ Le secret de la caverne ” où il fait une nouvelle fois la démonstration de son caractère bien trempé et surtout de sa loyauté envers John Koenig. Nick Tate, son interprète, est le seul de la distribution originelle à tirer son épingle du jeu et à trouver ses marques dans cette étrange nouvelle donne : son humour, sa présence et sa décontraction font de son personnage une figure sympathique et difficilement remplaçable dans une série qui a de toute façon déjà perdu beaucoup de sa superbe. Dès lors, ce n’est évidemment pas le pilote Bill Fraser, un personnage semi-récurrent introduit par Freiberger, qui pourrait l’éclipser tant il est totalement dépourvu de charisme.
Alan Carter
Pour en venir justement aux nouvelles têtes de cette deuxième saison, les personnages qui ont suscité les plus vives controverses au sein des fans sont évidemment Maya et Tony Verdeschi, deux trouvailles de Freiberger pour égayer la série qu’il trouvait jusqu’alors “ austère avec des personnages dépourvus de toute fantaisie ”. Il est clair que sur le plan de la fantaisie, le téléspectateur allait être servi avec ce duo de personnages excentriques. Maya est sauvée, dans l’épisode d’ouverture de la saison, par John et Helena de l’explosion de sa planète Psychon provoquée par les expériences scientifiques de son père, Mentor. Maya est une métamorphe qui, comme son nom l’indique, a la faculté de se transformer en n’importe quel être, y compris des monstres poilus, dont elle parvient à reproduire la structure moléculaire grâce à ses dons neuro-sensoriels exceptionnels. Les monstres poilus, parlons-en justement : c’est la grande invention de Freiberger dont il a truffé la quasi-totalité des épisodes de la seconde saison. Ce “ gimmick ”, censé introduire un peu de gaieté dans une série prétendument austère, a, en réalité, fait sombrer Cosmos 1999 dans le ridicule, ce dont on aura l’occasion de reparler ultérieurement. Maya est un personnage tout droit sorti d’un comic à deux cents qui amuse sûrement les enfants mais qui n’a manifestement pas sa place dans l’univers de Cosmos, du moins celui conçu initialement par le couple Anderson.
Maya et son père dans "La métamorphose"
Quant à Anthony Dean Verdeschi, né à Florence mais ayant grandi en Angleterre où il a étudié à Cambridge, il n’y a guère à dire tant ce personnage est superficiel et de surcroît doté d’un humour vaseux qui ne fait rire que lui. Il s’évertue, en outre, à mettre au point des mixtures censées être de la bière mais qui ne sont, en fait, que d’infâmes potions qu’il tente, à la fin de chaque épisode, de faire goûter à ses compagnons, lesquels parviennent toujours à trouver des prétextes pour échapper à ce rituel hasardeux pour leur santé.
Il convient cependant d’appréhender Maya et Tony pour ce qu’ils sont : des personnages sympa et purement décoratifs, ni plus, ni moins. Inutile de continuer à chercher, à tout prix, un quelconque intérêt à ces deux-là, il n’y en a pas, et pour cause puisque Freiberger a créé ces protagonistes pour transformer la série intellectuelle qu’était Cosmos 1999 en une espèce de show cartoonesque coloré (dont l’atmosphère rappelle étrangement celle de “ Dr Who ”, série culte chez nos voisins britanniques mais néanmoins grotesque) et ce uniquement dans le dessein de divertir le téléspectateur. Si l’on garde en tête cette donnée, on est nécessairement moins déçu lorsqu’on découvre les clowneries de Maya et de Tony sur le petit écran : de cette façon, leurs chamailleries enfantines et leur histoire d’amour naïve apparaissent moins insipides.
Tony et Maya
A propos d’histoire d’amour, il convient justement de relever que les incursions dans le passé et la vie privée des protagonistes sont, contrairement à la première saison, légions et pas toujours des plus appropriées, ni du meilleur goût, d’ailleurs. Sont ainsi déballés, pelle mêle, les souvenirs universitaires d’Helena à propos de son mentor, le Professeur Shaw (“ Un message d’espoir ”) ; les amours de jeunesse de John (l’insupportable Diana Morris dans l’épisode précité) ; les blessures du passé du même John : de ses missions d’aspirant astronaute qui ont mal tourné (“ Les exilés ”, “ L’élément Lambda ”) à la mort de sa femme au cours de la troisième guerre mondiale de 1987 (“ Les directives de Luton ”). Sont également évoqués les exploits sportifs d’Alan, ancien rugbyman de haut niveau (“ La planète Archanon ”) et “ la familia italiana ” de Verdeschi, en l’occurrence sa mère, fin cordon bleu, et son frère à l’humour tout aussi potache que celui de son cadet (“ Un message d’espoir ”). Tous ces éléments disparates, lâchés comme des cheveux sur la soupe en plein milieu des histoires, s’intègrent mal à la personnalité des protagonistes dont on ne savait, jusqu’alors, rien ou si peu et qui sont brusquement mis à nu par des révélations intimes des plus incongrues.
Les personnages épisodiques sont également bien dans la veine des bouleversements voulus par Freiberger tant ils sont, quasiment tous, plus folkloriques les uns que les autres. On songe évidemment à Taybor, le commerçant de l’espace haut en couleur et au bagou de baratineur de foire, qui est le personnage grotesque dans toute sa splendeur, tant dans sa tenue vestimentaire que dans sa façon de s’exprimer, ce qui fait de lui une illustration parfaite de l’esprit global de cette deuxième saison : loufoque et artificiel. Dans la catégorie frappadingues folkloriques, on peut également citer Brian, alias Marcel dans la version française, le robot monté sur roulettes de l’épisode “ Le cerveau ordinateur ” qui, derrière une façade ridicule, une voix insupportable et un humour des plus lourds, cache un véritable psychopathe qui soumet John et Helena à des jeux stupides soulignant, par là même, les relations mièvres que ces deux-là entretiennent désormais. Ce type de personnages totalement ridicules est une habitude dans cette deuxième saison et l’on peut, à ce titre, encore mentionner l’Alphan David Reilly, le Texan fanfaron et fantasque de “ Tout ce qui reluit ” ; Magus, le magicien mythomane qui se prend pour Dieu dans “ Une autre terre ” ; sans oublier (mais comment le pourrait-on ?) les monstres poilus poursuivant Maya et John dans “ Les directives de Luton ” et attaquant la base Alpha dans “ Le nuage qui tue ”, deux morceaux d’anthologie de cette deuxième saison sur lesquels nous reviendrons.
Taybor, Magus et le Texan Reilly
Outre les nombreux bouleversements opérés dans la distribution originelle, il convient également de relever les changements de costumes, les Alphans étant, désormais, tous dotés d’un petit gilet et occasionnellement d’un anorak aux couleurs criardes du plus mauvais goût, ce qui n’est rien comparé aux modifications qui ont défiguré les magnifiques décors initiaux de la série. Comme nous l’avons déjà souligné, les décors font partie intégrante du mythe Cosmos, des longs couloirs de la blanche Alpha au spacieux Poste Principal construit sur deux étages. Dans la deuxième saison, il ne reste plus rien de ces décors grandioses après le passage du cyclone Freiberger qui a fait passer les protagonistes de la lumière à l’obscurité. Exit donc le lumineux Poste principal : désormais les personnages évoluent dans le cadre sombre et exigu du Centre de commandement qui s’apparente plus à un fond de puits qu’au centre décisionnel d’une base lunaire digne de ce nom. L’habillage visuel de la série s’en trouve dès lors affecté et seules les séquences de sortie dans l’espace demeurent à la hauteur grâce aux effets spéciaux de Brian Johnson et aux éclairages de Franck Watts. Le reste n’est plus qu’un souvenir comme la superbe musique de Barry Gray, elle aussi, remplacée par un thème signé par Derek Wadsworth qui n’a ni le souffle épique ni la force émotionnelle de la partition de son prédécesseur. Un thème finalement bien à l’image de la deuxième saison : tonitruant mais sans originalité et inspiration.
Après les grands chambardements artistiques et esthétiques, place aux histoires types de cette deuxième saison qui ont donné matière aux fans de la première heure à être offusqués !
Le "Command Center" de la saison 2
Dès l’épisode d’ouverture, “ La métamorphose ” (mais “ La métamorphe ” en VO, pour désigner le personnage de Maya), le téléspectateur ne peut que constater le caractère insipide des histoires qu’entend nous proposer la suite des aventures cosmiques des Alphans. Certes, dans toute série, le bon côtoie le moins bon, sauf que dans cette nouvelle mouture de Cosmos 1999 le pire prend largement le pas sur le meilleur par des intrigues naïves, dépouillées de toute réflexion et traitées de manière convenue. Ainsi, dans l’épisode précité, la petite excursion des Alphans sur la planète Psychon, ponctuée par une musique délirante, est assez risible, sans oublier les réactions très surprenantes des personnages : le Dr Russell est au bord de la panique à chaque difficulté et le Commandant Koenig, totalement désemparé, apparaît incapable de prendre une décision rapidement. Il ne reste rien des héros de la première saison pleins de retenue et de sang froid, aptes à agir promptement face à des situations nécessitant autant d’intelligence que de courage.
"La métamorphose", saison 2, épisode 1
“ La métamorphe ” est cependant loin d’être l’épisode le plus mauvais de la deuxième saison. Ce sont incontestablement les trois histoires signées par Fred Freiberger himself, sous le pseudo de Charles Woodgrove, qui décrochent la palme de la médiocrité. Ses scénarii ont, en effet, donné lieu aux trois pires épisodes jamais réalisés pour une série télé : “ Les directives de Luton ”, “ Déformation spatiale ” et “ Le nuage qui tue ” que j’ai, pour ma part, surnommés “ la trilogie de la nullité ”. De mémoire de sériphile, il m’a, en effet, rarement été donné l’occasion de voir des histoires aussi ridicules à la limite de la débilité, ce qui en dit long sur la bien piètre opinion que Freiberger avait du téléspectateur qu’il devait considérer comme un parfait idiot. Mais jugez-en plutôt…
Dans “ Les directives de Luton ”, Maya et John Koenig explorent une planète inhabitée mais à l’abondante végétation. Lorsque Maya cueille une fleur, des voix courroucées se font entendre, celles des juges de Lutons, qui l’accusent d’être une meurtrière. Pour expier le crime d’avoir tué une vie végétale, Maya et John sont alors condamnés par les voix à un combat mortel avec trois visiteurs de l’espace, considérés eux aussi comme des meurtriers selon les Lois de Luton, et qui ne sont autre que des monstres poilus. S’engage alors une course-poursuite, entre les deux Alphans et les créatures pileuses, qui donne vraiment l’impression au téléspectateur que les personnages tournent en rond dans la campagne Anglaise, l’épisode ayant été tourné en décors naturels. On ne peut que sourire devant un tel spectacle tant il vaut son pesant de cacahuètes : imaginez un peu le Commandant Koenig, blessé à l’épaule, pouvant à peine se traîner d’un point à un autre, affronter ses poursuivants avec, comme seule arme, une fronde concoctée par ses soins avec deux bouts de tissu, de surcroît pour sauver une Maya transformée en faucon, captive de l’un des repoussants poilus ! Le seul moment un tant soit peu digne d’intérêt dans ce tableau grotesque est celui où John évoque le décès de sa femme dans la sauvagerie de la troisième guerre mondiale de 1987. Le reste de l’épisode n’est qu’une grosse farce :après avoir couru dans tous les sens pendant les trois quarts de l’histoire, John parvient à terrasser chacune des créatures, dont la dernière avec son arme du Moyen Âge. Ayant ainsi gagné leur combat, Maya et Koenig sont libres de partir à bord de l’Aigle piloté Tony Verdeschi, venu à la rescousse. Les fans de la première heure qui pensaient que la série avait touché le fond avec cet épisode, n’étaient pas au bout de leurs surprises : il y avait bien pire encore, et si la nullité pouvait être mesurée, c’est “ Le nuage qui tue ” qui tiendrait la première place sur l’échelle de la médiocrité.
Sur le tournage de "Les directives de Luton"
Dans cet épisode, les Alphans sont, un à un, pris de malaises tandis qu’un étrange nuage émet des particules au-dessus de la base lunaire. Aigle 6, qui était parti en mission d’exploration de ce nuage, revient sur Alpha. A son bord, point de pilote, mais un monstre poilu qui parvient à s’introduire dans la base. Pendant que Helena, John et Alan sont à leur tour pris de malaises les immobilisant au Centre médical, Maya, Tony et Bill Fraser s’emploient à trouver une solution pour mettre hors d’état de nuire le géant poilu. Cet épisode est, sans nul doute, le plus catastrophique de la deuxième saison par son intrigue grotesque de monstre quasi invincible traqué par les Alphans, une nouvelle fois, armés uniquement de dispositifs artisanaux, comme cette barrière électrique concoctée en hâte par Sandra et Bill avec des câbles et des pinces crocodiles pour électrocuter l’envahisseur poilu ! Freiberger nous refait donc le coup des “ Directives de Luton ” avec des héros dotés de moyens de défense dignes du Moyen Âge (décidément une constante dans ses scénarii) contre un ennemi poilu après lequel il courent dans un espace délimité où ils tournent en rond, donnant ainsi le tournis au téléspectateur ! On comprend, dès lors, pourquoi Barbara Bain et Martin Landau sont quasiment absent de cet épisode, peu désireux, sans doute, de s’y commettre tant ils avaient détesté ce scénario qu’ils avaient d’ailleurs tenté, à plusieurs reprises, de faire modifier, en vain. Faire renoncer Freiberger à ses idées saugrenues était, semble-t-il, mission impossible même pour deux anciens agents de l’IMF !
Ainsi le producteur a-t-il remis le couvert avec les monstres poilus dans “ Déformation spatiale ”, un autre grand cru de la cuvée Woodgrove. Dans cet épisode, Maya, prise d’une forte fièvre, se transforme en toutes sortes de créatures qui vont semer le désordre sur Alpha. Une nouvelle fois, les Alphans se mobilisent pour tenter de maîtriser les divers monstres à la pilosité exacerbée auxquelles Maya a donné vie bien malgré elle. La scène d’anthologie de l’épisode est incontestablement celle où Helena et Alan engagent, à bord d’un véhicule lunaire, une course-poursuite avec Maya “ le monstre ”, à l’extérieur de la base, pour tenter de la capturer. Cette chevauché à travers le désert lunaire, qui s’achève sur une belle bagarre entre lesdits personnages, au ralenti et sur une musique psychédélique, est à mourir de rire.
Cet épisode est cependant à mettre en marge des deux précédents car tout n’est pas à jeter dans ce scénario brouillon. Tout d’abord, en marge de l’intrigue principale grotesque avec les monstres poilus, il existe une intrigue secondaire qui ne manque pas d’intérêt même si son traitement laisse à désirer. Pendant que tout Alpha est aux prises avec les transformations de Maya, John et Tony, en mission de reconnaissance, ont perdu la position de la lune au moment où celle-ci s’est engouffrée dans un corridor spatial. Pour y pénétrer à leur tour, il leur faut en trouver les coordonnées. Après avoir erré un temps, ils trouvent sur leur route un vaisseau abandonné auquel ils s’arriment, une scène qui renvoie incontestablement à la séquence où Tony Cellini et son équipage prennent également pied sur un vaisseau à l’abandon dans “ Le domaine du dragon ”. John et Tony explorent alors l’intérieur de l’engin spatial et découvrent un message en forme de testament, enregistré par le dernier des membres de l’équipage avant de mourir, qui leur apprend que, lui aussi, cherchait l’entrée du corridor spatial dont il a calculé les coordonnées qu’il lègue à tous ceux qui, comme lui, seront égarés dans l’espace . Le legs d’une civilisation à une autre avant qu’elle ne s’éteigne n’est pas sans rappeler le thème du “ Testament d’Arcadie ”. Ce clin d’œil à la première saison confère un intérêt indéniable à cette intrigue secondaire qui aurait vraiment mérité d’être développée dans un épisode à part entière au lieu d’être adjointe à une histoire ridicule de monstres poilus.
En outre, cet épisode nous offre une série de séquences d’action qui nous permettent de découvrir en détail les sous-sols de la base, de la plate-forme d’embarquement aux hangars spacieux où sont parqués les Aigles. Les effets spéciaux de Brian Johnson alliés aux éclairages impeccables de Franck Watts font de ces scènes, visuellement impressionnantes, des grands moments de l’épisode.
Rabelais écrivait qu’il convenait de dépasser l’aspect ridicule d’une chose et de rechercher sa “ substantifique moelle ” pour percer sa véritable nature et “ découvrir ainsi des richesses insoupçonnées ”. “ Déformation spatiale ” en est un parfait exemple : comme nous venons de le voir, derrière une histoire grotesque, se cachaient des éléments intéressants qu’il convenait de mettre en lumière. Il en est de même de l’ensemble de la deuxième saison : si globalement elle apparaît de qualité très moyenne, elle contient cependant quelques épisodes qui, de par leurs thèmes et leur ton très proche de la première saison, méritent que l’on s’y intéresse. Alors partons à la découverte de “ la substantifique moelle ” de la deuxième saison, et peut-être y découvrirons-nous des “ richesses insoupçonnées ”.