Le héros éternel

 

par Brigitte Maroillat

publié dans Arrêt sur Séries n° 19 (décembre 2004)

 

préambule - épisode 1 - épisode 2 - épisode 3

 

 

« Je fais de l’escrime pour faire comme Zorro » déclarait avec fierté un petit bonhomme de cinq ans, sous le regard attentif de la championne Laura Flessel, dans un documentaire sur la pratique du sport par les jeunes enfants, diffusé en septembre 2003 par France 5. Cet aveu spontané devant les caméras montre à quel point Zorro est un héros qui a traversé le temps et exerce sur les petits mômes d’aujourd’hui la même fascination qu’il exerçait jadis sur nous.

 

Zorro est un personnage de légende qui n’appartient pas uniquement à l’histoire de la télévision mais également à l’univers littéraire et cinématographique. Le mythe du justicier masqué a, en effet, connu plusieurs vies toutes menées avec succès. D’abord héros de pulp magazines sous la plume du jeune écrivain Johnston Mc Culley en 1919, il devient rapidement, dès 1920, un héros du grand écran de l’âge d’or du cinéma muet à l’initiative du très créatif Douglas Fairbanks Sr, interprète et scénariste du film Le signe de Zorro, qui inaugure ainsi, sous les meilleurs auspices, la carrière cinématographique du Renard, une carrière prolifique qui se poursuivra avec le remake de Rouben Mamoulian en 1940, avec Tyrone Power, et jusqu’au récent Masque de Zorro de Martin Campbell, avec Antonio Banderas et le toujours excellent Anthony Hopkins.

 

En 1957, Zorro devient un héros du petit écran : de coloration westernienne due à l’influence des séries de son époque (Daniel Boone, Kit Carson et Davy Crockett), l’œuvre des Studios Disney est la référence du genre, celle qui a marqué la mémoire des téléspectateurs, toutes générations confondues, à un tel point d’ailleurs que la campagne de publicité faite autour de la sortie vidéo de la série en 1996, bien consciente de ce phénomène, désignait le Zorro de Disney comme « l’authentique vengeur masqué », comme s’il n’y avait jamais eu qu’un Zorro dans l’inconscient collectif, celui incarné par Guy Williams. Une popularité renouvelée auprès des jeunes générations, comme le prouvent les paroles du petit bout de chou escrimeur citées en introduction, grâce à la version colorisée de la série que M6 rediffuse régulièrement à des horaires (en l’occurrence le samedi après-midi) où nos chères têtes blondes sont devant la télévision.

 

Nul ne peut, en effet, contester qu’en 94 ans d’existence du personnage c’est surtout le Zorro héros de la série Disney qui a le plus touché, ému et amusé la majorité d’entre nous. Nous avons tous des souvenirs d’enfance ou d’adolescence liés à cette œuvre dévorée le mercredi en fin d’après-midi, ou le samedi soir pour ceux de ma génération qui l’ont redécouverte dans les années 80, grâce au Disney Channel de FR3.

 

Si la série de Disney est si populaire, c’est qu’elle a aidé chacun d’entre nous à grandir, Zorro n’étant ni plus ni moins qu’une métaphore du passage de l’enfance à l’âge adulte. En effet, fraîchement débarqué d’Espagne, où il menait la vie insouciante d’un étudiant de classe aisée, Don Diego De la Vega, au fur et à mesure qu’il découvre le quotidien des Californiens sous le joug de petits tyrans, réalise quelles sont les charges de sa responsabilité envers son peuple. Il mûrit au fil des épisodes mais n’en perd pas pour autant son côté espiègle qui fait de chacune de ses sorties nocturnes un jeu, celui du chat et de la souris, rythmé par des courses-poursuites et des affrontements physiques donnant lieu à des scènes de pur burlesque à l’issue desquelles Zorro, triomphant, nargue ses ennemis dans un grand éclat de rire, sur le dos de son fidèle destrier Tornado qui se cabre majestueusement dans la lumière de la lune filtrant à travers les nuages d’une nuit orageuse.

 

Autant d’éléments ayant contribué au mythe de la série Disney qui n’auraient pas vu le jour si, un beau matin du 12 mai 1920, la grande star du cinéma muet, Douglas Fairbanks Sr, n’avait pas été séduite par l’histoire écrite par un certain Johnston Mc Culley, publiée dans un pulp magazine à trois francs six sous, au point de vouloir la porter à l’écran, donnant ainsi naissance sans le savoir à une légende, celle du Señor Zorro, qui continue plus que jamais aujourd’hui à fasciner les téléspectateurs des quatre coins du monde.

 

Le dossier de Brigitte Maroillat : 

1. Le triomphe de la série des studios Disney

2. Une première saison de légende

3. Une deuxième saison contrastée

 

Tag(s) : #Dossiers, #Dossiers 1950s
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