Article de Thierry Le Peut
publié dans Arrêt sur Séries n° 22
Sommaire :
Rick Hunter, héros ou psycho ?
Dee Dee McCall : la force de résister
Evolution d'une série non-évolutive : Hunter d'une saison à l'autre
Quand on a pour partenaire un molosse comme Hunter, qu’en plus celui-ci donne son nom à la série dans laquelle on évolue soi-même et qu’on est une femme au milieu des années 80, il faut avoir le cœur… et le flingue bien accrochés pour tirer son épingle du jeu et ne pas se contenter de jouer les utilités. C’est pourtant bien l’exploit que réalise Dee Dee McCall dans Hunter, une série dévouée à son héros masculin mais où l’élément féminin a une importance telle que le départ de la comédienne en fin de sixième saison sonna le glas d’un show qui ne lui survécut qu’un an.
« Le personnage de Dee Dee McCall était aussi important dans les scénarios que celui de Rick Hunter », déclarait Stephen J. Cannell à Didier Liardet 1. « C’était très difficile à cette époque de pouvoir créer une série avec un personnage féminin principal qui soit l’égal du personnage masculin. Je n’avais jamais pu le faire auparavant, aussi le personnage de Dee Dee McCall fut ma réponse à cela. Je pense que le couple formé à l’écran par Fred Dryer et Stepfanie Kramer était épatant ». Le producteur avait peut-être en mémoire les déboires de la comédienne Melinda Culea sur le tournage d’Agence Tous Risques en 1983 : elle eut tant de mal à s’intégrer à une équipe essentiellement masculine qu’elle finit par disparaître de la distribution au profit d’une remplaçante beaucoup plus effacée puis de personnages féminins épisodiques destinés à mettre en valeur les héros et à donner une vitrine de charme à la série. De même, dans Supercopter, chez Donald Bellisario, le personnage de Caitlin ne parvint jamais à s’intégrer et resta secondaire.
D’emblée, Dee Dee McCall joue la provocation en apparaissant dans le téléfilm pilote de Hunter sous les atours d’une prostituée : moulée dans une jupe sexy, maquillée avec luxe et montée sur des talons aiguilles, elle tient la barre face à un Hunter impressionnant de carrure et de présence, ne lui permettant pas de voler « sa » scène, en dépit de son petit mètre soixante. Souvenir de l’actrice à l’évocation de ce tournage : « Je mesure 1m60 et Rick 1m98 ! Je suis obligée de porter des talons hauts. Si vous croyez que c’est facile de courir dans une ruelle après un criminel avec des talons de dix centimètres ! » Et l’actrice d’ajouter : « Ce qui me séduisait particulièrement, c’était que le personnage féminin avait autant d’importance que le masculin. En plus, le rôle de Dee Dee offrait de nombreuses possibilités. »2 Cette donne initiale sera toujours conservée dans la série ; il n’est pas tout à fait exact de prétendre que McCall a autant d’importance que son acolyte mais elle n’est jamais réduite à l’état de potiche, reléguée au second plan des cadres ou des intrigues. Signe de cette volonté manifeste des producteurs, le deuxième épisode de la série, « Un contrat difficile », lui est consacré et c’est Hunter qui reste (presque) sur la touche pour lui céder la place. Par la suite, la comédienne obtient le droit d’exploiter dans la série son talent de chanteuse, lors de plusieurs épisodes où elle enquête sous couverture, ainsi que ses origines indiennes, en participant à l’écriture de l’épisode « Le retour de l’Indien » (5.22). Comme Fred Dryer, elle obtient aussi de réaliser quelques épisodes. C’est finalement l’usure du rôle, son désir d’avoir une vie conjugale et la volonté de faire également une carrière musicale qui poussent Stepfanie Kramer à abandonner la série, où ses remplaçantes (deux en une saison) ne parviendront pas à la faire oublier.
Côté coulisses, les relations entre Fred Dryer et sa partenaire ont toujours été montrées comme très professionnelles. L’ancien footballeur se souvient volontiers d’une anecdote relative aux débuts de la série : « Nous ne connaissions encore rien l’un de l’autre. En attendant que le réalisateur crie ‘Action !’, je lui ai glissé : ‘Vous êtes très jolie.’ Elle m’a fusillé du regard : ‘Je n’ai pas l’intention de coucher avec vous !’ Nous nous sommes regardés. Elle a commencé à rire. J’ai ri aussi. »3 Anecdote significative d’une relation « à armes égales » qui sera toujours l’image véhiculée par les comédiens et la production ; d’aucuns diront même que, sur le plateau, Miss Kramer fait preuve d’autant de caractère que « Monsieur » Dryer, n’hésitant pas à contester un scénario qui malmène son personnage et ne lui paraît pas approprié. Une fois établies les bases de leur relation, les deux acteurs ont appris même à improviser certaines de leurs scènes, comptant sur leur alchimie naturelle pour restituer à l’écran celle qui unit leurs personnages : « Sou-vent, il nous arrive de jeter un coup d’œil au scénario, de nous regarder et de dire au réalisateur : ‘On va se débrouiller !’. »3 Le résultat est patent à l’écran : Dee Dee McCall et Rick Hunter s’entendent comme larrons en foire, partageant le même sens de l’humour, le même langage et la même attitude affirmés, la même manière d’aborder leur travail en dépit de fausses querelles sur la banquette avant de leurs voitures successives – toutes des épaves, eu égard à l’habitude de Hunter de ramener ses voitures en plusieurs morceaux au garage de la police. Sur le plateau, Miss Kramer semble même être la seule à pouvoir « me botter le c… », avoue alors Fred Dryer, qui a tendance à se comporter en grand maître sur le tournage, prenant très à cœur la qualité de la série et irritant parfois un entourage trop prudent pour le remettre à sa place.
Il était naturel, comme dans tous les show fondés sur un couple mixte, de songer à mettre dans le même lit ces deux oiseaux. Mais quand la question leur fut posée de savoir s’ils verraient un inconvénient à rapprocher leurs personnages, les deux comédiens optèrent pour le report de cette possibilité… aux calendes grecques. Si les scénaristes jouent évidemment sur la tension sexuelle entre les personnages, allant jusqu’à les faire s’embrasser (amicalement), s’enlacer (affectueusement), se disputer (comme un vieux couple, évidemment !) et même partager le même lit (parce qu’il n’y en a qu’un à disposition !), ce sera toujours en tout bien tout honneur. Un statu quo qui faisait l’affaire des acteurs et parut jusqu’au bout préférable à la tentation de leur faire franchir le pas. A tout prendre, cette prudence se révèle payante pour Dee Dee McCall qui demeure une femme indépendante, à laquelle s’offrent plusieurs affaires de cœur mais qui ne succombe jamais au charme d’un partenaire qui est et reste un excellent ami. « A priori, nous étions d’accord [pour que nos personnages deviennent amants] mais nous en sommes venus à nous demander : ‘Comment va se passer cette scène où nous nous embrassons passionnément ?’ Et nous avions tous deux le sentiment que cela poserait un problème. Depuis lors, on n’en a plus jamais parlé. »4 « Nous sommes amis », explique Hunter dans « En attendant M. Wrong » (2.10). « Elle s’occupe de moi, je veille sur elle et c’est très bien comme ça. Je ne veux pas courir le risque de gâcher cette amitié. »
Dee Dee McCall est femme-flic et femme de flic : son mari, Steve McCall, a été tué cinq ans plus tôt. Dans le téléfilm pilote, sa veuve précise qu’il a été abattu par des fêtards qu’il avait arrêtés ; dans « Requiem pour le Sergent McCall » (3.14), en revanche, les circonstances détaillées de sa mort s’éloignent de cette première version : cette fois, Steve McCall a été assassiné par un homme qu’on l’accusait d’avoir harcelé, et il est mort en disgrâce. Aujourd’hui, Dee Dee s’oppose, en vain, à la remise en liberté de son meurtrier. Cet élément essentiel du passé de McCall est plusieurs fois mentionné dans le cours de la série, notamment lorsque Dee Dee essaie de réconforter une autre veuve de policier dans « De sacrés partenaires » (5.9). « Requiem pour le Sergent McCall » nous révèle que c’est Hunter qui apprit à la jeune femme la mort de son mari – une entorse aux bases du pilote puisque Hunter n’y est pas censé connaître McCall, qu’il choisit pour partenaire sur une impression et non sur la base d’une amitié déjà existante. De même l’année du décès de Steve McCall confirme que les scénaristes ne sont pas en tout point fidèles à une « bible » : la date inscrite sur sa pierre tombale dans « Le tireur » (1.10) est 1979 mais Dee Dee déclare qu’il est mort six ans plus tôt dans « De sacrés partenaires », diffusé en 1988. Plus que l’exactitude de l’événement, c’est donc ce qu’il signifie pour McCall qui est important dans la série : elle a donné une part importante de sa vie à la police et a souffert dans son cœur autant que dans sa chair pour ce métier, auquel elle est maintenant mariée, comme l’est d’ailleurs son partenaire.
Le pilote nous apprend par ailleurs que McCall a « environ vingt-six ans » mais il faut attendre d’autres épisodes pour saisir, au gré des dialogues, de menues révélations quant aux événements de son passé. Elle évoque par exemple, dans « Le mégotier » (1.19), « un vieux flic avec lequel j’ai travaillé après être sortie de l’école de police. Il me disait tout le temps qu’un honnête citoyen c’est un mec qui s’est pas encore fait gauler. » Notez au passage le langage châtié de la jeune femme, qui sait se tenir et porter des tenues de soirée (elle arrive sur les lieux d’un crime en robe de soirée dans « L’amour fraternel », 6.10, en disant qu’elle était à l’Opéra avec sa mère qui s’est endormie devant Don Giovanni !) mais qui ne se lave pas la bouche après avoir prononcé une grossièreté – ce qu’elle fait couramment dans l’exercice de son travail comme dans sa vie privée. Ce franc-parler la rapproche plus encore de Hunter ! Dans « Une profession honorable », la detective se confie davantage, voulant expliquer au père d’une femme flic tuée en service qu’être policier est une noble responsabilité : « Mon père lui non plus n’était pas tout à fait d’accord », dit-elle en évoquant un homme qu’on ne verra jamais dans la série. « Pour lui, être flic c’était nul. En général, il le manifestait de façon violente. Ce qui le gênait, c’est qu’il ne comprenait pas du tout mon choix. Mais pour moi, un jour, ça a été comme un éclair ; je me suis souvenue qu’une belle chose s’était produite quand j’étais encore enfant. J’avais vu un officier de policier qui était allé jusqu’à risquer sa vie pour essayer d’empêcher une femme de mettre en danger la sienne. Ce que j’avais vu était incroyable. En fait, c’était la première fois que je voyais un acte courageux et désintéressé. Et je crois bien que c’est à ce moment-là que j’ai compris : j’avais trouvé ma voie, servir. Dans cette idée, ce que j’aime bien, c’est qu’on vient en aide aux plus démunis. C’est ça, le boulot des flics. Dieu seul sait qu’on ne rigole pas toujours, mais aujourd’hui je suis sûre que, s’il ne dit rien, mon père est fier de sa fille. »5
Si l’on fait le point, on constate que le rapport de McCall à son boulot est complexe. Désapprouvé par son père, le métier lui a aussi coûté son époux ; pourtant elle continue de sillonner les rues et d’arpenter les trottoirs, affligée du syndrome du boy-scout et flanquée de son collègue de près de deux mètres. Mais la fatigue du personnage apparaît de loin en loin, au hasard d’une réplique – « J’en ai un peu marre, moi, de jeter au vent des tas d’ordures et de les recevoir en pleine figure » (« Domaine dangereux », 1.3) – ou de confidences plus généreuses : « Je me suis plantée, moi, dans ma vie. Je suis encore jeune, on m’a bien éduquée, je suis pas trop moche à regarder, enfin je crois, et je passe mes journées entières dans cet enfer à fricotter avec le bas de gamme des coins de rue, les arnaqueurs en tout genre, les allumés de la tête ! J’ai le blues, moi, à force de voir ces quartiers-là ! » (« Amour, haine et sport », 3.8) Alors on peut se demander : mais qu’est-ce qui fait courir McCall ? Qu’est-ce donc qui la retient dans ce métier alors qu’elle est dotée d’une plastique enviable, d’un bon caractère et d’un appétit de vivre sans cesse contrarié par son travail ? Une réponse tient dans son rapport avec Hunter : « Si tu quittes la boîte, moi aussi », lui dit-elle dans « Le roi des voleurs » (2.16). Et nous revoilà au beau milieu de cette amitié « particulière », aussi encombrante qu’elle est profonde.
Mais une autre réponse se niche dans les moments d’intimité d’un certain nombre d’épisodes et dans les confidences suscitées parfois par un trop-plein de drame. McCall est en attente d’un événement qui la convaincra de changer sa vie : il arrive qu’elle soit à deux doigts de prendre la décision ultime, qui au fond lui rendrait sa liberté de femme. Mais tant que Stepfanie Kramer l’actrice n’a pas décidé de rendre son tablier, Dee Dee McCall l’enquêtrice ne peut rendre son badge. Ce qui ne l’empêche pas d’admettre à plusieurs reprises ce qui la tourmente en secret et qu’elle ne confie guère qu’à son partenaire. « Tu le savais, qu’un enfant c’était très important pour moi », lui dit-elle dans « Un enfant est né » (3.19), où le sort d’un bébé abandonné la touche tant qu’elle est prête à cesser de travailler pour s’occuper de lui, si la Justice lui en accorde la tutelle. Un an plus tôt, au hasard d’une longue planque dans « La chute » (2.9), elle confiait déjà : « Un de ces jours, il faudra bien que je dépose les armes, si je décide d’avoir des enfants. […] Je voudrais me remarier. J’aimerais tellement avoir des enfants un jour ; ce sera pas un flic, cette fois. J’aurais trop peur de le perdre comme j’ai perdu Steve. »
On a donc raison, comme le fait Jacques Baudou (voir encadré au début de "Evolution d'une série non-évolutive"), de noter que la relation entre les deux partenaires n’a guère évolué ; d’emblée, leur entente et leur amitié est une évidence, et elle sera simplement rappelée au fil des années, à mesure que les événements vécus ensemble donneront de la consistance à cette proximité de longue durée. Mais les protagonistes ne sont pas pour autant totalement transparents ; leur relation permet de suggérer la profondeur que les scénarios évitent très souvent d’explorer mais qu’ils soulignent de confidence en confidence. McCall possède à la fois la « virilité » nécessaire au partenaire d’une pointure comme Hunter et la fragilité par laquelle les scénaristes rappellent sa féminité, en lui offrant des lignes narratives qui lui sont propres.
On a attendu la fin de ce portrait pour mentionner justement une décision qui affecte le personnage de manière durable dès la deuxième saison. D’un point de vue scénaristique, McCall partage cette épreuve avec un certain nombre de personnages féminins de l’écran et son exemple n’est nullement un cas d’école. Mais d’un point de vue interne à la fiction, si l’on se place donc dans la perspective de la femme Dee Dee et non dans celle du personnage de fiction manipulé par les scénaristes, « Viol et vengeance » (2.6 et 2.7) aura des répercussions sur la vie future de McCall et sera régulièrement évoqué dans la série. La detective y est agressée par un homme protégé par l’immunité diplomatique, que Hunter traquera jusqu’au Mexique et dont le frère ensuite cherchera à venger la mort dans un épisode de la troisième saison (voir le commentaire de « Pleine lune à Los Angeles » dans "Flic ou justicier ?" ). A la continuité d’intrigue s’ajoute le souci d’évoquer cet événement dans des dialogues ultérieurs, qui soulignent discrètement la mémoire de la série alors même que celle-ci conserve le cloisonnement rigoureux des histoires comme une composante essentielle. Femme forte devenue victime de la violence bestiale, McCall trouve dans cette épreuve l’un de ses moments forts et une sorte de caution lorsque, dans « Moment fatal » (3.17), une autre victime lui demande de l’aider non parce qu’elle est flic mais parce qu’elle sait ce qu’elle a vécu ; dans cet épisode, Theresa Saldana, qui joue la femme victime d’une agression sauvage par un psychopathe, et qui fut elle-même victime d’une agression, évoque l’Association pour les Droits des Victimes et la volonté de faire passer une loi en faveur de celles-ci. L’épreuve de McCall ne reste pas, ainsi, un effet de scénario mais ouvre à une prise en compte d’un problème de société qui dépasse la fiction.
Au-delà des intrigues et des opportunités, c’est le jeu de Stepfanie Kramer qui confère à Dee Dee McCall la présence indispensable pour faire le poids devant Rick Hunter. Il y a bien des épisodes où McCall ne fait ni ne vit rien de bien particulier ; mais c’est aussi le cas de son partenaire. L’un et l’autre réagissent à l’action plus qu’ils ne cherchent à « exister » en tant que personnalités. Autant certains refusent de voir dans les couples masculins la connotation homosexuelle que d’autres s’empressent d’y relever (Starsky et Hutch, Curtis + Moore, etc.), autant la relation de Hunter et McCall sonne comme le rappel d’une vérité très ancienne : l’amitié entre un homme et une femme est possible, même si elle est hasardeuse et rare. « Tous les mecs qui ont bossé avec moi ont essayé de me draguer », note McCall dans le pilote. « A part vous. A première vue, vous êtes différent, Hunter. » Quant à elle-même, c’est aussi une réplique du pilote qui pourrait la résumer et qui nous offre pour cette page le mot de la fin : « C’est pas parce qu’on est une flicarde que ça empêche d’être une femme. » Voilà une vraie profession de foi.
la suite :
Evolution d'une série non-évolutive : Hunter d'une saison à l'autre
Notes
1. Didier LIARDET, Les Têtes Brûlées : les Corsaires du Pacifique, « Télévision en séries », Yris, 2001, p.87.
2. « Stepfanie Kramer : belle, riche… et célibataire ! », Paul WALLACE in Ciné Télé Revue « Spécial TV » 8941 H, octobre 1989, p. 40.
3. « Stepfanie Kramer et Fred Dryer : les secrets de leur couple », Joan MacTREVOR in Ciné Télé Revue 8945, 9 novembre 1989, p. 6-8.
4. « Stepfanie Kramer et Fred Dryer : les secrets de leur couple », art. cit. Le souci de vérité nous force toutefois à exhorter le lecteur à revoir « Romance inachevée » (6.15), dans lequel il apprendra qu’il n’est pas tout à fait vrai qu’on n’en ait jamais reparlé, puisqu’il découvrira un secret tu durant trois années… Hunter et McCall, c’est déjà Mulder et Scully !
5. Il est utile de préciser que cette tirade trouve sa place dans un épisode à la gloire du métier de policier, éclairant un aspect de la série sur lequel nous revenons plus loin.