Clément Michu :

le compagnon de Thierry et le partenaire du Commissaire Moulin évoque sa carrière

 

Clément Michu en 2006 (photo Gérard Gouéry)

 

Clément Michu n’est pas une star. Et pourtant, beaucoup d’entre vous connaissent son visage, et son nom.  Les plus jeunes, pour l’avoir vu, peut-être, dans MR 73   d’Olivier Marchal en 2008. Les autres, sûrement, pour l’avoir connu en assistant d’Yves Rénier dans d’innombrables Commissaire Moulin  entre 1979 et 2006. Ce bon vieux Guyomard, « Guyo » pour son pote Moulin, et jadis l’inspecteur Galland, dans le Moulin  première mouture, c’est lui.  Mais aussi Les faucheurs de marguerites, Mon ami Gaylord, Espionne et tais-toi   dans les années 1980, et bien sûr… Martin dans Thierry la Fronde, entre 1963 et 1966 ! Habitué aux rôles d’ahuri ( c’est lui qui le dit ), de bon enfant et bon copain, il a promené sa bouille sympatoche dans Les aventures de Rabbi Jacob, La Folie des grandeurs, Les pétroleuses  aussi bien que Le mari de l’ambassadeur. Gérard Gouéry l’a rencontré pour s’entretenir de sa carrière, de la télé, du théâtre, du cinéma…

 

Entretien réalisé par Gérard Gouéry en décembre 2006.

GG : Gérard Gouéry. CM : Clément Michu.

première publication dans Arrêt sur Séries n° 32 (automne 2008)

Gérard Gouéry a été photographe, vidéaste (captation de spectacles) et producteur, ce qui lui a permis de rencontrer Clément Michu.

 

GG -  Clément, tu es de la région lyonnaise.

CM -  Je suis né en effet à Villeurbanne en 36.

 

GG – Que faisaient tes parents ?

CM – Mon père était menuisier ébéniste – sur les planches lui aussi !!! - et ma mère corsetière.

 

GG – A l'école, ça allait bien ?

CM – Moyen ! Je me faisais virer de partout, je faisais le con, racontais des blagues, des films ; j'ai fini avec un CAP par protection !!!

 

GG -  Ton métier de comédien, tu l'as commencé dans ta région ?

CM – Oui. J'étais plutôt fantaisiste, humoriste, comme on disait à l'époque. J'avais un tour d'histoires, monologues, de chansonnettes, quelques imitations de Fernandel, Bourvil. Tous les samedi soir j'allais autour de Lyon, à Saint Etienne, en Savoie, à Grenoble. Je travaillais en plus de mon métier dans la chaussure, chez Bailly, les chaussures Bailly. On me disit « Tu devrais monter à Paris. » Et un jour, j'y suis monté.

 

GG – Tu avais quel âge ?

CM – C'était après mon régiment, j'avais 23 - 24 ans.

 

GG – Tu as suivi des cours à Paris ?

CM – J'ai été chez Simon – 3 ans – sorti  « Prix François Périer ». C'est intéressant, les prix, tu vois, ça sert pas à grand-chose. On les a au mois de juin, on est content comme tout, tu vois les metteurs en scène, les journalistes qui sont dans le jury et quand tu reviens au mois de septembre, tout le monde t'a oublié. Tu cherches, tu tapes aux portes, tires les sonnettes, quoi.

 

GG – C'est là que tu as pris le nom de Clément Michu ?

CM – Clément Michu, c'est avec mon tour d'histoires que j'ai auditionné aux 3 Baudets que tenait Jacques Canetti, le directeur des 3 Baudets et des Disques Phillips. A l'époque, il y avait Lamoureux, Serge Gainsbourg, Brassens, chez lui. J'ai fait l'audition aux 3 Baudets. Il m'a dit que c'était intéressant, qu'il fallait que je trouve des textes qui s'apparentent à ma nature et un pseudonyme. « Votre nom, c'est René Chapuit. Bon c'est pas très original. Vous êtes né où ? – Villeurbanne. – Dans quelle rue ? – Clément Michut. – C'est très marrant, Clément Michut. On va enlever le t à la fin de Michut. » Clément Michut était un ancien conseiller municipal de Villeurbanne. En enlevant le t il n'y aurait pas de problèmes avec la famille. Le nom fait balzacien, l'affaire Michu, la petite Michu. C'est un peu ahuri comme ça, Michu, le paysan qui arrive à Paris, un peu paumé. Il m'a dit « Clément Michu, ça te va très bien ». J'ai démarré comme ça avec Clément Michu. J'ai continué à raconter des histoires dans les cinémas à Paris pour gagner ma croûte et la journée j'allais aux cours Simon. Simon que j'ai d'ailleurs rencontré à la Brasserie Daumesnil à Montparnasse un soir. C'est là qu'il m'a dit que je pouvais aller chez lui. 

 

GG – Tu faisais ton numéro, mais à l'époque, pensais-tu au théâtre, au cinéma ?

CM – Non, je ne pensais qu'à mon tour. J'aurais aimé être une vedette de music-hall, raconter des histoires comme Fernand Raynaud. C'était ça mon truc, mais je n'avais pas le matériel. Je racontais des histoires de tout le monde. J'avais quinze vingt petites blagues, monologues que racontaient Bourvil et autres. Je faisais une demi-heure. Je faisais un quart d'heure dans les cinémas et une demi-heure le soir dans les cabarets.

 

GG – Tu changeais de cabaret comme à l'époque ?

CM – Voilà. A 22 heures, je passais à l'entracte dans les cinémas à Asnières, au Cocorico de Malakoff, un peu partout et à minuit je faisais les boîtes. J'étais pas très Rive Gauche, j'avais un tour plutôt populaire. Je faisais surtout Montparnasse, les concerts Pacra, Bd Beaumarchais. Ça vieillit vachement, quand on dit ça. L'endroit où ont travaillé Maurice Chevalier, Trenet. Je levais le torchon, comme on dit, en lever de rideau. J'ai gagné ma vie avec ça, j'ai pu aller chez Simon, travailler pendant 3 ans. Je suis sorti du cours avec mon prix et puis j'ai attendu un peu, puis j'ai commencé au théâtre Gramont avec René Dupuy, le directeur du théâtre, qui avait monté une compagnie. Et là on a fait quelques revues dans son théâtre qui n'existe plus maintenant.

 

GG – Il était où, ce théâtre ?

CM – Rue Gramont, sur les Grands Boulevards à Bonne Nouvelle. C'est là qu'a été monté Irma la Douce avec Colette Renard, et moi j'ai fait la tournée. Je ne l'ai pas joué au Gramont. Je suis parti en tournée avec Guy Pierrault et d'autres qui jouaient à l'époque et bien sûr avec Colette Renard.

 

GG  -  C'est ton premier truc ?

CM – C'est mon premier truc important. Avant, j'avais fait de la figuration dans Périclès de Shakespeare que Dupuy avait monté à l'Ambigu, théâtre qui était place de la République où avait débuté dans le temps le mime Marceau. Dans la pièce, on faisait plusieurs personnages. J'avais une phrase d'un laquais dans un tournoi de joute, tournoi avec les marionnettes de Georges Tournayre qui jouaient dedans. Périclès était joué par Bruno Cremer. Il y avait aussi Charles Denner, Jean-François Poron, Sady Rebbot. C'était du beau monde.  Et je disais à un moment donné : « Vous avez vu, son armure est toute rouillée… » J'avais toute une réplique comme ça.  Moi, je m'emmerdais tous les soirs. Un soir je l'ai dite avec la voix de Michel Simon  (il fait une imitation de M. Simon).  On me regardait avec des yeux !! Le lendemain je l'ai faite avec la voix de Bourvil (imitation de Bourvil), puis ce fut le tour de Fernandel (imitation). Alors après j'allais au tableau et je voyais « Michu, on est prié de ne pas faire le con ». Oh là, qu'est-ce qu'on a pu faire comme conneries dans cette pièce ! Comme j'étais figurant, je ne me rendais compte de rien ; enfin j'étais plutôt une silhouette car j'avais une réplique.  Voilà, c'est des détails, des petites anecdotes, comme ça… Après j'ai joué Camoletti. L'amour propre, La bonne adresse,  La bonne Anna

 

La Bonne Anna, au Théâtre Wagram (1961)

Le Bal de famille, m. en sc. C. de Flandre (1966)

 

GG – Avant son grand succès  Boeing Boeing ?

CM – Oui, avant, j'avais appris le texte pour Doubler Christian Alers. Je venais le voir tous les soirs…

 

GG -  Au cas où il tombe malade ?

CM – Non, je priais pour qu'il ne tombe pas malade, tellement il était drôle.  Jamais je n'aurais pu faire ça. Il était époustouflant, d'une drôlerie. C'est un personnage. J'étais vraiment très gamin, je ne faisais pas le poids. Je ne l'ai pas joué mais j'ai joué après à nouveau du Camoletti. Il venait souvent aux auditions du Cours Simon et prenait des jeunes élèves et les faisait travailler. Germaine, sa femme, s'occupait bien de ça et a fait travailler Balutin, Patrick Préjean. Balutin était au cours avant moi. Il y était revenu après son service militaire. Quand j'ai eu mon prix, il n'était pas content. Il m'a dit cette phrase terrible « Bravo Michu, mais c'est pas les prix qui travaillent le plus dans ce métier ». Ça m'a sonné. C'est dur de dire ça à un jeune comédien. Il avait pourtant raison. Il a beaucoup travaillé. Il a tout de suite fait Cartouche avec Belmondo. Moi, il faut dire, j'ai démarré un peu tard. Après Irma la douce, je suis parti en tournée dans l'Europe avec Jean de la Lune de Marcel Achard. J'avais repris le rôle de Cloclo joué par Michel Simon, avec Jacques François. Une belle tournée qu'avait mise en scène Bernard Dhéran. Irma la Douce est pour moi un souvenir particulier. C'est mon voyage de noces. On venait de se marier avec Alice et je l'ai emmenée avec moi en tournée. On était dans un car bringuebalant. Il faisait froid. On avait des couvertures. Colette Renard, elle, était dans sa bagnole avec Raymond Legrand, avec qui elle était à l'époque. Oui, nous on avait froid, mais c'était mon voyage de noces. On descendait dans des hôtels pas chics, en Belgique, partout, pour garder notre défraiement.

 

GG – La tournée a été longue ?

CM – 4 mois.

 

GG – C'était une époque où les tournées, ce n'était pas deux ou trois jours par semaines…

CM – Non, c'était presque tous les jours. On n'est pas revenu à Paris pendant 3 mois, après on est reparti en Belgique, en Suisse et au Luxembourg. On était défrayé les jours où on ne tournait pas. Le montant était minable mais moi j'étais en vacances. Pour Jean de la Lune, ça s'est échelonné sur 6 mois. On a joué en Scandinavie, puis en Espagne, puis à Londres. Là, on revenait à Paris plus souvent. Jean de la Lune, c'était un beau rôle. Après je l'ai rejoué à Versailles avec une autre équipe. Claude Nicot avait repris le rôle de Jean de la Lune, Claire Maurier celui de Marceline.  Une bonne pièce de Marcel Achard, Lyonnais lui aussi.

 

GG – Tu ne songeais pas à la télé à ce moment là ?

CM – Non, la télé, c'est Le temps des copains avec Robert Guez, par hasard.

 

GG – Tu as débuté avec Le Temps des copains ?

CM – Mes premiers pas dans une série. Elle s'abaisse pour vaincre [un téléfilm de Lazare Iglésis] est ma première télé. Le Temps des copains, c'était un rôle avec Bernard Murat. Nous étions les deux copains de Jacques Ruisseau, le médecin.  On avait gardé nos noms, Michu et Murat.  C'est Robert Guez qui avait mis en scène et il m'a dit « Je vais te présenter à Jean-Claude Deret. Avec Thierry la Fronde, on a besoin de compagnons et toi tu es l'image d'un compagnon un peu simplet, un peu hors de ses pompes. » C'est comme ça que j'ai fait Martin. 

 

Clément Michu (au centre) dans le rôle de Martin

 

GG – Il n'y avait pas vraiment de noms connus dans cette série ?

CM – Non. Jean-Claude Drouot arrivait de Belgique et n'avait rien fait de marquant. Mais les compagnons dont j'étais, nous avions tourné et joué pas mal. 

 

GG – Ta carrière a démarré tout de suite après Le Temps des Copains ?

CM – Oui, j'ai tourné quelques dramatiques, comme on disait à l'époque. Aujourd'hui on dit téléfilms. J'ai tourné avec Lazare Iglésis  Elle s'abaisse pour vaincre, puis La voix dans le verre et La chasse aux météores.  J'ai bossé pendant un bon moment, c'était merveilleux, ça a été une longue période de télé. Après, j'ai enchaîné avec des films sans intérêt mais moi, à l'époque, j'étais content. J'ai tourné Le caïd de Champignol de Jean Bastia avec Jean Richard. Personne ne connaît ça maintenant. J'avais des grands rôles dans des films mineurs, même A tout casser avec Johnny. Par contre j'avais aussi une scène dans des films de prestige comme Rabbi Jacob ou La Grande vadrouille ou La Gueule de l'autre de Tchernia, Le Gang des otages avec Molinaro. Partout où j'avais des rôles importants, c'est des films qui n'ont pas marqué, ce qui fait qu'au ciné je n'ai vraiment pas eu de pot. Il aurait fallu que je tourne  avec Chabrol, ou quelqu'un comme lui. Moi ça a été Jean Bastia. John Berry  avec qui j'ai tourné A tout casser, je l'aimais bien.

 

GG – Il vient de mourir, Berry.

CM – Oui, comme je te disais, je l'aimais bien. Mais avec le film, il y a eu une polémique pour le montage entre le producteur et lui, ce qui fait qu'il reste un film un peu bâtard, mi-loufoque, mi-sérieux. Mais Berry voulait que ce soit « crazy », comme il disait. Moi je jouais un gangster complètement ahuri qui prend des tartes dans la gueule par Michel Serrault et Eddie Constantine. Le cinéma m'a lâché bien vite. Là,  je vais reprendre au cinéma avec Marchal. Olivier m'aime bien. Dedans, je vais jouer un grand-père. Ce sera, je crois, mon premier grand film.

 

Comment ne pas épouser un milliardaire (de Lazare Iglésis, 1966)

 

GG – Revenons à la télé.

CM – J'ai enchaîné après Thierry la Fronde quelques téléfilms, des petits feuilletons comme Comment ne pas épouser un milliardaire avec Jean-Claude Pascal et Fernand Sardou, puis du théâtre jusqu'en 1973-  1974 et Les Faucheurs de marguerites avec Bruno Pradal mis en scène par Marcel Camus. Alors là, comme pour Thierry la Fronde, une nouvelle aventure. Chaque épisode relate la vie d'un aviateur. Les faucheurs est le plus réel. Après celui-ci il y a eu Le temps des as puis La conquête du ciel et L'adieu aux as.

 

Clément Michu avec Bruno Pradal, L'adieu aux as

 

GG -  En regardant ta filmographie, je me suis rendu compte que tu avais fait beaucoup de séries à épisodes. J'avais complètement oublié Espionne et tais-toi.

CM – Oui, j'étais de toute l'équipe. C'est Claude Boissol qui l'a réalisé. Comme on avait fait ensemble Le temps des as, il m'a dit qu'il y avait un personnage pour moi dans la série. J'y suis le bras droit du rôle principal joué par Charles Denner. Le personnage s'appelle Galichon et c'est encore le rôle d'un ahuri. On tenait une agence avec des espions et Grace de Capitani partait faire des enquêtes. Il y avait Jacques François aussi. Puis on a fait une suite. Charles Denner nous a quittés, c'est Jean-François Balmer qui l'a remplacé. Pour la suite, on a tourné dans un beau décor au Maroc presque tous les épisodes.

 

Espionne et tais-toi avec Grace de Capitani, Charles Denner (en haut) et Jean-François Balmer (en bas)

 

GG – Après tu as fait Moulin.

CM – Moulin, je l'ai démarré en 80 quand Guy Montagné qui jouait le rôle de Guyomard est parti chez Collaro pour le Collaro Show. Et Boissol m'a donné le rôle de Galland. J'en ai fait sept dans la première série.

 

Clément Michu avec Yves Rénier, Moulin première mouture

 

GG - Pour la deuxième tu as changé de nom ?

CM – On a arrêté pendant 8 ans. Yves Rénier en avait marre. Lorsqu'on lui  a demandé de refaire une comédie policière, il m'a appelé. « On va refaire Moulin, mais cette fois-ci on va coller aux faits divers. Je veux que tu sois mon adjoint et tu t'appelleras Guyomard, mais je t'appellerai Guyo ». Au début, ça devait être une comédie policière mais c'est devenu beaucoup plus sérieux. On m'a demandé de jouer sérieux avec ma bonhomie. Les scénarios sont près de la réalité. C'est d'ailleurs pour ça que 3 épisodes ne passeront jamais à TF1, les histoires sont trop sensibles, trop près de la réalité. Parfois on rediffusait des Moulin que j'avais tournés quelques années avant et où je m'appelais Galland l'après-midi et le soir même un épisode récent était diffusé et là j'étais l'inspecteur Guyomard dit Guyo. Les gens m'arrêtaient dans la rue et m'en demandaient la raison…

 

GG – Est-ce que tu crois que les épisodes qui ne passeront pas sur TF1 passeront  sur une autre chaîne ?

CM – Non, mais certains sont vendus dans les kiosques à journaux. [Depuis, ils ont probablement été diffusés sur une autre chaîne, comme TMC.]

 

GG – Dans le dernier épisode qui n'est pas encore passé [en 2006, au moment de cet entretien], tu es tué.

CM – Oui, je suis assassiné. Cet épisode intitulé « La dernière affaire » est le dernier de la série, non diffusé encore.  La série est terminée à la demande de TF1 qui préfère changer de format et passer des 52 minutes comme Les Experts.

 

Son dernier Moulin : "La dernière affaire" (2006, photos Alain Guizard, agence Angeli)

 

GG – Quand on te rencontre, il y a un homme, plutôt deux, qui sont ta passion, et qu'on ne peut éviter, Fernandel et Bourvil.

CM – C'est vrai mais ça ne veut pas dire que je n'aime pas Gabin ou Noiret. Il n'y a pas vraiment de comédiens que je n'aime pas. Mais c'est vrai que celui qui m'a fait aimer ce métier, c'est Fernandel. C'est le premier à m'avoir fait rire et le premier à m'avoir fait pleurer dans le même temps. Il m'a surpris quand j'étais môme. C'est incroyable : ce mec, avec la gueule qu'il a, me faire marre ça c'est naturel, mais qu'il me fasse pleurer… !  Après l'avoir vu dans François 1er , je me suis dit que je devais aller le voir dans Naïs de Marcel Pagnol, et là, au lieu de rire, j'ai pleuré. Je n'en revenais pas. Ça m'a marqué pendant longtemps. Après, j'ai découvert Bourvil. Il était plus naturel avec un visage plus près du commun pour faire pleurer, alors qu'avec la gueule de Fernandel, c'était moins évident donc une gageure, et c'est cela qui est fantastique : le talent !  Fernandel, faire pleurer, personne n'y a cru au début, sauf Pagnol, car il faisait des films d'émotions et non pas dramatiques. Pendant des générations, Fernandel a fait rire. Quand il était bien dirigé, c'était sensationnel. Mal dirigé, il pouvait être pas très bon. Moi je suis un inconditionnel, je m'en fous. Fernandel et Bourvil étaient deux comiques dont le rire passait aussi bien par la gueule que par le ventre. Alors que De Funès, c'est surtout par la gueule (passage avec imitations).

 

GG – Tous ces comiques, tu les imites ?

CM – De Funès, je ne sais pas le faire. J'imite ceux qui rentrent dans ma sensibilité. C'est pareil en comédie, des comédiens font du « Gabinisme ».

 

GG – Tu as tourné avec Gabin ?

CM – Non, je l'ai rencontré sur le plateau, à Boulogne, quand il tournait avec Fernandel L'âge ingrat. Ça devait être impressionnant de tourner avec lui. Gérard Darrieu, un copain, m'a dit qu'il ne fallait pas se tromper, mais avec les jeunes, il était gentil. S'ils se plantaient,  il faisait semblant de se tromper pour dire « Je me suis trompé, on recommence ». Il y a eu beaucoup de choses injustes dites à son sujet. On m'a dit que Gabin descendait pour les contrechamps, alors que bien d'autres restent dans leurs loges.

 

GG- Tu es marié avec Alice, tu nous as parlé de ton voyage de noces. Je crois avoir compris qu'elle s'occupe de ta carrière ?

CM – Oui, au début, elle faisait un peu mon attachée de presse. Elle était bien accueillie par les professionnels de la presse qui voyaient en elle une femme qui défendait son artiste de mari. Aujourd'hui elle a un peu raccroché. Je suis suffisamment connu, sans être vedette et je suis contacté directement. 

 

GG – Tu as eu deux enfants. Ont-ils eu envie de faire ton métier ?

CM – J'ai une fille qui a deux enfants, elle est commerçante, et un fils, Daniel, commerçant également, dans le prêt-à-porter. Il a aussi trois enfants en bas âge. Ils ont tous les deux fait un peu de télé avec moi dans certains épisodes de Moulin. Mais ils ont vu souvent leur père au chômage, aux Assedic et ont préféré changer de métier…

 

GG – En février tu tournes donc dans le prochain film d'Olivier Marchal avec Daniel Auteuil, mais je crois que tu voudrais recommencer à faire du théâtre.

CM – Olivier Marchal, que j'ai connu sur des épisodes de Moulin où il était souvent scénariste et comédien, m'aimait beaucoup et me disait souvent « Si je réalise des films un jour, je t'écrirai des scènes ». Il n'a pu le faire dans 36 Quai des Orfèvres  avec Auteuil et Depardieu, mais dans le prochain intitulé MR73 du nom d'un fameux colt, il m'a écrit le rôle d'un grand-père dramatique. C'est une histoire sombre avec règlement de comptes. Il ne faut pas oublier qu'Olivier Marchal est un ancien flic et ses histoires sont souvent autobiographiques. Je referai volontiers du théâtre si l'occasion se présente. Quand on tournait les Moulin, souvent de nuit, on ne pouvait être disponible pour jouer le soir. Aujourd'hui, ce devrait être possible.

Propos recueillis par Gérard Gouéry en décembre 2006.

 

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