un article de Thierry Le Peut paru dans Arrêt sur Séries  4 (épuisé)

Cet article a été publié avant la diffusion en France de la série

 

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Elle n’a peur de personne en Kawasaki Ninja 350...

Avec Dark Angel, la nouvelle série très attendue de la Fox, le girl power a encore frappé. Mais cette fois c’est James Cameron, Monsieur King of the World, qui est aux commandes, d’où l’intérêt que suscite depuis plusieurs mois cette série à gros budget du network déjà à l’origine de The X-Files. Un intérêt redoublé pour nous par le fait que le co-créateur de la série est Charles H. Eglee, l’un des maîtres d’oeuvre de l’excellent Murder One. Nous avons donc parcouru le net à la recherche de quelques infos pour vous mettre l’eau à la bouche en attendant l’arrivée de Dark Angel sur nos écrans hexagonaux.

 

La Fox a misé gros sur le projet, n’hésitant pas à programmer le téléfilm pilote d’une heure trente, le 3 octobre dernier, au moment même où George Bush Jr et Al Gore menaient leur premier combat médiatique sur les ondes américaines. Sur le net, une pléiade de sites relaient déjà les efforts promotionnels du network, offrant photos et infos sur la série, tandis que son interprète principale, la pulpeuse et féline Jessica Alba, fait les couvertures des magazines et glane un nombre croissant de fans. En France, Dark Angel a déjà eu, au moment où nous rédigeons ces lignes, les honneurs du magazine Impact sur près de quatre pages, autant que la huitième saison de The X-Files marquée par la disparition de Mulder et son « remplacement » par Robert Patrick, vu, justement, dans le Terminator 2 de James Cameron. Nul doute que l’implication de ce dernier dans l’élaboration du projet est pour beaucoup dans l’intérêt que suscite un peu partout la série, même si les tentatives d’un autre grand du cinéma, Steven Spielberg, pour conquérir le petit écran se sont soldées par des échecs répétés (Histoires fantastiques, Seaquest DSV, High Incident). De quoi alimenter l’ironie de quelques critiques qui se demandaient, le soir de la première, si Dark Angel serait un top ou... un naufrage digne de Titanic !

Confiant dans le potentiel de son show, Cameron n’en affiche pas moins une grande lucidité : « Si les gens accrochent, ce que nous espérons qu’ils feront, ce que nous croyons qu’ils feront, alors très bien... Si ce n’est pas le cas et que nous ne trouvons pas notre public, alors nous méritons d’être virés de l’antenne. C’est aussi simple que ça. » Au moment de présenter la série à la presse, cependant, le producteur, qui s’est imposé de ne pas réaliser lui-même la série, déclarait avoir déjà co-écrit avec son équipe de scénaristes treize histoires passionnantes qui ont aujourd’hui été diffusées sur la Fox, chaque mardi soir. « Je vois la série comme une sorte de gros roman dont chaque épisode est un chapitre », déclarait-il par ailleurs, affichant l’ambition de réussir dans le domaine de la science-fiction ce que Charles Eglee avait déjà contribué à faire en écrivant Murder One, présentée lors de sa première saison comme une seule histoire découpée en 23 chapitres. Sans viser à la saga quinquennale réalisée par J. Michael Straczynski avec Babylon 5, Dark Angel s’offre donc comme un programme ambitieux fondé à la fois sur l’impact visuel de son univers, le charisme de son interprète principale et une continuité rattachant chaque segment à une ligne directrice générale, capable de nous intéresser au devenir de ses personnages.


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MAD  MAX  AU  FEMININ CHERCHE MECHANTS A BOXER

 

Alors c’est quoi, au juste, Dark Angel ?

Max, une jeune femme de dix-neuf ans qui travaille le jour comme employée pour une compagnie de livraison à vélo, se transforme la nuit en une sorte d’ange noir traquant les méchants dans une société futuriste livrée à elle-même et gangrenée par la corruption. Nous sommes en 2019 et des terroristes ont plongé l’Amérique dans le chaos en propageant un virus qui a mis hors d’usage tous les ordinateurs du pays. Le crash économique est total, la nation est à l’abandon et les « autorités » sont corrompues. Dans une Seattle sombre et post-apocalyptique, Max n’a qu’une idée en tête : retrouver ses semblables traqués par le Gouvernement. Car Max n’est pas une jeune femme comme les autres. Comme Buffy, elle possède une force surnaturelle qui la distingue du commun des mortels. Comme Super Jaimie, mais de manière encore plus radicale, elle est un produit des expérimentations secrètes de l’armée, conçue génétiquement à l’intérieur d’un laboratoire où l’on s’employait à créer des soldats parfaits. L’ancêtre des synthétiques de Space 2063, en quelque sorte, une sorte de pré-Ripley d’Alien 4 (histoire de lui trouver une petite famille dans l’imaginaire ciné-télé contemporain). Parqués durant une partie de leur enfance dans un véritable camp de concentration, Max et ses semblables portent à la base du cou un code-barres (comme les prisonniers d’Alien 3) et sont capables de réaliser des prouesses physiques comme de se déplacer à une vitesse extraordinaire, pouvant carrément éviter des projectiles à l’instar du héros de Matrix. Une référence que Cameron ne nie pas, même s’il voit dans le film des frères Wachowski quelques emprunts à son propre Terminator : une manière comme une autre de souligner qu’il est toujours possible de trouver ici comme ailleurs des emprunts à d’autres univers, ce qui n’enlève rien à la qualité de l’un ou de l’autre.

Toujours est-il, donc, qu’à l’âge de neuf ans, en 2009, Max s’est échappée du camp où elle avait grandi et qu’elle se cache depuis lors dans Seattle. Ses liens avec le Projet Manticore, nom donné aux expérimentations dont elle est issue, ne sont nullement rompus, cependant, car elle demeure hantée par des rêves récurrents qui lui rappellent les années passées dans sa prison. De plus, elle essaie par tous les moyens de retrouver ceux qui se sont évadés avec elle et dont elle est séparée depuis. En dix ans, malheureusement, et malgré le concours d’un détective privé, Vogelsang, ses recherches sont restées infructueuses.

Et voilà qu’une rencontre inopinée avec un cyberjournaliste idéaliste en lutte contre la corruption généralisée, véritable croisé du Bien contre le Mal, ouvre à notre héroïne de nouvelles perspectives. Logan Cale en effet prétend détenir des informations qui l’aideront à retrouver ses « frères » et ses « soeurs » d’éprouvette. Mais il met à sa coopération une condition : il souhaite que Max l’aide dans sa croisade en rejoignant son groupe clandestin, Eyes Only. La belle refuse, individualiste forcenée, jusqu’à ce que les événements la poussent à intervenir dans le combat de Logan, lui-même cloué sur une chaise roulante à la suite d’une agression sauvage. Le téléfilm pilote, écrit par Cameron et Eglee et mis en images par David Nutter (X-Files, Roswell), se referme sur cette union fragile de deux êtres qu’un monde semble opposer et qui vont devoir apprendre à se connaître. Pour, peut-être, finir par s’apprécier, selon un schéma désormais bien rodé.

 

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AU  SERVICE  DE  LA  BONNE  CAUSE... ?

 

Le personnage de Max est vraiment le fondement de la série. On ne s’étonnera pas de reconnaître en elle des qualités souvent illustrées par Cameron au cinéma à travers des personnages de femmes fortes et « couillues », de la Sarah Connor de Terminator à la Ripley d’Aliens. « Je pense que c’est quelque chose qui parle aux femmes », déclare le producteur. « Nous vivons à une époque où le pouvoir des femmes dans la société a lentement grandi et je pense que les femmes aiment les personnages qui apparaissent forts et compétents. Je trouve aussi que les hommes ne sont pas contre des femmes fortes dans les films. Le public typique des mâles de 18 ans veut voir des femmes mettre une dérouillée, lui aussi. » Proche parente de Buffy, Max n’est pourtant pas le modèle d’altruisme et de générosité que l’on attend d’une héroïne classique. « Nous ne voulions pas fabriquer un superhéros du genre champion du Bien... comme ces héros de bande dessinée qui courent partout en faisant le bien pour l’amour du bien. Nous voulions quelqu’un qui soit poussé à agir. » Très au goût du jour (il suffit de voir les héros de L’Homme Invisible version Sci-Fi Channel, de Viper ou de First Wave), Max est aussi une cambrioleuse hors pair, qui vole aux riches pour subsister (l’honneur reste sauf) et elle pense avant tout à elle-même sans se soucier du bien de la communauté, une communauté d’ailleurs bien mal en point dans l’univers post-apocalyptique de la série. En fait, le plus justicier des personnages de la série est Logan : « Il défend l’opprimé, se dresse contre l’injustice et se révolte contre la corruption », résumait Cameron. « Mais il est sur une chaise roulante. Il n’a qu’un pouvoir de dénonciation. Pour agir, il a besoin de Max. Il fait de cette jeune femme très spéciale son samouraï. » (Cité dans Impact n°89, décembre 2000)

Pour trouver l’actrice qui incarnerait à la fois la grâce, la puissance et la détermination de cette Mad Max au féminin, Cameron et Eglee affirment avoir auditionné un bon millier de postulantes, sillonnant les campus à la recherche de l’oiseau rare. Et c’est Jessica Alba, une quasi inconnue (même si elle avait déjà ses fans dévoués, qui lui ont même consacré un site internet bourré de photos), qui a décroché la palme. Les assidus du samedi après-midi sur TF1 l’avaient déjà remarquée dans le Flipper de 1995, tourné en Australie : elle y était Maya, une jeune orpheline au sourire éclatant et aux lèvres charnues, faire-valoir du célèbre dauphin malicieux. Au cinéma, on l’a vue dans deux films, Idle Hands et Never Been Kissed, et plus récemment un troisième, The Sleeping Dictionary, où elle joue une princesse malaisienne. Le contraire d’une star, donc, mais les producteurs décelèrent en elle cette présence quasi animale et cet exotisme (elle a du sang mexicain et canadien) qui font le charisme de leur héroïne. Beaucoup de critiques ont d’ailleurs salué dans le pilote de la série avant tout la prestation de la jeune comédienne, du même âge que l’héroïne, pressentant les débuts d’une future star.

La parenté de Max avec Buffy est évidente (on a d’ailleurs dû citer deux ou trois fois la Tueuse depuis le début de cet article...). Le look juvénile et guerrier, une certaine réticence à jouer les héroïnes rapprochent les deux combattantes. Max cependant n’a pas le côté Mère Thérésa de son aînée. A épreuves différentes, dureté différente. Que la série lorgne vers le public adolescent n’est pas un secret et elle accumule d’autres emprunts assez faciles à repérer, à commencer par le couple guerrier-mentor que l’on croise dans un paquet de séries, la plus proche de Dark Angel étant peut-être Viper, parce que le héros y est secondé par un acolyte en chaise roulante, comme Logan Cale. De même, le Lydecker qui traque Max évoque immanquablement la (longue) tradition des fugitifs, chacun ayant son Javert aux trousses, et on songe assez facilement au Colonel de Le Visiteur, la série du tandem Roland Emmerich - Dean Devlin. Blade Runner, The X-Men et même Kung Fu (pour le héros élevé dans un monde clos et ensuite confronté aux bad guys) s’ajoutent à la longue liste des références mais Cameron et Eglee ont aussi voulu fabriquer un univers original. « C’est une fiction de caractères avec de la science-fiction », déclarait Cameron. « Nous voulions créer un univers moralement chaotique, où la police et les structures politiques sont notoirement corrompues. » Le producteur ajoutait que les scénarii devaient être « constamment surprenants... Vous devez être gagnés par le désir de voir ce que nos personnages vont faire dans la suite... »

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