publié en septembre 2000 (ASS 2)

par Thierry Le Peut  

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Avec Dawson, également sur TF1, on n’est pas toujours très loin du soap opera mais le public visé est radicalement différent (du moins en principe). Bienvenue dans l’un des fiefs ados de la télé des années quatre-vingt-dix-deux mille et dans l’univers tout en nuances de Kevin Williamson, le scénariste fétiche du revival des slasher movies, Monsieur Scream en personne.

Bon, c’est un peu craignos comme entrée en matière mais il fallait bien trouver quelque chose pour passer de Côte Ouest à Dawson. Maintenant que c’est chose faite, entrons dans le vif du sujet. Dawson, c’est quoi ? S’il y a des ados devant ces lignes, la question est ridicule, mais peut-être ne faites-vous pas (pas encore ?) partie de ceux qui ont succombé au charme magique de cette série. Alors, ces lignes sont pour vous. La série, qui en est à sa quatrième saison chez l’Oncle Sam, était très attendue lors de son baptême du feu sur la chaîne WB, précisément parce que la critique, à l’époque, encensait Williamson et, on s’en doute, commençait déjà à l’attendre au tournant. Eh bien Dawson fut une bonne surprise. Si la série s’inscrit dans le genre soap pour ados initié par Beverly Hills et illustré à la même époque par La Vie à Cinq, Williamson trouve d’emblée un ton juste et original, délaissant l’ostentation des ados friqués de Beverly Hills autant que les états d’âme sombres de La Vie à Cinq au profit d’une ambiance souvent bon enfant sans être pour autant bêta, et de couleurs vives, fraîches, pastorales.

Car Dawson se situe à la campagne et non entre les blocs de béton d’une grande ville. Nous sommes à Capeside, une bourgade proche de Boston, sur la Côte Est. Un havre de paix couché au bord de l’eau, où il fait bon vivre en regardant le soleil disparaître dans une symphonie de couleurs. De quoi se laisser endormir par un trop plein de normalité, loin pourtant du confort bourgeois de Côte Ouest. Pour un peu, on s’attendrait à voir surgir Jessica Fletcher au coin d’une rue, le bob sur la tête et la canne à pêche au bout des bras. Mais ce serait une erreur. Car Capeside a aussi les travers des petites villes. Tout le monde y connaît tout le monde et les ragots vont bon train. La grand-mère de l’une des jeunes héroïnes, Jennifer, est une bigote qui adore juger les autres et qui sort bien plus du Carrie de Stephen King que d’un vieux film avec Cary Grant ou Spencer Tracy. Et puis il suffit de gratter un peu pour découvrir que le petit monde de Capeside cache ses petits secrets dévastateurs, comme la liaison de la mère du héros avec son collègue de travail, alors même que son couple donne l’image d’un mariage réussi.

Le héros éponyme de la série, Dawson Leery, est à l’image de cette ambiguïté. Naïf, il voit la vie comme un scénario de cinéma, dont il est passionné, et a choisi de plaquer sur le monde une grille d’optimisme. Encore un leurre, car Dawson est en fait un adolescent qui va se retrouver en proie aux affres de son âge, découvrant l’adultère de sa mère en même temps que ses sentiments inavoués pour Joey, l’amie de toujours, qui couche dans son lit depuis qu’ils ont sept ans sans que jamais une idée ne leur soit passée par la tête. C’est elle, en fait, qui y pense la première, dès la séquence prégérique du pilote, en faisant remarquer à Dawson qu’ils ont grandi, qu’ils ont des poils sur le corps et qu’il a des organes génitaux en plein développement. S’il répond avec une candeur naturelle qu’il en a toujours eu et que ça n’a jamais posé problème, il va se rendre compte bientôt que ses sentiments à l’égard de Joey sont aussi compliqués que ceux de la jeune fille à son égard. Ce qui leur apparaît précisément au moment où il commence à sortir avec la « nouvelle », Jen, venue de la ville.

Il n’y aurait que cela dans Dawson que la série serait déjà digne d’intérêt. Mais Williamson et son équipe de scénaristes ont pris plaisir à plonger chacun de leurs personnages dans une situation digne du théâtre classique ! Pacey, le meilleur ami de Dawson, qui joue les monstres devant la caméra de ce dernier et n’a jamais concrétisé avec une fille malgré sa tchatche de façade, tombe amoureux de son prof de littérature, de vingt-cinq ans son aînée... qui elle-même succombe à son charme, et pas de manière platonique ! Joey, elle, est dans une situation émotionnelle assez précaire, élevée chez sa soeur enceinte depuis que sa mère est morte et que son père est en prison pour trafic de drogue, et condamnée à observer les amours de Dawson tout en restant sa confidente. Une position classique peut-être mais ça ne la rend pas moins dure à vivre pour autant ! Quant à Jen, sous ses dehors de jeune fille timide (quoiqu’un rien provocante) elle cache en fait une expérience de la vie qui ferait rougir n’importe lequel des lycéens de Capeside.

Petit à petit, les sentiments se dévoilent et s’expriment, chacun des personnages ayant une facilité d’expression qui doit déconcerter une bonne partie du public ado de la série. S’ils ne savent pas toujours où ils en sont, les ados de Dawson cherchent en tout cas à y voir plus clair, même si leurs parents (quand ils sont là) ne leur facilitent pas la tâche. Sans manichéisme, la série fait avancer son petit monde avec humour et tendresse, offrant d’emblée une liberté de langage qui laisse loin derrière le ton aseptisé de Beverly Hills. Une excellente idée de rediffusion de TF1, qui a permis aux non-initiés de se familiariser avec les habitants de Capeside avant le démarrage de la troisième saison, probablement plus attendue, du coup, qu’au début de l’été.

Tag(s) : #Arrêt sur Télé
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