Un article de Brigitte MAROILLAT
publié dans Arrêt sur Séries n°17 (juin 2004 - aujourd'hui épuisé)

 

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EN ROUTE POUR LE COLORADO

"Je suis venue dans le Colorado pour y être reconnue comme médecin. En réalité, j’y ai trouvé beaucoup plus : une maison, une nouvelle famille et j’ai reçu, pour Noël, le plus beau des cadeaux : l’amour."

Ces quelques mots du Dr Michaela Quinn, dans l’ultime scène de l’épisode pilote, résument parfaitement le parcours initiatique de cette femme médecin partie chercher dans l’Ouest sauvage la reconnaissance et la considération qui lui manquaient dans sa ville natale de Boston, où les convenances et les traditions sont telles qu’il n’est pas de bon ton, en cette fin du XIXème siècle, pour une jeune femme de la haute société, d’avoir des rêves d’indépendance et encore moins d’exercer une profession réservée aux hommes.

Les préjugés ont donc la vie dure et pas seulement dans la série d’ailleurs. A l’instar de Cosmos 1999 que certains n’ont eu de cesse de comparer à Star Trek alors que ce rapprochement n’avait en lui-même aucun sens, Dr Quinn, femme médecin est, quant à elle, éternellement comparée à l’autre monument du western familial : La Petite Maison dans la Prairie. Certes, la série de Beth Sullivan est, à l’instar de son illustre aînée, une production télévisuelle pleine de bons sentiments se déroulant dans l’Ouest Américain de l’après-guerre civile. Mais au-delà de ce profil commun, les deux séries se démarquent nettement l’une de l’autre par bien des aspects.

Il existe d’abord entre elles une différence de ton : Dr Quinn n’a pas l’optimisme ni la candeur de La Petite Maison dans la Prairie où tout le monde et beau et gentil et les valeurs chrétiennes animant la famille Ingalls toujours triomphantes de l’adversité. Dans la série de Beth Sullivan, le tableau est plus sombre : l’héroïne en quête d’indépendance et de reconnaissance est condamnée à un exil forcé loin de la bourgeoise Boston et se retrouve dans un trou perdu du Colorado où la rudesse des gens n’a d’égal que leurs préjugés détestables tant envers les femmes qu’envers les noirs et les Indiens. Bien qu’ayant réussi à s’intégrer grâce à ses dons exceptionnels pour la médecine et à sa forte personnalité, elle n’est cependant pas, comme les Ingalls, celle qui gagne toujours à la fin (comme on dit) : ainsi, sa notoriété grandissante ne lui fait pas remporter le fauteuil de maire de Colorado Springs dans l’épisode « La campagne » et sa qualité d’excellent médecin ne la rend pas invincible face aux maladies contre lesquelles elle doit parfois, à son grand désespoir, rendre les armes comme dans l’épisode « Un endroit pour mourir » où elle est contrainte de brûler le mobilier de sa clinique et tous ses instruments pour combattre une cause d’infection inconnue. Dr Quinn n’est donc pas le conte de fée auquel certains ont voulu identifier cette série : son héroïne n’y est pas épargnée et a dû, plus souvent qu’à son tour, repartir de zéro et s’avouer impuissante face à certaines situations qui la révoltent comme le massacre des Indiens par Custer à Washita. Au contraire de Charles Ingalls, elle n’a donc pas toujours des solutions toutes prêtes à tous les problèmes.

Il existe, ensuite, une différence de traitement entre les deux séries : La Petite Maison dans la Prairie se focalise sur les joies et les peines des protagonistes sans jamais évoquer le contexte historique dans lequel elle se déroule. Dr Quinn apparaît à cet égard plus réaliste que son aînée en ce qu’elle intègre les histoires intimistes de ses personnages à un background historique où la fiction se mêle habilement à la réalité des événements de cette fin du XIXème Siècle aux Etats-Unis. Dr Quinn possède, en outre, ce souffle épique que n’a pas La Petite Maison dans la Prairie et qui apparaît dès les première mesures du superbe thème musical composé par William Olvis, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler les partitions de James Horner pour Glory et Légende d’automne, deux films, auxquels il convient également d’ajouter Danse avec les loups de Kevin Costner, dont s’inspire largement la série de Beth Sullivan par sa peinture authentique de ce début des années 1870, période décisive où les Etats-Unis tentent de retrouver leur unité après une guerre civile meurtrière.

Dr Quinn n’est donc pas une simple variation sur le thème de La Petite Maison dans la Prairie mais un instantané fidèle d’une époque, le portrait des errances sociales et des progrès techniques et scientifiques d’une jeune nation en devenir. Au-delà de la série pleine de bons sentiments, c’est sans nul doute sa dimension d’aventure humaine en terres inconnues dans une époque charnière de l’histoire des Etats-Unis qui fait de Dr Quinn, femme médecin une série marquante des années 90, bien plus proche de ce fait de l’inoubliable Conquête de l’Ouest que des sirupeuses aventures des Ingalls.

1ère PARTIE

AVENTURES HUMAINES DANS l'OUEST AMÉRICAIN

Est incontestablement atypique le destin du Dr Michaela Quinn, fille cadette du Dr Joseph Quinn, médecin réputé de Boston, qui a choisi de quitter une vie dorée et confortable dans la capitale bourgeoise du Massachusetts, au décès de son père, pour les contrées sauvages du Colorado où, répondant à une petite annonce rédigée par le Révérend Johnson, elle entend exercer la médecine et se faire la clientèle qui lui manquait cruellement à Boston en raison de sa féminité. Bien évidemment les préjugés sont partout les mêmes et ce n’est pas sans mal qu’elle va s’imposer, tant par son talent que par son courage et sa détermination, dans cette petite ville pittoresque du Colorado peuplée de personnages attachants, quoique rudes, qui doivent chaque jour assurer leur survie dans un cadre naturel hostile car encore non maîtrisé par l’homme. Ce parcours initiatique des personnages n’est pas sans rappeler celui de la famille Macahan de La Conquête de l’Ouest qui doit se serrer les coudes face aux dangers qui la guettent dans le périple la conduisant de la Virginie aux grandes plaines de l’ouest.

 

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Une femme indépendante en quête de reconnaissance

Il est très probable que même sans être médecin Michaela serait partie de Boston tant elle est en total décalage avec le monde de nantis artificiel aux règles de conduite rigides dont sa mère est l’archétype, comme le montre parfaitement l’épisode « Voyage à Boston » où Michaela, revenue dans sa ville natale, apparaît à mille lieues de ce que le code de la bonne société admet d’une jeune femme : non seulement elle exerce un métier d’homme mais en plus elle vit dans un trou perdu loin de toute civilisation où elle s’est liée d’amitié avec des sauvages et des rustres, ce qui suffit à ses soeurs Marjorie, Maureen et Claudette pour dire que cela ne fait que confirmer ce qu’elle a toujours été depuis sa plus tendre enfance : une originale qui n’a jamais rien fait comme les autres. Michaela est surtout une altruiste qui aime les gens quelles que soient leur race et leur condition sociale, ce qui explique qu’elle n’a jamais compté les heures passées la nuit à l’hôpital auprès des enfants malades pendant que ses soeurs s’amusaient dans les soirées mondaines et qu’elle n’a jamais considéré Harrison le majordome et Martha la cuisinière comme les domestiques de ses parents mais comme des amis. On comprend dès lors pourquoi elle se sent plus à l’aise à Colorado Springs qu’à Boston bien qu’elle y retrouve les souvenirs heureux de ses jeunes années et sa soeur aînée, la très conciliante Rebecca, qui lui a toujours apporté soutien et encouragement face à l’hostilité de leur mère sur les choix faits par sa fille médecin.

Avec sa mère, Elisabeth Quinn, Michaela entretient, en effet, des rapports tendus et distendus, ce qui lui fait dire dans l’épisode « Une visite inattendue » : « Il y a certaines femmes que l’on connaît depuis toujours et avec lesquelles on se sent comme une étrangère ». Mme Quinn juge sa fille comme une enfant trop gâtée par son père qui l’a encouragé dans des choix qu’elle juge insensés pour une jeune femme respectable. Elle n’accepte pas que sa fille ait quitté une ville civilisée pour un territoire peuplé de sauvages, comme elle dit. C’est pourquoi elle refuse, dans un premier temps, de lui prêter de l’argent pour racheter la pension de famille de Charlotte Cooper afin d’en faire une clinique parce qu’elle ne tient pas, selon ses dires, à « être responsable de l’échec de sa vie » (!). Elle finira cependant par comprendre ce que sa fille cherche dans le Colorado et qu’elle n’a pas à Boston : la reconnaissance et l’amour. Même si leurs rapports tendent à s’améliorer au fil des saisons, Michaela souffre encore de l’incompréhension de sa mère, ce qu’elle confie dans « La paix des cîmes » à Sam Lindsay, ancienne enseignante, qui est la mère qu’elle aurait aimé avoir tant elle admire son indépendance, son courage, son amour de la vie et de la nature. « L’incompréhension est un mur qui peut être abattu » lui dit Sam et Michaela y travaille donc, même si ce n’est pas sans difficulté comme le montre l’épisode « Pour le meilleur et pour le pire » dans lequel Elisabeth Quinn, venue au mariage de Michaela flanquée de ses deux filles Rebecca et Marjorie, se permet de s’immiscer dans les préparatifs en décidant tant de la robe de mariée que devra porter sa fille que du menu qu’il conviendra de préparer pour le banquet ! Les mauvaises habitudes ont la vie dure !

La vie de Michaela à Boston n’a donc pas toujours été facile auprès de cette mère qui l’a considérée, dès son plus jeune âge, comme le vilain petit canard qui ne voulait pas rentrer dans le rang des jeunes filles bien comme il faut. Pour échapper aux foudres maternelles quotidiennes, notre héroïne, enfant puis adolescente, suivait son père dans sa pratique de la médecine tant à son cabinet qu’à sa clinique. Elle se réfugiait également chez son oncle Théodore « Teddy » Quinn, frère cadet du Dr Joseph Quinn et pianiste de renom. La demeure de celui-ci est devenu comme un second foyer pour la jeune Michaela qui y a trouvé l’attention et la compréhension qui lui manquaient : son oncle, qu’elle admire pour sa créativité artistique débordante, sa joie de vivre et ses idées pacifistes, lui a appris à jouer du piano et à affirmer sa personnalité. Quant au fils unique de celui-ci, Carlton, il a été pour Michaela le frère quelle n’a jamais eu : ayant grandi ensemble, ils ont toujours partagé une grande complicité jusqu’à ce que Carlton soit tué à la bataille de Gettysburg, disparition qui a beaucoup marqué le jeune Dr Quinn.

Michaela n’a pas fui Boston uniquement pour des raisons professionnelles mais aussi personnelles, sa ville natale lui rappelant trop le souvenir de trois êtres chers désormais disparus : son cousin Carlton bien sûr, mais surtout son père, qui était son mentor, et son fiancé, David Lewis, fait prisonnier lors de la bataille de Manassas pendant la Guerre de Sécession et présumé décédé dans une prison confédérée, disparition dont elle ne s’est jamais remise. Quant à son père, le Dr Joseph Quinn, médecin réputé de Bacon Hill, quartier huppé de Boston, il avait toujours espéré, après quatre filles, avoir un garçon qu’il aurait prénommé Michael. Mais le sort en décida autrement et Michaela, la cinquième fille Quinn, surnommée « Mike » par M. Quinn lui-même, se retrouva très vite encouragée par celui-ci à ne pas renoncer à ses rêves sous prétexte qu’elle évolue dans un univers d’hommes, conseil que Michaela donnera d’ailleurs à son tour à sa fille Colleen.

A son arrivée à Colorado Springs, le combat du Dr Quinn est de s’affirmer à la fois comme une femme médecin et comme une femme célibataire indépendante dans un lieu reculé de l’Amérique profonde où chaque femme est sous la tutelle d’un homme, qu’il soit mari ou souteneur. Dès lors, il n’est guère étonnant que la seule personne avec laquelle elle tisse d’emblée des liens d’amitié est Charlotte Cooper, elle aussi femme sans homme, son mari l’ayant abandonnée non sans l’avoir délestée de ses économies, et qui élève toute seule ses trois enfants : Matthew, Colleen et Brian, qu’elle confiera d’ailleurs à Michaela sur son lit de mort, dans le pilote, après avoir été mordue par un crotale.

Si Michaela se heurte d’emblée à l’hostilité de la population locale, elle saura cependant conquérir les habitants de Colorado Springs qui reconnaîtront que celle qu’ils nomment désormais « Dr Mike » ne manque ni de talent ni de courage, comme le montre d’ailleurs l’épisode pilote dans lequel elle va jusqu’à se faire arracher une dent saine par Jake Slicker, le barbier qui fait office de guérisseur, pour gagner la confiance et le respect de celui-ci. Mais elle aussi sera conquise par le Colorado et ses hôtes hors du commun, tels que Bison Noir et sa tribu. Sa première rencontre avec ce Grand Chef cheyenne laissera en effet à Michaela un souvenir impérissable : ayant été blessé à la gorge par les soldats de Chivington, Bison Noir est conduit chez elle en pleine nuit pour qu’elle le soigne. Sans perdre une minute, Michaela lui fait une trachéotomie à l’aide d’une plume, ce qui lui sauve la vie. Impressionné par le savoir et le sang froid de la jeune femme, qu’il qualifie d’« aussi brave qu’un guerrier cheyenne », Bison Noir lui donne, en signe de sa gratitude et de son respect, un nom indien qui signifie Femme Médecin, d’où le titre de la série. Cette rencontre marque le début d’une relation très forte entre Michaela et la tribu de ce Grand Chef, des liens particuliers que le massacre de Washita viendra briser, laissant le médecin dans un profond désespoir et une immense colère dont elle se libèrera au contact de son ami Nuage Dansant, seul Indien rescapé du carnage, et auprès de Dorothy Jennings, la journaliste locale, à laquelle elle racontera qui étaient ses amis cheyennes et ce qu’elle a vu à Washita pour que l’opinion publique sache tout le mal qu’on leur a fait.

Toute l’humanité et la sincérité du Dr Quinn doit beaucoup au talent de Jane Seymour qui a pris un évident plaisir à donner vie à ce personnage hors du commun auquel elle confère une émotion à fleur de peau qui ne peut que toucher le téléspectateur. Elle sait, en outre, fort bien recréer la tension et les doutes du médecin face aux situations d’urgence comme dans « L’opération » où elle doit se résoudre, faute de spécialiste disponible, à pratiquer sur son fils Brian une trépanation alors qu’elle ignore quasiment tout de la chirurgie du cerveau. Ce qui caractérise le personnage est son courage et son obstination qui la conduisent à bousculer les habitants pour leur faire abandonner leurs préjugés, notamment raciaux, d’un autre âge. Même s’ils sont parfois agacés par l’attitude de Michaela qui veut leur imposer des changements qui vont trop vite pour eux (voir à cet égard ce qu’ils disent d’elle au banquet de Noël hors de sa présence dans l’épisode « Un conte de Noël »), ils reconnaissent les éminents services que le « Dr Mike » a rendus à leur communauté, les habitants de Colorado Springs lui devant pour la plupart d’être encore en vie.

 

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Une petite ville pittoresque peuplée de personnages attachants

« La famille du coeur vaut parfois plus que les liens du sang » dit Michaela dans l’épisode « Joyeux anniversaire Dr Quinn », ce qu’illustrent à merveille tant les rapports qu’elle entretient avec les habitants de Colorado Springs, qui au-delà de leurs différences forment une communauté unie, que la famille recomposée qu’elle forme avec Matthew, Colleen et Brian Cooper qu’elle considère comme ses propres enfants.

Matthew partage la fascination de son jeune frère Brian pour la culture indienne et tous ses enseignements empreints d’une grande sagesse, ce qui le pousse à se soumettre au rite d’initiation indien pour apprendre à faire des choix et devenir adulte. Pourtant, adulte il l’est incontestablement dans la mesure où, à 17 ans, il fait preuve d’une grande maturité et d’un grand sens des responsabilités au point de choisir de travailler à la mine, en remplacement du personnel gréviste, en dépit des conditions de travail déplorables, et ce pour gagner de l’argent en vue de son futur mariage avec Ingrid, l’immigrante scandinave. On comprend dès lors pourquoi Melle Olive lui a légué à sa mort son troupeau de bétail : connaissant bien le jeune homme elle savait que le fruit du travail de toute une vie serait entre de bonnes mains. Son sens des responsabilités vaudront d’ailleurs à Matthew de se voir élire shérif par les habitants de Colorado Springs, tâche dont il s’acquittera avec le sérieux que tous lui connaissent. Il se montre, en effet, à la hauteur de ses fonctions quand il faut faire face à un gang de dangereux hors-la-loi venant libérer un des leurs que le jeune shériff a mis en état d’arrestation. Matthew est tout aussi déterminé quand il s’agit d’accompagner le légendaire Marshall Elias Burch à la poursuite des frères Sterett dans l’épisode « La légende ». Il doit, en outre, faire face au décès de sa fiancée, Ingrid, qui meurt de la rage. Après avoir difficilement fait son deuil, il tombe alors amoureux de Emma, une prostituée du saloon de la ville au caractère bien trempée qui quittera cet emploi sordide pour se lancer dans la confection de vêtements. Elle deviendra alors la couturière attitrée de la célèbre chanteuse Gilda St Clair qu’elle accompagnera dans tous ses voyages autour du monde, s’obligeant ainsi à quitter Colorado Springs. Ne désirant pas briser les ambitions professionnelles d’Emma, Matthew ne cherchera pas à la retenir auprès de lui.

Bien qu’ayant fait maintes fois preuve de sa compétence, il abandonne cependant son étoile de représentant de la loi pour aider le Dr Quinn à trouver une solution légale afin de disculper Sully des charges de trahison et de meurtre qui pèsent contre lui après qu’il a organisé la fuite des Indiens de la réserve de Palmer Creek. Matthew s’est, en effet, découvert une passion pour le droit quand il était sheriff, fonctions pour lesquelles il a passé beaucoup de temps à étudier la jurisprudence des Cours et tribunaux américains. L’idée de devenir avocat s’est donc naturellement imposée à lui et lorsque le Marshall Elias Burch, accusé de meurtre de Rudy Exner, lui demande d’assurer sa défense dans l’épisode « Vengeance », il accepte volontiers, voyant dans cette affaire l’occasion de faire ses premiers pas devant une juridiction.

Après des débuts hésitants qui l’amènent à douter de ses capacités, Matthew fera finalement l’illustration de tout son talent en réussissant à démontrer que son client a été la victime d’un traquenard orchestré par la victime elle-même qui n’avait rien à perdre à sacrifier sa vie, se sachant atteinte d’une maladie incurable. Michaela n’est évidemment pas étrangère au succès du jeune homme auquel elle a su, comme toujours, prodiguer de précieux conseils. Le Dr Mike est en effet très proche de son fils adoptif dont elle est la première confidente. Cette relation privilégiée entre les deux personnages, qui apparaît de manière évidente à l’écran, doit beaucoup à la grande amitié qui liait leurs interprètes, Jane Seymour et Chad Allen, l’actrice ayant pris sous son aile le jeune acteur qui, tout comme Matthew, était pétri de doutes sur sa vie professionnelle et privée.

Colleen est également très proche de Michaela qu’elle admire au point de vouloir devenir à son tour médecin. Il faut dire que l’adolescente s’avère extrêmement douée quand il s’agit d’assister le Dr Quinn dans sa pratique quotidienne de la médecine. Colleen réussit même l’exploit de réaliser seule l’accouchement de Myra, la femme d’Horace le télégraphiste, en l’absence de Michaela partie à la recherche de Sam Lindsay dans son ascension du Spike Peak dans « La paix des cimes ». Colleen accomplira d’ailleurs de brillantes études secondaires à Denver pour entrer à la faculté féminine de médecine de Pennsylvanie où Michaela a elle-même étudié. Elle sera encore plus déterminée à devenir médecin après le décès de sa meilleure amie Becky, avec laquelle elle a grandi et qui est victime d’une épidémie de diphtérie. Côté coeur, notre jeune docteur en herbe tombe amoureuse d’Andrew Cook jeune médecin promis, tout comme elle, à une brillante carrière et avec lequel elle partage sa passion tant pour la médecine que pour la littérature et en particulier les oeuvres de Shakespeare. Dans l’ultime épisode de la série, « Un nouveau départ », elle épouse Andrew, à l’âge de 18 ans, avant de partir pour Philadelphie commencer ses études médicales qu’elle va ensuite avoir l’occasion de parfaire à Harvard (mais ceci est une autre histoire, celle narrée dans le deuxième téléfilm qui clôt, provisoirement semble-t-il, la série et sur lequel nous reviendrons). Il convient, en outre, de souligner que le personnage de Colleen a été interprété d’abord par Erika Flores puis par Jessica Bowman : ce changement est significatif à l’écran pour le fidèle de la série dans la mesure où la première a un vrai talent pour communiquer toutes les émotions, ce qui fait incontestable-ment défaut à la seconde même si, par ailleurs, son physique moins juvénile est plus conforme à l’évolution de Colleen vers la maturité.

Quant à Brian, le petit dernier de la famille, il est fasciné par le mode de vie de Sully, l’aventurier local, qu’il admire comme un dieu et avec lequel il découvre les croyances et les légendes cheyennes liées aux animaux de la forêt. Fasciné par la culture et le mode de vie des Indiens, Brian lie une très forte amitié avec un enfant cheyenne nommé « Le calme avant la tempête » qui mourra finalement dans le massacre de Washita. Cet événement tragique qui va le bouleverser propulsera violemment Brian dans le monde des adultes et lui fera perdre ses illusions d’enfant sur la bonté humaine. Sa passion pour la musique l’aide à faire le deuil de la perte de cet ami très cher : ils se met alors à étudier le piano pour lequel il se révèle extrêmement doué, attirant ainsi l’attention de Théodore « Teddy » Quinn, l’oncle de Michaela qui voudra même l’emmener avec lui à New York pour parfaire son éducation musicale, ce à quoi s’opposera sa nièce. Mais le jeune Brian a plusieurs cordes a son arc : outre la musique, il est également doué pour le dessin et l’écriture au point de jouer les journaliste en herbe pour la Gazette de Dorothy. Il est aussi capable de survivre seul en pleine nature grâce aux enseignements de Sully et de Nuage Dansant comme le montre l’épisode « La déclaration » dans lequel il montre au fils du Sénateur Dinston les mille et un trucs du parfait aventurier qui connaît sur le bout des doigts les richesses mais aussi les pièges de l’Ouest sauvage. A l’épreuve d’autres évènements tragiques, comme le décès de son ami Anthony, le fils adoptif de Grace et de Robert E., Brian gagne rapidement en maturité, passant de l’enfant naïf sur les réalités du monde à l’adolescent au sens aigu des responsabilités qui promet à Lucius Slicker mourant de veiller à ce que ses dernières volontés soient respectées et qui console Jake à l’enterrement de son père en le prenant dans ses bras. Le petit Brian grandit donc vite et deviendra à 17 ans , dans le dernier téléfilm de la série, un jeune apprenti journaliste plein d’avenir du plus grand quotidien de la capitale du Massachusetts, le Boston Globe.

 

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Sully (de son prénom Byron qu’il déteste et qu’il doit certainement à ses origines britanniques), toujours flanqué de son loup Wolf, fait figure, dès sa première apparition à l’écran, d’ange gardien pour Michaela : dans l’épisode pilote, il surgit toujours de nulle part pour l’aider quand elle est en difficulté et disparaît aussi mystérieusement qu’il est apparu, avec la discrétion des Cheyennes dont il a embrassé la culture et les traditions. Il donne également à la jeune femme médecin la maison qu’il avait construite pour sa femme Abigail, morte avec sa fille en couche, parce que, dit-il à la mère de Michaela pour lui faire comprendre l’importance de sa fille dans une ville isolée comme Colorado Springs, « Si on avait eu un médecin comme votre fille à Colorado Springs, ma femme et mon enfant seraient toujours vivants ».

Ce personnage charismatique est doté, dans la grande tradition des héros romantiques du XIXème siècle, d’un passé aussi tragique qu’aventureux : Sully est né en pleine mer entre l’Angleterre et l’Amérique d’un couple de fermiers britanniques qui a émigré à New York. Son père a travaillé d’arrache-pied sur des chantiers, ce qui l’a tué, et sa mère s’est noyée dans l’Hudson lorsqu’il avait dix ans. Peu de temps après il part avec son meilleur ami, Daniel Simon, dans l’Ouest où il cumule tous les petits boulots jusqu’à ce qu’il devienne mineur à 16 ans en qualité d’artificier. En été 1859, il a été pris dans un éboulement qui a failli lui coûter la vie, ce qui l’a décidé à quitter la mine. C’est alors qu’il s’installe à Colorado Springs où il se lie d’amitié avec les Cheyennes et épouse Abigail, la fille de l’épicier Loren Bray, contre l’avis de celui-ci. A la mort d’Abigail, Sully s’engage dans l’armé pendant la guerre de Sécession. Sniper de l’Union, cette expérience le dégoûte tellement qu’il déserte pour ne plus avoir à obéir à des ordres illégaux. De retour dans le Colorado, il se réfugie auprès des Indiens qui lui apprennent notamment les vraies valeurs de la vie qu passent par le respect de la terre et la transmission du savoir des anciens.

Sa connaissance du peuple cheyenne va lui valoir justement d’être nommé Agent aux Affaires Indiennes, fonction dont il percevra rapidement les limites, impuissant qu’il sera à empêcher Custer de massacrer les Indiens à Washita. Décidé par deux fois à démissionner, il y renonce finalement, comprenant que les Indiens ont plus que jamais besoin d’avoir un ami pour défendre légalement leur cause. Il est ainsi nommé responsable de la toute nouvelle réserve de Palmer Creek où sont réunis, après le massacre, des Indiens d’origines différentes, dont Nuage Dansant seul Cheyenne survivant de la région, qui devront apprendre à vivre ensemble, ce qui ne sera évidemment pas facile. Sully devra également se battre pour que le gouvernement ne les dépouille de leur culture comme il les a dépouillés de leurs terres.

Refusant ainsi de transformer ses amis indiens en blancs en les obligeant à vivre dans des cabanes de bois et à porter des vêtements de ville, Sully se trouve de plus en plus fréquemment en conflit non seulement avec son supérieur hiérarchique Haisen mais également avec le chef de la garnison chargé du maintien de l’ordre dans la réserve de Palmer Creek, le sergent O’Connor, véritable brute qui maltraite les Indiens. Finalement destitué par le Général Wooden de ses fonctions d’agent indien pour ne pas avoir respecté les directives gouvernementales concernant la question indienne, Sully se voit désormais interdire l’accès à la réserve, ce qui ne l’empêchera pas de continuer de se préoccuper du sort des Indiens d’autant que l’arrivée d’une nouvelle garnison, avec à sa tête le très compréhensif Sergent McKay, ne change rien à la situation, les soldats étant toujours aussi violents avec les habitants de la réserve. Le passage à tabac de Nuage Dansant par un subordonné de McKay pour un motif futile va décider Sully à agir : il aide les Indiens à s’enfuir de la réserve, ce qui fait de lui un hors-la-loi recherché pour trahison qui ne devra son salut qu’au talent de négociatrice de Michaela, laquelle conclura avec l’armée locale un accord donnant l’assurance aux Cheyennes fugitifs de pouvoir rejoindre les tribus du Nord et à Sully de voir les charges contre lui abandonnées.

Ardent défenseur de l’environnement, Sully a une devise, « se battre pour les idées auxquelles on croit », quitte à se retrouver derrière les barreaux comme dans l’épisode « Le barrage » dans lequel il est emprisonné pour avoir attaqué le chargement de dynamite destiné à la construction d’un barrage qui doit inonder la vallée où se nourrissent les élans. Suite à cet acte citoyen, Sully se verra proposer par Whelan Smith, Président du Bureau National du Patrimoine Naturel, de l’aider à créer un parc national dans le Wyoming (qui deviendra le fameux Parc de Yellowstone). Sur proposition du Président Grant himself, Whelan Smith nommera ensuite Sully membre permanent du Bureau et le chargera, en qualité de géomètre, de repérer les contrées qui méritent d’être particulièrement protégées. C’est le cas notamment de Red Rock dans le Colorado, un site auquel Sully voudrait faire reconnaître les statut protecteur de Parc National. Pour ce faire, notre aventurier devra convaincre le Sénateur Dinston du bien fondé d’un tel projet afin que celui-ci puisse le défendre devant le Congrès qui, seul, peut en décider et en financer la mise en oeuvre.

Les rapports que Sully entretient avec Michaela dans les deux premières saisons sont particulièrement intéressants car faits de non dits et de moments mémorables. Il faut en effet voir Sully débarquer, sans un mot, en habit de trappeur, à Boston chez les Quinn en plein dîner mondain pour récupérer sa bien-aimée avant qu’elle ne reprenne goût à la vie dorée de la capitale du Massachussetts et qu’elle l’oublie car il sait que,« qu’on le veuille ou pas, on garde toujours l’empreinte et l’influence du lieu où l’on est né ». Quand ils se rapprocheront pour finalement se marier, leurs relations seront moins passionnantes mais cela ne rendra pas pour autant la série mièvre, comme certains l’ont écrit, dans la mesure où la diversité des thèmes, la richesse des autres personnages et le background historique renouvellent parfaitement l’intérêt de la série.
 

 

Loren Bray est l’épicier de Colorado Springs. Obsédé par le profit, ce qui le fait paraître parfois sans coeur, Loren est rempli de préjugés envers les femmes, les noirs et les Indiens. Il est aussi un vieil obstiné qui n’a jamais pardonné à Sully d’avoir épousé sa fille qui méritait selon lui beaucoup mieux que ce sauvage aux cheveux longs qui fréquente les Cheyennes. Mais en dépit de son mauvais caractère et de sa vénération pour l’argent, le vieil homme n’est pas totalement dénué de coeur comme le prouve l’affection qu’il porte au jeune Brian, qui le lui rend bien d’ailleurs, à qui il apprend à jouer de l’harmonica et offre souvent des bonbons. Il saura également se réconcilier avec Sully qu’il convaincra de ne pas démissionner de son poste d’agent indien, dans « La chute d’Icare », estimant que les quelques Cheyennes restant encore dans la région auront besoin d’un ami comme lui. Dans le même épisode il renonce à racheter les terres des Cheyennes qui ont été confisquées et mises en vente par le gouvernement après le massacre de Washita, se rangeant finalement à l’avis de Sully et refusant de tirer profit du malheur des Indiens. Il finira même par faire des affaires avec ceux-ci dans l’épisode « Le marchand de froid » où, reconvertis dans la culture de la terre, ils produisent du maïs d’excellente qualité qu’ils vendent au vieux commerçant.

Loren est, selon les termes de Mike et Sully dans « Sept genres de solitude », une « figure incontournable de Colorado Springs ». Mais au-delà de cette reconnaissance et de cette notoriété sociale, Loren souffre d’un mal qui n’est apparemment pas propre à notre époque : la solitude. C’est alors qu’il va faire la connaissance de Marjorie, la soeur de Michaela, dont la personnalité atypique va bouleverser sa vie. Fou amoureux de cette jeune femme libérée et sans tabou, Loren va, à son contact, changer à jamais sa manière de penser pour s’ouvrir aux nombreuses mutations que connaît la société américaine de cette fin du XIXème siècle. La mort aussi tragique que brutale de Marjorie va laisser Loren dans un grand désarroi mais en hommage à celle qu’il aimait il décide alors de continuer à être à l’écoute des autres et du progrès quel qu’il soit. Ainsi, comme l’illustre le dernier épisode de la série « Un nouveau départ », Loren devient le bon samaritain de Colorado Springs, apportant son aide à tous ceux qui en ont besoin. De tous les personnages réguliers, Loren est sans nul doute celui qui a le plus évolué, passant du vieux « réac » à l’homme de coeur plein de compassion pour autrui.

Jake Slicker est le barbier de la ville qui, avant l’arrivée de Michaela, assurait les soins médicaux à la population de Colorado Springs avec des méthodes sorties tout droit du Moyen Age. On comprend alors qu’il ait vu d’un fort mauvais oeil l’arrivée du « Dr Mike », une rivale potentielle dans la popularité dont jouit traditionnellement de tout temps le guérisseur du village. Même si leurs relations vont en s’améliorant au fil des épisodes, elles resteront toujours tendues, Jake considérant Mike comme l’empêcheuse de tourner en rond qui ne cesse de vouloir révolutionner l’ordre établi, ce qui donne lieu, entre eux, à des affrontements assez savoureux au sein du conseil municipal, Jake ayant réussi en dépit de son analphabétisme à se faire élire maire. Malgré leur opposition, Jake reconnaît l’utilité d’un médecin compétent, quand bien même il s’agirait d’une femme à qui il doit plusieurs fois la vie, notamment dans l’épisode « Joyeux anniversaire Dr Quinn », où il souffre d’une grave crise de delirium tremens, après avoir sombré de nouveau dans la boisson à la suite du décès d’un de ses clients empoisonné par un rasoir qu’il n’avait pas désinfecté.

Malgré son démon de l’alcool, Jake va démontrer qu’il peut être un bon maire et défendre avec raison les intérêts de la communauté, mieux en tout cas que ne pourrait le faire Preston Lodge, le banquier de la ville, sur lequel il remporte pour la deuxième fois les élections municipales. Un second mandat placé sous la haute surveillance des concitoyens qui ont voté pour lui à condition qu’il mette en oeuvre certaines réformes comme accueillir au sein du conseil municipal Robert E., le maréchal-ferrant noir de la ville.

Ses responsabilités vont quelque peu humaniser Jake et le rendre plus accessible aux problème des autres. Ainsi il engagera Theresa Morales, une jeune Mexicaine qui vient de perdre son mari, en qualité d’institutrice de l’école de la ville. Il tombera éperdument amoureux d’elle mais tardera à lui déclarer sa flamme. Il finit cependant par l’épouser non sans avoir préalablement arrêté de boire et affronté la tante de sa bien-aimée, une Mexicaine très attachée aux traditions qui ne voit pas d’un très bon oeil l’union de sa nièce et de cet homme qu’elle juge dévoyé. Jake saura, en outre, abattre, même avec difficultés, le mur de la rancoeur et de la haine pour pardonner à son père sur son lit de mort de l’avoir abandonné quand il était enfant en lui laissant ses responsabilités de chef de famille. Le vieil homme atteint de ce que l’on appelait jadis la démence sénile (Alzheimer, aujourd’hui), a laissé en héritage à son fils le seul bien de toute une vie de prospection : une pépite d’or avec laquelle il va ouvrir en association avec Hank un saloon-hôtel dans le dessein de faire concurrence à l’hôtel luxueux de Preston mais dont Jake abandonnera finalement la gérance à son associé lorsqu’il se mariera, Theresa n’appréciant guère qu’il soit le patron d’un lieu de perdition. Grâce à la vente de ses parts du saloon, Jake peut offrir à sa vertueuse épouse la maison de ses rêves.

 


Hank Lawson, le tenancier du saloon de la ville, gagne sa vie en exploitant les vices de la nature humaine : le jeu, l’alcool et la luxure. Véritable négrier avec ses prostituées qu’il fait travailler jour et nuit sans relâche, il ne jure, à l’instar de Loren, que par le profit. Hank est un rustre doublé d’une fieffée canaille, c’est du moins l’image qu’il arbore et qu’il semble d’ailleurs prendre un plaisir évident à cultiver car le personnage n’est évidemment pas le salaud intégral qu’il veut bien paraître comme le montre l’épisode « Le premier Noël » où il prend la défense d’un colporteur juif contre la vindicte populaire au motif qu’au cours de l’hiver 1867 il serait mort dans une tempête si des Juifs ne l’avaient pas sauvé. Hank n’est donc pas dépourvu d’humanité comme le montrent encore ses larmes quand il consent, après maintes tractations, à libérer de son contrat Myra, l’une de ses prostituées, trahissant ainsi les sentiments qu’il éprouve pour la jeune femme. Il apparaît également plus humain quand, apprenant l’existence de son fils, Zack, muet mais doté d’un talent exceptionnel pour le dessin, il accepte de le laisser partir à Denver pour qu’il intègre une école d’art. De même, Hank est des plus charmants avec sa bien-aimée grand-mère, adorable vieille dame à qui il fait croire qu’il est un respectable tailleur parce qu’il ne veut pas qu’elle cesse d’être fier de lui en apprenant qu’il est en réalité le tenancier d’un bouge. Mais malgré ce semblant d’humanité, Hank reste un personnage assez antipathique comme le montre la fin de la cinquième saison dans laquelle il va jusqu’à mettre le feu au campement des immigrants chinois pour obliger ceux-ci à quitter la ville. Ses manifestations de violence lui vaudront d’ailleurs de faire plusieurs séjours dans les geôles du nouveau shériff de la ville, l’incorruptible Daniel Simon, que Hank déteste cordialement pour sa droiture et son honnêteté, autant de qualités qui lui font défaut.

Myra et Horace Bing, c’est la touchante histoire d’amour entre deux personnages que tout oppose : elle, la prostituée prisonnière d’un contrat odieux avec Hank, et lui, le télégraphiste qui pensait ne jamais plaire à aucune femme en raison de son physique ingrat. Leur mariage apparaît donc d’autant plus réussi qu’il est quasi miraculeux. Cependant si tout semble aller pour le mieux pour le jeune couple, Myra avoue à Dorothy et Grace dans l’épisode « L’expédition » que sa vie avec Horace est trop normale à son goût, ce qui lui donne envie de sortir de ce cocon pour se réaliser par elle-même. C’est cette routine qui aura finalement raison de son mariage et que Myra fuira pour mener son propre destin. Ainsi, après avoir travaillé comme caissière de la banque de Preston, elle accepte un poste à responsabilité dans une banque de St Louis. Cette séparation plonge Horace dans une profonde dépression nerveuse nommée à l’époque mélancolie, ce qui fait revenir un temps Myra auprès de lui. Mais en dépit de sa joie de la revoir, il refuse qu’elle abandonne sa vie professionnelle pour lui d’autant qu’il sait qu’elle finirait par le regretter. Horace laisse donc une nouvelle fois repartir Myra et sa fille Samantha pour St Louis tout en promettant à cette dernière qu’il viendra régulièrement la voir et sera toujours présent à chaque étape importante de sa vie.

Le révérend Timothy Johnson qui, inside joke, porte le même nom que le co-producteur de la série, est un ancien joueur de poker professionnel doublé d’un escroc de haut vol. Devenu homme de foi, il s’installe à Colorado Springs pour fuir les souvenirs de sa vie passée de délinquant dans les grandes villes de l’Est. Le Révérend Johnson est le responsable involontaire de la venue de Michaela dans le Colorado, celle-ci ayant répondu à l’annonce passée par lui dans le Boston Globe, recherchant un médecin suffisamment intrépide pour venir exercer dans l’Ouest sauvage. Quelle ne fut pas sa surprise quand, croyant attendre un homme médecin, il vit finalement débarquer une femme vêtue d’une robe somptueuse mais bien peu appropriée pour marcher dans les rues boueuses de Colorado Springs ! Au contact de Michaela, dont il apprécie la vivacité d’esprit et l’altruisme, le Révérend va sortir de son attitude consensuelle pour prendre parti sur des questions essentielles de société comme la place des minorités dans la communauté. Sa qualité de membre du conseil municipal va également l’obliger à prendre position et il sera ainsi souvent amené à trancher d’importantes questions lorsqu’il y aura égalité de voix, Mike et Horace s’opposant systématiquement aux votes réactionnaires de Loren et de Jake. Seront ainsi adoptés grâce à lui l’autorisation du colportage par des commerçants juifs dans les rues de Colorado Springs dans l’épisode « Le premier Noël » et le retrait d’une enfant à son tuteur légal pour maltraitance dans « De la permanence dans le changement ». Au cours de la quatrième saison, le Révérend aura à faire face à une épreuve tout aussi brutale qu’inattendue : suite à une inflammation de ses nerfs oculaires à la cause inconnue, appelée en termes médicaux névrite, il perd définitivement la vue. C’est grâce à la patience de Michaela et au soutien de Loren qui l’accueille chez lui que le Révérend trouvera le courage de surmonter son handicap. Il découvrira notamment que cette situation n’a pas que des inconvénients, le fait d’être aveugle lui permettant de développer d’autres facultés comme l’écoute d’autrui.

Robert E. le maréchal-ferrant noir, pour qui « la souffrance est une vieille habitude », comme il le dit au Dr Quinn dans « Une visite inattendue », est un ancien esclave qui a fui avec son frère et le fils de celui-ci la plantation de son maître, véritable tortionnaire qu’il a finalement tué en état de légitime défense. En raison de ce passé douloureux, il sait donc mieux que personne ce que les préjugés veulent dire et à ce titre il est toujours le premier à défendre avec Sully, qui est son meilleur ami, la cause des Indiens. Artisan de premier ordre, il est souvent amené à faire la démonstration de ses talents notamment dans l’épisode « Le défi de Robert E. » où il répare, en un temps record, la locomotive de ravitaillement de matériaux de la Compagnie de chemin de fer qui, sans lui, aurait vu les grands travaux ferroviaires prendre un retard irrattrapable. Ce travail de réparation effectué pour le compte de cet important client donne à Robert E. une dimension qui lui permet ainsi d’avoir son mot à dire sur toutes les questions importantes concernant la ville, ce qui lui était jusqu’alors refusé en raison évidemment de sa couleur de peau. Il deviendra même conseiller municipal lors du second mandat de Jake, obligeant ainsi celui-ci à respecter ses promesses électorales quant à la place plus importante qu’il entendait donner aux minorités raciales. Il est donc parvenu à se voir reconnaître comme membre à part entière de la communauté de Colorado Springs grâce à ses mérites professionnels, tout comme sa femme Grace le sera, à son tour, grâce à ses dons de cuisinière.

 

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Originaire de la Nouvelle-Orléans, Grace débarque à Colorado Springs en compagnie de Melle Olive dont elle est la cuisinière et qu’elle suit partout dans ses déplacements à travers le pays pour vendre son bétail. Elle y retrouve Robert E. dont elle est amoureuse, et celui-ci le lui rend bien d’ailleurs, mais ni l’un ni l’autre n’ose se déclarer sa flamme et le caractère d’ours mal léché de Robert E. n’incite pas Grace à franchir le pas. Ils finiront cependant par se marier à l’église du Révérend Johnson, celui-ci ayant accepté de montrer l’exemple en ouvrant les portes de sa paroisse aux minorités raciales, grâce à Michaela. Etant un cordon bleu de tout premier ordre, Grace, encouragée par la même Michaela, ouvre son propre restaurant qu’elle installe dans l’arrière-cour de la forge de Robert E, activité qui ne sera pas sans difficulté en raison des préjugées raciaux de certains, comme Hank, qui l’accuse de l’avoir empoisonné avec son ragoût alors qu’en réalité, c’est la viande parasitée qu’il mange crue qui le rend malade. Outre ses dons culinaires, elle est également une excellente chanteuse, ce dont elle nous donne un aperçu dans « La mine » où elle interprète un gospel accompagnant les prières des habitants pour Matthew, prisonnier d’un éboulement au fond de la mine où il travaille. Grace a donc, a priori, tout pour être satisfaite de sa vie : une situation professionnelle et un mariage réussis. Il y a cependant une ombre dans ce tableau heureux  : Grace ne peut pas avoir d’enfant ce qui la mine quotidiennement au point d’ailleurs que lorsque Sully et le Dr Mike lui demandent de garder un bébé cheyenne, seul enfant rescapé du massacre de Washita, elle ne veut plus le restituer à Nuage Dansant qui désire le confier à une tribu cheyenne campant dans le Nord du pays. Comprenant qu’il est de l’intérêt de l’enfant qu’il soit élevé parmi les siens, c’est la mort dans l’âme qu’elle consent à rendre ce bébé auquel elle s’est fortement attachée. Robert E. et elle finiront cependant par adopter Anthony, un jeune orphelin noir souffrant d’une affection inconnue, qui comblera le couple en mal d’enfant, malheureusement pour une courte durée puisque le jeune garçon succombera à sa maladie sans que le bon Dr Quinn puisse y remédier. Cet événement tragique va plonger Grace dans un profond désespoir qu’elle va noyer dans l’alcool avant de se ressaisir grâce au soutien de se amis et à l’amour de Robert E. dont elle se séparera d’ailleurs un temps mais avec lequel elle finira par se réconcilier. Profondément humaine et dotée d’un humour piquant, Grace est un des personnages les plus attachants de la série.

Melle Olive, portant Stetson et revolver, revient à Colorado Springs dans le second épisode de la série, « L’épidémie » : riche propriétaire terrienne locale, elle est respectée et crainte de tous. Elle se croit, en outre, en droit de s’accaparer les enfants Cooper sous prétexte qu’elle était, selon elle, la meilleure amie de leur mère. Il n’en reste pas moins que cette dernière a confié sa progéniture à Michaela qui n’entend pas se laisser évincer de la sorte et aura, dès lors, à coeur de montrer qu’elle est digne de la confiance que Charlotte a placée en elle. Elles deviendront finalement amies, Olive constatant que la petite bourgeoise de Boston a une forte personnalité et un courage à toute épreuve qui ne peut que forcer l’admiration. Olive disparaîtra cependant rapidement, ce personnage n’ayant pas eu l’honneur de plaire aux fidèles de la série qui le jugeaient trop agressif. Il sera remplacé par Dorothy Jennings qui deviendra l’un des protagonistes les plus appréciés du show.

A cette galerie de personnages principaux viendront, au fil des saisons, s’ajouter d’autres protagonistes des plus intéressants, comme Dorothy Jennings, belle-soeur de Loren et animatrice de La Gazette, le quotidien de la ville qu’elle a elle-même créé. Très proche de Michaela, elle oeuvre tout comme elle pour le rapprochement des peuples et, s’intéressant de près à la culture cheyenne, elle va lier des relations d’amitié puis tomber amoureuse de Nuage Dansant dont elle veut écrire l’histoire, ce qui ne sera évidemment pas du goût des habitants de Colorado Springs, tout comme ne le sera pas non plus son premier livre intitulé My Town qui les dépeint tels qu’ils sont et non comme ils croient être. Toute vérité n’étant pas bonne à dire ni, en l’occurrence, à écrire, cet ouvrage sèmera la discorde qui cependant ne durera pas, la petite ville reconnaissant finalement la sincérité et le talent d’écriture de Dorothy. Cette dernière signera d’ailleurs un substantiel contrat littéraire avec un éditeur de Denver tout en continuant à diriger La Gazette qui contre vents et marées deviendra un quotidien estimé pour l’objectivité de sa rédactrice en chef.

Avec la troisième saison apparaît le banquier Preston Lodge III. Tout comme Michaela il est issu de la haute société de Boston, mais c’est bien là leur seul point commun car autant Michaela est altruiste et humaine autant Lodge est un affairiste au sourire carnassier à la J.R. Ewing, froid et machiavélique. Expatrié dans le Colorado pour échapper à l’emprise des son illustre père, directeur de la National Trust Bank de Boston, qui l’a toujours jugé incapable de réussir par lui-même, Preston a à coeur de relever ce défi en devenant un homme d’affaires redoutable à l’image des Andrew Carnegie et John D. Rockfeller qui, à l’époque, étaient les symboles du triomphe du capitalisme. Prêt à tout pour gagner la course au profit, il tente de détourner les règles de la Charte de la ville régissant le fonctionnement du conseil municipal pour faire approuver par celui-ci son projet d’hôtel casino. Par ailleurs, il ira jusqu’à engager Andrew, jeune médecin brillant et stagiaire de Michaela, pour faire concurrence à cette dernière et capter ainsi sa clientèle afin d’alimenter celle du centre thermal qu’il a fait bâtir à proximité des sources chaudes de la ville: le Château des Sources. Cependant, à force de jouer avec le feu, Preston finira par se brûler : ayant spéculé en bourse avec l’argent de ses clients, il perd l’intégralité de ses investissements lors de la crise boursière de 1872. Ruiné, il est contraint de vendre sa banque et son hôtel de luxe mais ne s’avoue pas pour autant vaincu : « Si vous croyez que je suis fini, ici, vous vous trompez ! », lance-t-il à Michaela et Sully sur un ton de défi. Toujours est-il qu’il n’a pas réapparu dans les téléfilms faisant suite à la série...

Apparaissant à la fin de la quatrième saison, Andrew Cook est un jeune et brillant médecin qui, une fois ses études achevées, a préféré parfaire ses connaissances auprès d’un médecin de campagne dévoué et désintéressé comme Michaela que d’exercer en qualité d’associé dans le prestigieux cabinet de son père, le Dr Charles Cook, praticien réputé de Boston. Après avoir passé un temps auprès du Dr Quinn, Andrew accepte l’offre alléchante de Preston Lodge de prendre la direction de la clinique du Château des sources. Ce poste s’avère très vite, pour le jeune médecin, une prison dorée où il n’est amené à soigner que de vieux et riches hypocondriaques auxquels, sous la pression constante de Preston toujours plus préoccupé par le profit que par le bien-être des gens, il prescrit des potions fabriquées et vendues par le Château des sources mais dont les vertus médicinales sont des plus douteuses. Désormais plus VRP que médecin, le jeune Andrew a le sentiment de perdre son temps avec Preston mais il ne se résout pourtant pas à démissionner, n’ayant aucun envie de quitter Colorado Springs où il a trouvé l’amour en la personne de Colleen. Il attendra donc que celle-ci achève ses études secondaires pour la demander en mariage et partir avec elle à Philadelphie puis à Boston où elle entend étudier la médecine.

Theresa Morales, apparaissant quant à elle au début de la quatrième saison, est une jeune Mexicaine dont le mari a été tué dans la montagne par un couguar. Elle devient, avec l’appui de Michaela et de Jake, l’institutrice de l’école de Colorado Springs. Le fait de se retrouver veuve jeune va considérablement durcir la jeune femme au point de la faire apparaître froide, distante et surtout indifférente à certaines causes comme le combat de Grace et de Robert E. pour scolariser leur fils adoptif Anthony avec les enfants blancs. Le personnage gagnera en sensibilité lorsqu’elle rencontrera de nouveau l’amour en la personne de Jake Slicker qu’elle épousera contre l’avis de sa tante mais avec la bénédiction de son cousin Carlos, prêtre de son état, qui célèbrera son mariage au côté du Révérend Johnson.

Apparaît également au cours de la quatrième saison un personnage important : Daniel Simon, le meilleur ami de Sully. Ils se connaissent depuis leur enfance à New York et sont partis ensemble prospecter dans l’Ouest. Quand Sully s’est installé à Colorado Springs et a épousé Abigael Bray, les deux amis se sont séparés mais ils sont restés en contact. Daniel a continué sa quête de l’or et a fini par en trouver, nouvelle dont il a immédiatement fait part à Sully qui s’est empressé d’aller l’aider à mettre son exploitation en fonctionnement, à la grande surprise de Michaela des plus étonnée que son mari réponde aussi rapidement à la sollicitation de Daniel en laissant femme et enfants seuls pendant plusieurs mois. Mais ce qu’elle ne sait pas encore c’est qu’entre ces deux là c’est à la vie à la mort : ils sont comme des frères pensant et réagissant de la même façon. Elle l’apprendra d’ailleurs très vite quand Daniel leur rendra visite. Bien que Daniel tombe éperdument amoureux d’elle, cet amour ne viendra jamais empiéter sur son amitié avec Sully qui est plus précieuse à ses yeux que les sentiments qu’il éprouve pour Michaela. C’est pourquoi il préfère partir mais reviendra à la rescousse, à la demande de Brian, quand Sully, recherché par l’armée pour trahison, erre seul dans la forêt grièvement blessé. Il finit par le retrouver parce que, le connaissant à la perfection, il est capable d’anticiper chacun de ses gestes pour survivre seul dans la forêt. Il aide ensuite Michaela à cacher son époux jusqu’à ce que la situation soit résolue. Par la suite, Daniel deviendra le nouveau sheriff de Colorado Springs après la démission de Matthew et sera très apprécié des habitants de la ville pour son dévouement, son honnêteté et sa gentillesse, à tel point d’ailleurs que lorsqu’il projette de quitter se fonctions dans « Noel en famille », ils mettent tout en oeuvre pour lui faire changer d’avis. Daniel est l’archétype de l’ami idéal, celui sur lequel on peut compter en toute circonstance. John Schneider, son excellent interprète que l’on peut voir actuellement dans Smallville, en campant une figure rassurante n’est pas sans rappeler Gary Cooper qui dégageait également une force tranquille et une sérénité à toute épreuve. Daniel est un personnages extrêmement intéressant et l’on ne peut regretter qu’il n’ait été introduit tardivement dans la série que pour pallier une éventuelle défection de Joe Lando qui souhaitait quitter le show au cours de la cinquième saison pour, semble-t-il, incompatibilité d’humeur soudaine avec Jane Seymour.

Mais parmi les personnages réguliers de la série, le plus emblématique est incontestablement Nuage Dansant, sorcier cheyenne, meilleur ami de Sully et qui deviendra également celui du « Dr Mike » à qui il transmettra ses connaissances médicales indiennes, précieux héritage de ses ancêtres. Ce personnage est aussi éminemment symbolique en ce qu’il est le seul survivant de Washita, ce qui fait de lui le dernier dépositaire de la culture cheyenne dont il est la mémoire, mémoire que Dorothy désirera perpétuer à travers un livre consacré à son histoire et à celle de son peuple. Après le massacre de Washita Nuage Dansant est allé vivre à la réserve de Palmer Creek mais la brutalité des soldats à son encontre l’a convaincu de s’associer au plan de Sully pour s’enfuir de la réserve avec les autres Indiens. Ayant rejoint la tribu des Cheyennes des terres du Nord à Tomb River Valley, il ne peut cependant pas s’empêcher de revenir de temps à autres aux alentours de Colorado Springs pour revoir Dorothy dont il est tombé éperdument amoureux quand il l’aidait à rédiger son livre sur le peuple Cheyenne. C’est d’ailleurs à l’occasion d’une de ces incursions autour de la ville qu’il est capturé par Hank qui demande à Daniel Simon, le nouveau sheriff de la ville, de l’arrêter pour avoir violé le traité lui interdisant, depuis qu’il s’est enfui avec les autres Indiens de la réserve, de réapparaître dans les environs. Mais grâce aux conseils juridiques avisés de Matthew, Michaela et Sully vont une nouvelle fois sauver la mise à leur ami cheyenne : en s’appuyant sur l’exemple de Denver, ils réussissent, avec leur pugnacité habituelle, à convaincre la majorité des membres du conseil municipal de Colorado Springs d’octroyer à Nuage Dansant le statut de citoyen protégé qui lui permettra de se déplacer librement, sans être inquiété par l’armée, entre les terres du Nord où s’est fixé son peuple et cette bonne ville de Colorado Springs où il peut désormais établir ses seconds quartiers, ce que d’ailleurs il ne se privera pas de faire pour rester auprès de Dorothy. Nuage Dansant est le personnage le plus représentatif de l’esprit de la série de Beth Sullivan, à la fois plein de bons sentiments et doté de qualités pédagogiques et humaines indéniables. La crédibilité du personnage doit beaucoup à la personnalité de Larry Sellers, authentique Cheyenne qui a consacré sa vie à la reconnaissance et à la préservation de la culture indienne. A ce titre il est un membre actif de l’« American Human Association » qui sponsorise d’ailleurs la série.

 


La série est également servie par un certain nombre de personnages récurrents qui ont tous en commun d’être des figures fortes au caractère bien trempé, que le téléspectateur peut difficilement oublier après les avoir vus à l’écran. Les plus marquantes d’entre elles sont indiscutablement Kit Cole et sa femme Ruth l’évangéliste. Faire appel à un chanteur de Country de renommé internationale comme Johnny Cash pour interpréter Kit Cole, tireur d’élite et légende de l’Ouest Américain, confère au personnage un caractère d’authenticité indéniable. Cash ne sera d’ailleurs pas le seul country man enrôlé dans la série, Kenny Rogers tenant le rôle de Daniel Watkins, un photographe diabétique dans l’épisode « Le portrait », et Willie Nelson celui du Marshall Elias Burch dans les épisodes « La légende » et « Vengeance ». Kit Cole n’a pas choisi de devenir tireur d’élite, il l’est devenu malgré lui, en tuant une fine gâchette du Texas qui l’avait défié. Depuis, partout où il va il y a toujours quelqu’un pour le provoquer en duel. Sa réputation s’est ainsi faite sur un enchaînement de circonstances qu’il n’a pas voulu et qui l’oblige à fuir de ville en ville. Mais la vieille légende en a assez de cette vie errante et périlleuse. Aussi, lorsqu’il débarque à Colorado Springs, c’est avec la ferme intention d’y poser définitivement ses valises, d’autant qu’il est atteint de tuberculose, maladie incurable qui le ronge inexorablement. C’est alors qu’il rencontre Ruth l’évangéliste et trouve ainsi auprès d’elle à la fois l’amour et la rédemption. Ruth symbolise ce retour au spirituel de l’Amérique de l’après-guerre civile qui a vu se multiplier toutes sortes de communautés religieuses : évangélistes, quakers ; mormons… Elle représente également face à Michaela l’antagonisme ancestral foi-médecine, ce qui envenimera les relations des deux femmes avant qu’elles ne deviennent finalement les meilleures amies du monde. L’amitié de Michaela lui sera d’ailleurs des plus précieuse quand son couple battra de l’aile, Kit Cole désirant divorcer parce qu’il sent sa santé se dégrader et veut ainsi épargner à son épouse la pénible épreuve de le voir progressivement mourir de la tuberculose. Il a seulement oublié que Ruth s’est uni à lui pour le meilleur et le pire, ce que cette dernière ne manque d’ailleurs pas de lui rappeler. Les paroles rassurantes de son épouse finissent par faire renoncer kit Cole à son projet de séparation, à la grande satisfaction de Michaela et de Sully qui, comme toujours, ne veulent que le bonheur de leurs amis.

Dans la catégorie légende de l’ouest, outre Kit Cole, figure également Elias Burch, Marshall à la réputation d’aventurier à la gâchette facile qui aurait tué une centaine d’hommes, rumeurs qui ne sont selon l’intéressé « que des histoires inventées par les journalistes pour vendre leurs papiers à sensation ». Elias confie, en effet, à Matthew, venu lui prêter main forte dans la capture du gang Sterett, qu’il a toujours utilisé son arme de manière parcimonieuse depuis qu’il a provoqué, par son impulsivité liée à ses jeunes années, la mort de ses compagnons marshalls quand ils étaient sur la piste de dangereux criminels. Cet événement tragique lui a appris à se servir de sa tête pour neutraliser les pourchassés sans tirer un seul coup de feu. A son contact Matthew fait l’apprentissage de son métier de sheriff et considère, de ce fait, Burch comme un mentor. Ce sera donc, pour lui, un honneur de défendre cette légende de l’ouest lorsqu’elle se retrouvera accusée de meurtre dans l’épisode « Vengeance ». Burch est un personnage marquant de par la personnalité atypique de son interprète Willie Nelson, chanteur country et ardent défenseur de la cause et de la culture américaines, dont la fibre patriotique exacerbée sied à merveille à cette vieille figure de l’Ouest.

La famille du Dr Quinn tient également une place de choix parmi les personnages récurrents de la série, sa mère et ses soeurs, Rebecca et Marjorie, revenant, en effet, dans plusieurs épisodes. Mme Quinn, inflexible et dure, apprendra au fil de ses apparitions à devenir moins intolérantes et plus modérée dans ses opinions. Mais c’est véritablement le personnage de Marjorie qui connaîtra l’évolution la plus inattendue et certainement la plus spectaculaire en passant de la peau d’une bourgeoise arrogante et méprisante affublée d’un mari aussi guindé qu’elle à celle d’une femme fraîchement divorcée, totalement libérée, prônant l’amour libre et militant pour les droits de la gent féminine, au grand dam de Mme Quinn qui trouve cette attitude scandaleuse et indigne de son rang. Marjorie, en débarquant à Colorado Springs avec ses idées nouvelles, va révolutionner les moeurs de la ville, d’une part en entretenant ouvertement une liaison avec Loren de vingt-cinq ans son aîné, dont elle est follement éprise, et d’autre part en faisant prendre conscience aux femmes de leur valeur et de leur véritable place dans la communauté. La mort de Marjorie, lors d’une épidémie de diphtérie, fait réaliser à chacun quelle importance elle a joué dans leurs vies en prônant la tolérance, la solidarité et l’égalité des chances. Michaela, quant à elle, finit par se rendre compte qu’elle ne connaissait pas la vraie Marjorie qui n’était finalement pas très différente d’elle.

On ne peut évidemment pas oublier de citer parmi les récurrents de la série, le Dr Cassidy, personnage d’autant plus truculent qu’il est interprété par Jerry Hardin, excellent en médecin de la vieille école, un rien macho, qui ne supporte pas l’idée qu’une femme puisse prétendre exercer la médecine. Inutile donc de dire que ses confrontations avec Michaela ne manquent pas de piquant, elle, lui rappelant sans cesse que son manque de tact n’a d’égale que sa goujaterie et lui, lui renvoyant à la figure qu’elle serait bien mieux devant ses fourneaux qu’à la tête d’une clinique ! En dépit de sa rudesse, le Dr Cassidy est un excellent médecin, ce que reconnaît d’autant plus volontiers Michaela que celui-ci, grâce à sa prompte intervention, lui évitera de perdre l’enfant qu’elle attend dans « Mort ou vif ».

On peut encore mentionner Welland Smith, Président du Bureau national du patrimoine naturel créé par l’administration Grant, et créateur du Parc national de Yellowstone dans le Wyoming, qui maintes fois intercède auprès des autorités militaires locales en la faveur de Sully, tout comme lui ardent défenseur de l’environnement. Ethan Cooper, l’indigne mari de Charlotte doublé d’un escroc patenté, qui débarque à Colorado Springs dans « Jour de fête » où il tente de voler l’argent qui va servir à la construction de l’école et qui ose faire son retour dans « Cooper contre Quinn » où il tente d’emmener les enfants avec lui à San Francisco. On n’oubliera pas non plus Jebediah Bancroft, le banquier raciste et membre actif du Ku Klux Klan, qui refuse d’accorder un prêt à Michaela sous prétexte qu’elle est une femme.

 

 

Les figures épisodiques de la série ne manquent pas non plus d’épaisseur : parfois hautes en couleurs, souvent émouvantes, elles ont toutes en commun d’être des personnages à part extrêmement attachants. Ainsi en est-il de Lucius Slicker, le père de Jake, qui au crépuscule de sa vie tente de renouer avec son fils ; de Martin Chesterfield, brillant homme de science se prenant pour un oiseau, que sa riche famille considère comme un fou alors qu’il est un visionnaire de génie rêvant de conquérir le ciel ; et d’ Isabelle Dupré, artiste peintre talentueuse atteinte de la lèpre, condamnée à errer de ville en ville et qui espère trouver un moment de répit et de repos à Colorado Springs. Mais le personnage occasionnel le plus marquant est incontestablement Samantha « Sam » Lindsay de « La paix des cimes », professeur à la retraite atypique, portant pantalon d’homme et au parler vrai, amoureuse de la nature et de la littérature anticonformiste de Ralph Waldo Emerson dont les écrits prônant l’égalité des hommes et l’abolition de l’esclavage ont été la bible des Etats de l’Union pendant la guerre de sécession. Sam est une de ces rares personnalités que l’on peut difficilement oublier après avoir fait sa connaissance. Sa rencontre avec cette dame hors du commun bouleversera Michaela au point de voir en elle la mère qu’elle aurait aimé avoir. La complicité entre les deux femmes est telle que « Mike » a le sentiment d’avoir toujours connu Sam : « C’est étrange, on dirait que vous lisez à travers moi », lui dit-elle. Malheureusement, Sam est atteinte d’une leucémie et souhaite mourir en paix au sommet du Spike’s Peak, en admirant une dernière fois les splendeurs de la nature. Michaela, qui l’a suivie dans cette ascension, l’accompagne dans les derniers instants de sa vie. Elle s’éteindra dans les bras de notre bon docteur, avant d’atteindre le sommet, au moment même où Myra mettra au monde sa fille qu’elle prénommera Samantha, ce qui est évidemment tout un symbole. L’ultime scène de l’épisode est très émouvante : auprès du corps de son amie, « Mike » lit un passage de l’ouvrage d’Emerson La paix des cîmes que Sam lui a donné avant de mourir et qui est aussi le titre de l’épisode, en forme d’hommage à l’écrivain qui a marqué son temps : « La vie continue. Nous courons après un but qui nous échappe mais il nous suffit de rencontrer un ami pour nous arrêter. Notre course effrénée paraît alors dérisoire ». Le personnage de Sam Lindsay, qui n’apparaît pourtant que dans un seul épisode, restera dans la série une figure marquante, par toutes les valeurs qu’il véhicule, comme l’illustre l’épisode « L’expédition » où, pour commémorer le premier anniversaire de la mort de Sam, Michaela entreprend d’escalader le Spike’s Peak. Tout comme son amie, elle n’atteindra pas le sommet mais elle comprendra que l’important était de tenter de prolonger le rêve de Sam et de perpétuer ainsi sa mémoire.

Parmi les personnages occasionnels, on peut encore citer l’oncle de Michaela, Theodore « Teddy » Quinn, dans l’épisode « Dernier récital », qui ne s’est jamais remis de la mort de son fils, Carlton, lors de guerre de Sécession, décès dont il a toujours tenu responsable le père de sa nièce qui a encouragé le jeune homme à s’engager dans l’armée de l’Union alors que, pacifiste dans l’âme, il y était formellement opposé. Ayant appris la mort de son fils à Gettysburgh, M. Quinn s’est rendu sur les lieux après la bataille et a marché pendant des heures au milieu des cadavres pour retrouver celui de Carlton. Après cette tragédie, il a quitté Boston pour New York et a commencé un tour du monde en donnant de nombreux récitals. De passage à Colorado Springs, il va, grâce à sa nièce, faire table rase du passé : « laissez désormais partir Carlton » lui dit-elle lorsqu’il est tenté de transférer ses sentiments paternels sur Brian dont il entend faire un grand concertiste à son image contre l’avis de celle-ci.

Les personnages réels sont également des figures épisodiques marquantes de la série. Outre le Président Ulysse Grant sur lequel nous reviendrons ultérieurement, on songe évidemment à Walt Whitman dans « Le corps électrique », épisode qui dénonce l’homophobie des habitants de Colorado Springs envers cet éminent écrivain, chantre de l’amour et de la liberté, qui a écrit les plus beaux poèmes de la littérature américaine. Mais ses moeurs dérangent à une époque où l’homosexualité était perçue comme une maladie mentale comme le montre parfaitement l’épisode où le Dr Quinn, pourtant large d’esprit, n’en est pas moins inquiète que Brian passe beaucoup de temps avec l’écrivain. Elle cherche d’ailleurs une explication médicale au comportement sexuel de l’écrivain tandis que Andrew suggère que la place des homosexuels est dans un hôpital psychiatrique ! Grâce à son art, Whitman se sent au-dessus de la bêtise humaine : c’est ce qu’il explique à Brian, sous l’oeil inquiet mais bienveillant de Michaela qui, cachée derrière des arbustes, écoute leur conversation : « Il faut utiliser les mots pour guérir et non pour blesser. Il faut chanter l’amour aux quatre coins de cette merveilleuse terre vierge. Je suis un chanteur de mots. Etre poète c’est respirer, c’est être un arbre dans la forêt qui plie sous le vent et sent la sève couler dans ses veines ». Touché par ses paroles, Michaela se range finalement du côté de Walt Whitman, qui est d’ailleurs le poète préféré de Sully (« Ses poèmes sont le reflet de mon coeur »), et lui apporte son soutien afin que la lecture publique de ses oeuvres soit maintenue. C’est donc devant un public restreint mais à l’esprit ouvert, au premier rang duquel se trouvent la famille Sully, Dorothy et même le Révérend Johnson, que Whitman lit l’un de ses plus beaux poèmes, « I sing the body electric » qui clôt superbement cet épisode.

Dr Quinn, Femme médecin, à l’instar de La petite maison de la prairie, est une chronique de la vie quotidienne d’une petite ville du Colorado à travers les destins croisés de divers personnages attachants susceptibles de fidéliser les téléspectateurs. Mais la série de Beth Sullivan va cependant plus loin en confrontant ses protagonistes aux réalités de leur époque partagée entre un passé marqué par une guerre civile meurtrière, qui vient de s’achever en laissant le pays dans un profond chaos, et un avenir placé sous le signe du progrès et de la modernité sous l’impulsion des découvertes techniques et scientifiques.

 

Dossier poursuivi dans Arrêt sur Séries 17 par l’analyse : 2- Portrait réaliste d’une jeune nation en devenir

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