par Didier Liardet
Yris, 1997, 184 p., 89 F.
Ce livre reste d’actualité puisque Galactica a fait un retour remarqué à travers l’édition de la série « classique » sous forme d’un coffret DVD soigné (une tête de Cylon) et agrémenté de bonus justement remarquables, et plus récemment encore avec le lancement de SciFi sur CanalSatellite, qui a permis de revoir la série originelle mais également sa séquelle, autrement plus rare, Galactica 1980. A l’heure où la nouvelle mouture concoctée par Ronald D. Moore et David Eick, justement pour SciFi, est elle-même justement remarquée, la lecture du livre de Didier Liardet semble donc s’imposer.
Galactica, L’Odyssée des étoiles fut le premier titre d’une collection aujourd’hui enrichie de plusieurs autres signés également, pour la plupart, par Liardet et publiés chez l’éditeur Yris. Dédiée à la mémoire télévisuelle et spécialement à ses « perles » en général gratifiées du statut de « culte », Télévision en Série reste une collection indispensable par la qualité de son contenu, son iconographie exemplaire réunie à force de recherches forçant l’admiration et la qualité de son support, un papier glacé mettant en valeur les illustrations parfois rares.
Edité avant que la collection dans laquelle il s’inscrit désormais, le livre présente une étude moins approfondie que les titres suivants mais demeure l’ouvrage le plus complet publié en France sur la série de Glen A. Larson. Fidèle à son habitude initiée chez l’éditeur DLM, où il publia un Mystères de l’Ouest et un Mission : Impossible, Liardet revisite la genèse de la production et la biographie des créateurs, producteurs, techniciens et/ou acteurs majeurs du programme, mettant toutefois l’accent sur l’analyse thématique et filmique. Galactica est ainsi replacée dans son contexte de « série militaire », définition qui n’allait peut-être pas de soi à l’époque, où on la voyait essentiellement comme un succédané de Star Wars, mais qui est aujourd’hui évidente. Si Glen Larson est l’artisan principal de la série, la collaboration de Donald Bellisario, tout juste sorti des Têtes Brûlées et bientôt engagé par Universal pour revoir le script de Larson pour Magnum P.I., a depuis fait l’objet d’une remise en perspective, à la lumière de la carrière future du producteur-scénariste. On mesure ainsi l’influence de Bellisario sur l’aspect militaire du show mais également, sans doute, sur le substrat religieux développé au fil des épisodes, qui n’est pas sans rappeler de futures déclinaisons du bonhomme. On a rappelé par exemple que l’un des épisodes de Galactica place l’un de ses héros dans le corps d’un autre, à l’instar de ce qui fera la nature même de Code Quantum bien des années plus tard ; or, il n’est plus un secret aujourd’hui que c’est précisément à l’époque de Galactica que Bellisario a commencé à travailler sur le concept de Code Quantum, qu’il ne portera à l’écran qu’après l’arrêt de Magnum.
L’ouvrage de Liardet permet de se remémorer par la lecture et l’image les épisodes de la série classique ainsi que les dix suivants, diffusés sur la défunte Cinq sous le titre de Galactica 1980 et, aux Etats-Unis, dans la grille du samedi matin dédiée… au jeune public ! On y découvrait un équipage reconstitué parvenant enfin sur la Terre et y vivant des aventures qui n’avaient plus grand-chose à voir avec l’odyssée biblico-cosmique de la série originelle, hélas trop coûteuse. Mais on entre aussi dans les coulisses de la production de cette dernière, aujourd’hui plus connues, pour constater à quel point le tournage de la série fut un parcours du combattant réalisé en dépit du bon sens sous le diktat de la chaîne ABC : alors que Larson, conscient du coût d’un tel programme, souhaitait réaliser une suite de téléfilms, le network insista pour la mise en chantier d’une série hebdomadaire alors que les scénarii n’étaient pas prêts et que les effets spéciaux eussent exigé bien plus de temps que n’en laissait la livraison d’un épisode par semaine. Pour ne rien arranger, George Lucas intenta à la production un procès en plagiat, dénonçant les ressemblances entre la série et Star Wars, succès-surprise de la fin des années 70 appelé à devenir un phénomène de société mondial.
Il est intéressant de rappeler qu’Universal gagna le procès en invoquant les sources bibliques de la série, dont l’acteur principal, Lorne Greene, est en quelque sorte l’incarnation. Greene reste en effet associé pour l’éternité à son rôle de patriarche dans Bonanza et était l’acteur tout indiqué pour endosser le vêtement métaphorique de Moïse guidant son peuple vers la Terre promise, poursuivi par les Cylons comme les Hébreux par les Egyptiens. Le contenu religieux de la série a un fort accent new age aujourd’hui, certes, mais demeure l’un des constituants essentiels de la version 2003, à la lumière autrement plus troublante d’un vingt-et-unième siècle à nouveau dominé par des querelles idéologiques et religieuses. Liardet ne pouvait le souligner en 1997 mais on mesure aujourd’hui la réussite du « réveil » du concept de Larson, dont les fans ne cessaient de clamer le génie depuis deux décennies. Une clameur évidemment à resituer mais la reprise de Moore et Eock démontre la viabilité de l’idée fondatrice de la série originelle et la persistance non seulement d’un concept de fiction mais de ses résonances dans notre société.
D’aucuns ont reproché à l’auteur, à l’époque de la publication, de mettre en avant les défauts de la série originelle plutôt que d’essayer de nous convaincre de ses qualités. Etrange conception de la critique et de l’analyse, que d’encourager un auteur à passer sous silence les carences et l es travers de son sujet ! Au contraire, l’honnêteté de Liardet s’ajoute à la richesse d’un livre dont la lecture procure à la fois le plaisir nostalgique propre aux productions d’hier et le sentiment intellectuelle-ment rassurant que les fans inconditionnels n’ont pas seuls droit de parole dans le petit monde de la « critique » télé. Rendre hommage aux productions du petit écran, c’est d’abord savoir les considérer avec un œil exempt de tout parti pris forcément réducteur si trop engagé.
Thierry Le Peut