Un article de Thierry Le Peut
paru dans Arrêt sur Séries 4 (mars 2001)
A lire aussi :
La production
« Masada est devenu le symbole universel de la lutte pour la liberté », déclarait Peter O’Toole au moment du tournage. « Sur les rives de la Mer Morte, une communauté d’Hébreux a préféré le suicide à l’esclavage. Une tragédie insoutenable. Je rêvais d’un rôle fort, mais j’avoue avoir été surpris par le côté impitoyable de ce général de la Légion. Rien n’est épargné dans ce film. » Comme l’histoire du Titanic, celle de la forteresse juive souffrait au départ d’un sérieux handicap : attestée par l’Histoire, sa fin pouvait être facilement connue de tout téléspectateur un peu curieux. Il fallait donc porter un soin particulier à tous les aspects de la reconstitution afin de retenir le public par la qualité de l’ensemble et pas seulement par l’histoire. Les producteurs ont investi vingt millions de dollars dans le projet et engagé des valeurs sûres pour le porter sur leurs épaules : Peter O’Toole, toujours auréolé de son personnage de Laurence d’Arabie en 1962, retrouve sous un soleil torride l’acteur britannique Anthony Quayle qui fut le colonel Brighton dans le film de David Lean, et face à lui Peter Strauss, qui venait d’incarner le sénateur Rudy Jordache dans les deux volets de Le Riche et le Pauvre, d’après le roman d’Irwin Shaw, prête sa présence au zélote Eleazar Ben Yair. On remarque aussi au générique le nom de David Warner, un visage très connu des sériphiles puisqu’on le croise dans Star Trek ou Total Recall 2070. Son rôle de Pomponius Falco, qui s’oppose brièvement au général Silva campé par O’Toole, lui valut d’ailleurs un Emmy Award du meilleur rôle secondaire. Quant à Barbara Carrera, qui deviendra plus tard une Bond Girl aux côtés de Sean Connery dans Jamais plus jamais et l’adversaire de J.R. dans la huitième saison de Dallas, elle figura aussi au générique de la saga Colorado, avec Robert Conrad et Richard Chamberlain.
De l’autre côté de la caméra, la mini-série offre également des atouts de taille, à commencer par la partition musicale de Jerry Goldsmith, compositeur à succès des musiques de La Planète des Singes, L’Age de Cristal, Star Trek le film et autres Rambo mais aussi de génériques télé comme ceux des Agents très spéciaux et de Police Story. Le thème musical de Masada est une oeuvre forte mêlant la vigueur martiale aux accents orientaux, indissociable du téléfilm. Elle valut à son auteur un Emmy Award. C’est Morton Stevens, l’auteur du thème musical mondialement connu d’Hawai Police d’Etat, qui compléta la partition de Goldsmith pour les deux dernières parties de la saga.
Etant donné l’importance du détail dans le programme, il était essentiel de confier l’un des postes clés, celui du responsable des costumes, à une autre valeur sûre. Nino Novarese, également conseiller technique durant la préparation et le tournage, avait occupé le même poste sur Spartacus en 1960 et reçu un Oscar pour Cléopâtre trois ans plus tard, avant de travailler encore sur La Plus grande histoire jamais contée en 1965. La responsabilité des décors et d’une grande partie de l’aspect visuel du téléfilm fut confiée à John H. Senter, qui avait oeuvré en 1978 sur Colorado, secondé au poste de directeur artistique par George Renne dont on retrouve le nom aux génériques de séries comme Switch, Bonanza, Le Grand Chaparral ou La Petite Maison dans la Prairie. La photographie fut, elle, supervisée par Paul Lohmann, titulaire d’un Emmy Award pour le téléfilm Eleanor and Franklin en 1976 et habitué également à travailler pour le cinéma, notamment sur Meteor en 1979. Quant au montage, il valut à Peter Kirby et Edwin England un Eddie Award pour l’épisode 4 et fut supervisé par John Bloom, nominé à l’Oscar en 1981 pour sa contribution à La Femme du Lieutenant français et qui travaillera l’année suivante sur le Gandhi de Richard Attenborough.
Scénario et réalisation furent confiés également à de vieux routiers de la télévision. Entré dans le « milieu » dans les années cinquante, Boris Sagal venait de diriger Robert Duvall et Lee Remick dans la mini-série Ike et avait signé auparavant trois segments du feuilleton Le Riche et le Pauvre. Crédité au générique de nombreuses séries, du premier Mike Hammer en 1957 à Columbo, Sagal avait aussi dirigé Richard Widmark dans The Omega Man et signé un grand nombre de téléfilms. Il est mort quelques mois plus tard dans le crash d’un hélicoptère lors d’un tournage. Côté scénario, c’est Joel Oliansky, crédité d’un Edgar Award pour l’écriture de la mini-série The Law en 1975, qui signa l’adaptation du roman d’Ernest K. Gann, The Antagonists.
Un tournage épique
Sur les six mois de tournage de Masada, quatre se déroulèrent en Israël, en partie sur les lieux mêmes de l’affrontement entre la Légion romaine et les rebelles zélotes. Peter O’Toole confia d’ailleurs après le tournage les conditions éprouvantes dans lesquelles celui-ci avait eu lieu. « Outre les problèmes gigantesques posés par le ravitaillement en nourriture et en eau, en plein désert, des 300 techniciens et des 500 figurants, l’équipe travailla sous l’emprise d’une véritable malédiction : nous avons été soumis à des températures atteignant parfois 60 degrés, les mêmes qui faillirent décimer jadis l’armée romaine. De même, les tempêtes qui régnèrent à cette époque ont ravagé à trois reprises le camp romain reconstitué au pied de Masada. Ces calamités naturelles s’étaient aussi manifestées il y a deux mille ans ! Des figurants recrutés sur place nous répétaient sans cesse : ‘C’est la vengeance de Dieu ! C’est la vengeance de Dieu !’ D’autres ont même fui le tournage, le visage livide... » (cité dans Ciné Télé Revue)
D’autres problèmes de logistique devaient rendre le tournage difficile. La production en effet reconstitua la rampe d’accès qu’érigèrent jadis les Romains pour atteindre la forteresse construite au sommet d’une montagne. Si les Romains utilisèrent la main d’oeuvre « locale » fournie par des milliers d’esclaves juifs, les techniciens, eux, eurent recours à une infrastructure métallique et il fallut souder 110 tonnes d’acier en deux semaines. De même, l’immense tour au sommet de laquelle les Romains placèrent un énorme bélier pour enfoncer les remparts de la forteresse dut être reconstituée en grandeur nature, équivalant à plusieurs tonnes de bois et d’acier. Le résultat est époustouflant d’authenticité.
Pour accroître le réalisme de la Légion et des milliers de personnages nécessaires à l’authenticité de la reconstitution, le spécialiste des effets visuels Albert Whitlock (L’Homme qui voulut être roi, L’Odyssée du Hindenburg, Airport 77, la mini-série MacArthur) dut, quant à lui, trouver le moyen de créer une armée de cinq mille soldats avec seulement 300 figurants. Un exploit qui passe quasiment inaperçu dans le téléfilm tant il est réussi !