Au sommaire d'Arrêt sur Séries .40.
HOMELAND
saison 1
HIT & MISS
FALLING SKIES
dossier rétro Seventies
SERPICO
> L'édito de ce numéro :
On dit le marché du DVD en dégringolade. La loi Hadopi continue de terrifier les internautes (ceux qu’elle n’amuse pas, du moins). Mais le téléchargement est devenu une donnée objective du marché des films et des séries. Avant leur diffusion en France, c’est par le Net que les séries arrivent jusqu’aux sériephiles, de toutes les façons possibles, légales et illégales. Attendue sur Canal+ à la rentrée, Homelandfait ainsi le buzz en France depuis sa diffusion aux Etats-Unis, il y a un an, et beaucoup l’ont déjà vue. L’injonction des internautes, dictée par l’Internet lui-même, plagie la devise olympique : « Plus vite ! Plus vite ! Plus vite ! » Dans la mesure où il est possible de télécharger, de stocker et de visionner les séries directement sur son ordinateur, comment s’étonner que le DVD devienne obsolète ? Cette évolution est aussi logique que le désintérêt des spectateurs pour les chaînes de télévision : pourquoi se laisser imposer un horaire, de la publicité, parfois de la censure, alors qu’Internet permet de faire très facilement son marché au gré des envies ? Qui ignore encore que les journalistes « spécialistes des séries » se servent eux aussi du Net, seul moyen de suivre en temps réel ce qui se fait ailleurs, essentiellement bien sûr aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et d’en parler à leurs lecteurs avides d’inédit ? Du spectateur au professionnel, le téléchargement n’est donc pas uniquement une pratique illégale, c’est aussi un outil d’information et de promotion. Il est évident que la gratuité n’est pas viable et que les droits d’auteur doivent être protégés. C’est l’argent qui fait vivre l’industrie du cinéma et de la télévision ; réclamer la gratuité pour tout revient à exiger la suppression de cela même qu’on désire avec une ardeur de plus en plus dévorante. C’est tout simplement absurde. Mais il est tout aussi évident que le téléchargement fait désormais partie des stratégies qui permettent de « vendre » un produit sans passer par la case DVD ou chaîne de télévision. Si l’image du téléchargeur-pilleur hante les nuits des pro-Hadopi, il existe aussi des adeptes du téléchargement qui continuent d’acheter des DVD, et que le téléchargement conduit même, peut-être, à acheter des produits qu’ils auraient délaissés sans lui. Une série en appelant une autre, Internet favorise aussi la découverte de programmes qui sans lui seraient passés inaperçus, et conduit l’utilisateur à consommer davantage, ce qui est dans l’intérêt des producteurs et des artistes.
De cet imbroglio naît surtout la nécessité de faire évoluer les medias. De quel intérêt seront demain les chaînes de télévision ? Hier pourvoyeuses uniques, elles sont aujourd’hui concurrencées et dépassées pour ce qui est de la diffusion des séries. L’avenir est du côté des plateformes offrant un accès légal et le plus large possible sur le Net, où se retrouvent certes des pillards sans scrupules mais aussi des amateurs prêts à payer pour cet accès, à condition que l’offre soit transparente et respectueuse des œuvres. En attendant, les chaînes n’ont d’autre choix que de réduire de manière drastique le délai entre la diffusion originale et la diffusion française des séries, comme le fait Orange en proposant Le Trône de Fer ou Falling Skies quelques semaines à peine après la diffusion américaine, meilleure manière de contrer le Net en offrant de surcroît une diffusion respectueuse des génériques si malmenés par les « grandes » chaînes. La pression faite aux chaînes de télévision n’a rien d’extraordinaire : elles sont simplement enjointes de s’adapter au monde qui s’est mis à aller plus vite qu’elles, menacées de se laisser dépasser par leur propre injonction à consommer toujours plus, toujours plus vite. Etant donné les bénéfices que les plus grandes en retirent, qui a envie de les plaindre ?
En attendant, inutile d’aller télécharger quoi que ce soit : les séries dont nous vous parlons ce semestre sont tout juste diffusées en France ou en voie de l’être. Si vous ne les avez pas encore découvertes, vous le pourrez bientôt de façon tout à fait légale… à condition d’être abonnés aux chaînes qui les diffusent ! Dans ce contexte « neuf », nous n’avons pas voulu délaisser la « télé d’hier » (ou d’avant-hier) : si nous l’avions scandaleusement évincée du n°39, Serpico a conservé ses droits sur ce n°40 et vous pourrez tout à loisir plonger ou replonger dans le New York des années 1970 avec le dossier conséquent que nous lui consacrons. Arrêt sur Séries 40 montre combien l’Amérique est menacée, et l’a toujours été : par les terroristes qui rêvent de lui porter un nouveau coup fatal, par la corruption (comme celle de la police dans Serpico), par ses querelles intestines (à l’instar de celle qui décima les familles Hatfield et McCoy au XIXe siècle), par les aliens bien sûr, qui ne sont après tout qu’une autre manière de représenter le danger venu de l’extérieur… mais aussi par les Anglais qui, chassés par la guerre d’Indépendance, persistent à produire des séries originales, insolites et sacrément bien troussées, au point de créer des remous jusque chez l’Oncle Sam (qui, historiquement, serait plutôt le neveu). C’est ce que l’on verra avec Hit & Miss, curiosité sortie de la brume anglaise pour mettre à l’honneur une « héroïne » d’un genre nouveau, littéralement.
Thierry Le Peut