publié en mars 2004 (ASS 16)

par Thierry Le Peut

 

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On le dit séducteur, plus même que son inspirateur littéraire ; aventurier, voire précurseur de James Bond ; increvable, puisqu’après avoir damé le pion aux méchants durant 118 épisodes il est revenu plusieurs fois, sur le petit comme sur le grand écran. D’aucuns l’ont enterré après la version cinéma qui n’a pas raflé la mise mais qui sait ? Et si le Saint n’attendait qu’une nouvelle occasion de faire parler de lui ?

Même si Roger Moore ne déchaîne pas les foules hystériques prêtes à vendre leur chemise pour avoir la primeur de ses exploits en DVD, TF1 Video l’avait annoncé depuis un moment déjà et vient de passer à l’acte : l’intégrale du Saint version Moore sera dans les bacs en juin prochain. Les trois saisons noir et blanc ont ouvert le bal récemment sous forme de trois coffrets, les 47 épisodes couleurs le fermeront donc dans quelques mois. La totalité des 118 épisodes garnira alors les étagères des fans purs et durs, qui mangeront du riz et des pâtes durant quelques semaines, ou quelques mois.

Pour cette sortie événement, TF1 Video n’aura malheureusement pas gratifié les aficionados de suppléments propres à nourrir leurs rêveries ou leur passion : pas un seul bonus n’accompagne les saisons noir et blanc, où les épisodes sont livrés dans une bonne qualité d’image et de son, en vf et vost, un point c’est tout. Il faudra se contenter de quelques anecdotes accompagnant à l’occasion les crédits d’ouverture – mais que l’on est libre de ne pas faire apparaître. C’est peu, certes, mais peut-être la seule existence d’une intégrale en support DVD aura-t-elle force de réjouissance !

Le héros de Leslie Charteris, créé à la fin des années 20 (soit trente ans avant Bond), conserve la légèreté d’un grand enfant qui ne veut pas grandir et dont le monde répond à des règles à la fois simples et brutales. De ce point de vue, la série édulcore évidemment le propos des romans et nouvelles mais trouve en Moore un honorable ambassadeur du personnage défini par Charteris. L’écrivain d’ailleurs agréa le choix du comédien, même s’il eût préféré pour sa part voir Cary Grant incarner le justicier.

Héritier de D’Artagnan et de Robin des Bois sous la plume de Charteris, volontiers qualifié de Don Quichotte, le Saint – surnom dû à ses initiales S.T., pour Simon Templar, et à d’autres éléments dont les aventures littéraires vous livreront les secrets – appartient à cette grande et digne famille des justiciers sympathiques et chevaleresques qui volent aux riches, et de préférence aux escrocs, pour donner aux moins heureux – sans oublier de prélever au passage une honnête commission. Simon Templar ne saurait travailler sans déchoir et à défaut d’être l’héritier d’une grande fortune il a a décidé de se servir dans celle des autres, ayant jugé que ceux-ci, bien souvent, n’en étaient pas dignes.

Après Ivanhoé, Le Saint acheva de faire de Roger Moore l’ambassadeur de la Grande-Bretagne dans le reste du monde, portant haut le flegme britannique et l’élégance propre aux gentlemen de son pays. Au point que la version suivante du personnage, réalisée à partir d’une graine plantée dans l’épisode « The ex-King of Diamonds », accèdera à l’aristocratique respectabilité qui faisait défaut au Saint : celle de Lord Brett Sinclair, aussi à l’aise dans les soirées mondaines que Templar dans une partie de poker avec des malfrats new-yorkais.

Comme nombre de confrères aventuriers, le Saint partage son temps entre les voyages sous de multiples latitudes et les jeux de chat et de souris avec les policiers qui s’éreintent après lui : car Templar est souvent leur allié mais toujours un homme dont il faut se méfier, car son intérêt ne rencontre pas forcément celui des autorités officielles. Qu’un collier de perles vienne à passer ou une belle femme à crier et le Saint ne suit plus que son instinct, sans s’embarrasser de fioritures légales. C’est bien sûr ce qui fait son charme et nous permet, à nous autres, de nous révolter à bon compte contre les tracas d’une vie ordinaire. Son Sergent Garcia, Templar le trouve dans l’inspecteur principal Claude Eustace Teal de Scotland Yard, dont beaucoup de policiers dans la série ne sont que des copies tout juste retouchées, du Fernack américain au Quercy français. Dans la série, Teal sera passé par plusieurs visages avant de trouver son interprète définitif en Ivor Dean, allié-ennemi récurrent du Saint.

Force est de reconnaître cependant que Le Saint a bénéficié de la grande popularité de son personnage éponyme, décliné dès les années 30 à la radio, au cinéma et dans les bandes dessinées. Forte de ses 118 segments, la série s’inscrit dans un univers dont elle ne représente qu’un aspect et pas le plus riche : car en dépit de ses qualités et du soin apporté à sa fabrication, la série accuse aujourd’hui ses quarante ans et semblera sans doute bien répétitive à qui ne l’a pas découverte, et aimée, au temps jadis. Décors interchangeables, intrigues idoines, héros condamné à la stagnation au contraire de sa déclinaison littéraire : Le Saint ne se renouvelle guère au cours de ses trois saisons noir et blanc, au point que l’on ne perçoit aucun changement entre le premier épisode diffusé en 1962, « Un mari plein de talent », et « Le trésor » qui ferme la marche à la... 71ème place.

La sortie des coffrets DVD est cependant une trop belle occasion de découvrir cette série classique et on aurait grand tort de n’y pas faire un tour : car abstraction faite des quelques réserves émises ci-avant, la série avec Roger Moore conserve – aussi – ce charme subtil du noir et blanc et des décors exotiques créés en studios, le parfum délicieusement théâtral de ces années qui virent également fleurir Destination Danger (que l’on attend maintenant sur le même support et chez le même éditeur), moins consensuel, plus brutal, plus enivrant. Et puis Moore est si sympathique, et si avant-garde, n’est-ce pas, lorsqu’il tourne vers nous son ironique regard bleu et nous apostrophe en ouverture de chaque épisode ! Non, vraiment, on ne peut pas ne pas lui sacrifier quelques heures d’une vie de sériephile. Et tant que vous y serez, pensez donc à lire quelques-uns des romans de Charteris. Vous serez ainsi fin prêts le jour où nous vous proposerons un dossier sur le personnage... Puisqu’on vous le dit.

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