Commentaire de l'épisode "Day of Reckoning" de Bonanza (2.07)

retour au guide de la saison 2 de Bonanza

La série et les photos sont © CBS-Paramount (Bonanza) et/ou NBCUniversal (DVD). All rights reserved.

 

 

 

 

Leonard Heideman est un pseudonyme de Laurence Heath, qui travaillera plus tard notamment sur Mission : Impossible. Il co-signe ici avec R. Hamer Norris (dont la filmographie indique la participation à quelques séries western de l’époque) un scénario intelligent, non dépourvu de l’idéalisme facile qui caractérise Bonanza mais traitant avec nuance et honnêteté le cas de conscience de Matsou, l’Indien qui tente de vivre comme un Blanc. L’histoire est placée sous le signe de la Bible, que lit l’Indienne Hatoya, livre d’amour mais aussi de haine, lorsque le fermier Ike Daggert cite la formule « Œil pour œil » afin de justifier un meurtre commis par vengeance. C’est la Bible qui, apparaissant à Ben sous la tente de Matsou et Hatoya lorsqu’il reprend connaissance, crée un lien puissant entre lui et les deux Indiens qui l’ont soigné. Plus tard, c’est bien en missionnaire qu’agit Ben : en donnant au couple une terre, il veut leur apprendre à la cultiver. Ce faisant, il les exhorte à abandonner leur vie indienne pour adopter le mode de vie des colons blancs. En quelques scènes, Matsou l’Indien devient ainsi un Charles Ingalls avant l’heure, abattant des arbres pour bâtir sa maison, labourant la terre, derrière la charrue, mangeant à une table le pain que sa femme aimante a cuit dans le four. Le scénario montre le déchirement de Matsou, ses doutes lorsqu’il se voit ainsi transformé. S’il désire la paix, s’il est conscient que jamais plus les Blancs ne rendront ces terres aux Indiens et qu’il est impossible de s’opposer au nouvel ordre des choses, Matsou demeure, en son cœur, un Indien. Son âme est celle du Bannock qu’il est toujours, même s’il refuse de se joindre à son frère Lagos (le nom évoque le Iago de Shakespeare, archétype de la tentation mauvaise) pour mener la guerre aux Blancs. Plus fort est l’amour qu’il éprouve pour sa femme Hatoya, convertie au christianisme. L’autre personnage fort de l’histoire est le fermier Ike Daggert qui, lui, refuse de vivre en bon voisinage avec les Indiens, qu’il n’est capable de voir que comme des « sauvages », plus dangereux que des bêtes sauvages. Le dialogue reproduit ci-dessous exprime sans ambiguïté le conflit d’opinion qui oppose Ike et Ben et qui scelle le dénouement de l’histoire. Le rêve de Ben ne résiste pas à la haine soulevée par Lagos, qui appelle la haine en retour. L’obligation de concentrer en cinquante minutes un propos complexe génère forcément de la frustration et encourage une forme de caricature, un jeu parfois trop théâtral, surtout de la part de Ricardo Montalban. Mais cela n’oblitère pas la qualité d’un scénario qui met en scène un dilemme réaliste et accepte l’ambiguïté.  

Ben et Ike Daggert (acte II) :

Ike – Whichever way it is, I ain’t going to have no Injun for a neighbor and you ain’t got no right to make me. De toutes les façons, je n’accepte pas d’avoir un Indien pour voisin et tu n’as pas le droit de m’y forcer.

Ben – Now, look, let’s just simmer down and talk some sense, Ike. Allons, calmons-nous et parlons de façon raisonnable, Ike.

Ike – I don’t want to simmer down ! Now, listen to me. The night that you was hurt, I come down here to get you to run off two savages that sneaked on to your land, and they was squatting in a stinking tent right next to my boundary. Now I find out those same two savages has been given a farm by you right next to my land, and you ask me to simmer down ! Je ne veux pas me calmer ! Allons, écoute-moi. La nuit où t’as été blessé, je suis venu jusqu’ici pour que tu chasses deux sauvages qui rôdaient sur ta terre, ils s’étaient installés dans une tente puante juste à côté de ma propriété. Maintenant, je découvre que tu as donné une ferme à ces mêmes deux sauvages, et tu me demandes de me calmer !

Ben – Now, those two « savages » saved my life. Mais ces deux « sauvages » m’ont sauvé la vie.

Ike – Yeah, more like they stuck their knife into you first. All right, now, if you have to give ‘em a reward, give ‘em whiskey or money. Don’t give ‘em land ! Ouais, tu parles, je crois plutôt que c’est eux qui t’ont planté un couteau dans la peau, en premier lieu. Bon, enfin, si tu dois leur donner une récompense, donne-leur du whisky ou de l’argent. Ne leur donne pas une terre !

Ben – Well, don’t you think that Indians at least have a… a call to share the land in this valley ? Mais tu ne crois pas que les Indiens ont au moins un… un droit de partager la terre de cette vallée ?

Ike – No ! Not next door to me ! Non ! Pas à ma porte !

Ben – What have you got against Indians ? I sure would like to know. Qu’est-ce que tu as contre les Indiens ? J’aimerais bien le savoir.

Ike – Well, I sure would like to tell you. I don’t like ‘em because they’re bloodthirsty savages. They’re worse than wild animals. They’re twice as dangerous. And I don’t like ‘em ‘cause they’re heathens. And I don’t like ‘em ‘cause they won’t work, and they can’t work, and because they’re dirty, and they stink, and they’re sneaky, and they’re drunks, and they’re thieves, and God knows what else. Most of all, I don’t like ‘em ‘cause they scare me. I hate ‘em. Eh bien, je vais te le dire. Je ne les aime pas parce que ce sont des sauvages assoiffés de sang. Ils sont pires que des animaux sauvages. Deux fois plus dangereux. Et je ne les aime pas parce que ce sont des païens. Je ne les aime pas parce qu’ils ne veulent pas travailler, qu’ils ne savent pas travailler, et parce qu’ils sont sales, qu’ils puent, qu’ils rôdent, que ce sont des ivrognes, des voleurs, et Dieu sait quoi d’autre. Et surtout, je ne les aime pas parce qu’ils me font peur. Je les déteste.

Ben – What is it about them that scares you ? Qu’est-ce qu’ils ont qui te fait peur ?

Ike – They got long, black hair… Ils ont des cheveux longs, et noirs…

Ben - … and red skins ! … et la peau rouge !

Ike – Yep. Ouais !

Ben – Yeah… I’m not gonna try to answer you, Ike, not now, but some day somebody’s gonna have to answer for people who think like you do. Ouais… Je n’essaierai pas de te répondre, Ike, pas maintenant, mais un jour il faudra bien que quelqu’un réponde pour les gens qui pensent comme toi.

Ike – There’s nothing wrong with the way I think. Il n’y a rien de mal dans ma façon de penser.

Ben – Well, I’m not gonna argue that point either, but neither am I gonna back down from what’s my right to do. Now, I promised Matsou and Hatoya that piece of land and I mean for them to have it. Eh bien, je ne discuterai pas sur ce point non plus, mais je ne renoncerai pas davantage à ce qui est mon droit. J’ai promis à Matsou et Hatoya ce lopin de terre et j’ai l’intention de leur donner.

Ike – Yeah, well, why put ‘em next to me ? Bon, alors pourquoi les mettre à côté de moi ?

Ben – It’s not just a piece of land, Ike. It’s, it’s treating them like people. I have no intention of giving them some worthless scrap up around the rocks. They’ve already got that. I want to give ‘em a piece of land that they can work, a piece of land that they can farm. And that land next to yours is the best I have, and it’s my intention to give it to them. Ce n’est pas juste un lopin de terre, Ike. Il… il s’agit de les traiter comme des gens. Je ne veux pas leur donner un terrain sans valeur là-haut dans les rochers. Cela, ils l’ont déjà ! [sous-entendu : c’est le genre de terre que leur donnent les traités signés avec les Blancs] Je veux leur donner un lopin de terre qu’ils puissent travailler, un lopin de terre qu’ils puissent cultiver. Cette terre près de la tienne est la meilleure que j’aie, et j’ai bien l’intention de la leur donner.

Ike – If you put ‘em on that piece, I move out. Si tu les mets sur ce lopin, je m’en vais.

Ben – Well, that’s a decision that you’re gonna have to make, Ike. I’d think about it a long time before I made the move. Now, look, all… all I’m asking you to do is… is give those two a chance ! I don’t want you to… be a friend, just be a decent neighbor. Eh bien, c’est ta décision, Ike. J’y réfléchirais à deux fois avant de partir. Maintenant, écoute… tout ce que je te demande c’est de… de leur donner une chance à tous les deux ! Je ne te demande pas d’être… leur ami, juste un honnête voisin.

Ike – Well, I’ll tell you what kind of neighbor I’ll be. I’ll treat ‘em just like they wasn’t there. I won’t talk to ‘em. I won’t answer ‘em. I won’t help ‘em. I won’t let them help me. I won’t go on their land, and if they put a foot on my land, I’ll kill ‘em. Eh bien, je vais te dire quel genre de voisin je serai. Je les traiterai comme s’ils n’étaient pas là. Je ne leur parlerai pas. Je ne leur répondrai pas. Je ne les aiderai pas. Je n’accepterai pas leur aide. Je n’irai pas sur leur terre, et s’ils mettent un pied sur ma terre, je les tuerai.

Ben – Ike ! You do anything out of line, you’ll answer to me. Ike, si tu fais quoi que ce soit de mal, c’est à moi que tu en répondras.

 

Ike, à Matsou et Ben, après avoir tiré sur Hatoya : « There, you savage. You killed my wife, I killed yours. An eye for an eye. An eye for an eye, Ben, an eye for an eye. That’s in the Book. An eye for an eye. It’s in the Book. » (« Voilà, sauvage. Tu as tué ma femme, j’ai tué la tienne. Œil pouroeil. Œil pouroeil, Ben, œil pour œil. C’est dans la Bible. Œil pour œil. C’est dans la Bible. »)

 

Matsou emploie le mot « rawhide » qui, à la même époque, a été choisi comme titre d’une autre série western, tournée en noir et blanc au contraire de Bonanza. « Rawhide » désigne le cuir brut, avec lequel Matsou a lié les quatre membres de Ben avant de le laisser exposé au soleil qui, en tendant le cuir, fera souffrir Ben.

 

 

Karl Swenson (Ike Daggert) avec Dan Blocker et Lorne Greene

Ricardo Montalban et Madlyn Rhue (Matsou et Hatoya)

Ricardo Montalban (Matsou) avec Dan Blocker et Lorne Greene

 

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